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Si l'on remonte la chaîne des responsabilités qui a permis la nomination de Mgr Wielgus à un poste aussi sensible que celui d'archevêque de Varsovie, on constate de possibles dysfonctionnement et des contrôles mal réalisés
A qui la faute ? La question hante les conversations à Rome, après la démission forcée du tout nouvel archevêque de Varsovie, Mgr Stanislaw Wielgus, dimanche 7 janvier. Comment a-t-on pu désigner, pour un poste si emblématique, un homme dont le passé contenait tant de zones dombre ? À quel niveau un processus aussi éprouvé et complexe que celui de la nomination des évêques dans lÉglise catholique a-t-il pu faillir ? Lorsque lon remonte la chaîne des responsabilités cependant, il semble que, comme souvent en pareil cas, il y ait eu une accumulation de faits et de dysfonctionnements successifs : la situation nouvelle de la Pologne après Jean-Paul II, les divisions de lépiscopat polonais, la personnalité fragile de lévêque en question, et des carences du contrôle à certains niveaux. Car nommer un évêque prend du temps, tant la procédure secrète est étroitement encadrée par le droit canonique. La première étape engage lépiscopat du pays concerné et le nonce qui y représente le pape. Les évêques, parce quil est de leur devoir de donner tous les deux ou trois ans à la nonciature, dans le plus grand secret, des noms de candidats possibles à lépiscopat. Le nonce, parce que, lorsquun siège est vacant, cest à lui que revient la charge dune enquête à partir des noms déjà donnés, mais aussi pour en engranger dautres. Pour cela, il consulte le président de la Conférence épiscopale, les évêques de la province ecclésiastique concernée, éventuellement dautres évêques, des prêtres (vicaires généraux, par exemple) et des laïcs. Ensuite, pour approfondir lenquête et trouver « lhomme juste », il reprend lenquête et questionne de nouveau les évêques. Les pays sensibles traités directement au Vatican La deuxième étape met en jeu la curie à Rome et à nouveau le nonce apostolique. Ce dernier envoie le résultat de son enquête à la Congrégation pour les évêques ou, pour les territoires danciens pays de mission (Afrique, Asie, une partie de lAmérique latine), à la Congrégation pour lévangélisation des peuples. Quant aux pays « connaissant une situation exceptionnelle », ils sont directement traités par la Secrétairerie dÉtat, au plus haut niveau du Vatican. Cest encore le cas de la Chine. Et cétait, jusquà très récemment, celui des anciens pays du bloc communiste, comme la Pologne. Ce nest quen 2005 que Benoît XVI, à peine élu, a fait rentrer ces pays dans le droit commun. Jusquà cette date, donc, les nominations dévêques pour la Pologne relevaient de la seule Secrétairerie dÉtat, voire du pape et de son strict entourage. Le pays natal de Jean-Paul II constituait un « territoire réservé ». Dans le cas habituel, les fonctionnaires de la Congrégation pour les évêques reçoivent des fiches-portraits élaborées par le nonce. Concernant Mgr Wielgus, le nonce na pas jugé bon de faire une demande à lÉtat polonais des archives pourtant accessibles Mais la Congrégation peut aussi retravailler les dossiers et demander davantage de précisions Puis les dossiers sont examinés par les cardinaux et évêques membres de cette Congrégation. Ce conseil (dont font partie 28 cardinaux et 8 évêques) se réunit environ deux fois par mois, sous la houlette du préfet de la congrégation, le cardinal Giovanni Battista Re mais les cardinaux non résidents à Rome ne sont pas toujours tous là. Les évêques sarrêtent alors sur une liste de trois noms (la terna), ou parfois plus : un choix qui sera ensuite transmis au pape. Au pape revient la décision finale Cest au pape, et à lui seul, que revient la décision finale. Il demande parfois un complément denquête, mais peut aussi refuser les candidats. La nomination dun évêque repose donc sur un long processus, qui peut prendre des mois, parfois plus dun an, impliquant toute léchelle hiérarchique. Enfin, ultime étape, et non la moindre, lélu est informé de la décision du pape. Il peut accepter, mais il peut aussi refuser auquel cas il faut reprendre toute la procédure à zéro Concernant Mgr Wielgus, pourquoi les contrôles nont-ils pas fonctionné ? La situation était nouvelle. Les archives polonaises sont ouvertes depuis peu, le premier cas de prêtre impliqué remonte ainsi à avril 2005. La curie fonctionne sur des principes pluriséculaires, avec une force dinertie importante, et ne sadapte que lentement aux nouveaux contextes : deux ans, à léchelle de Rome, ce nest rien ! Aussi étonnant que cela paraisse, il est possible que dans cette nomination, dont le processus a commencé il y a plus dun an, Rome ne se soit pas inquiétée outre mesure du passé « communiste » du candidat. « Avant que les archives souvrent, on ne pouvait que faire confiance aux responsables de lÉglise », explique un responsable romain. Procédure allégée pour un candidat déjà évêque De plus, ces contrôles sont importants lorsque lon nomme un nouvel évêque, qui fait lobjet dune enquête approfondie. La procédure est très allégée lorsque, comme ici, le candidat est déjà évêque et quil sagit seulement dun transfert : Mgr Wielgus avait été nommé évêque de Plock en 1999, sans que son passé soit remis en cause à lépoque par Jean-Paul II. De plus, le nonce, qui constitue, on la vu, la cheville ouvrière de ces nominations, est actuellement un Polonais, Mgr Jozef Kowalczyk. Situation exceptionnelle, là encore, héritage de lépoque où la Pologne était le pays du pape. Mais, note-t-on aujourdhui à Rome, ce nest pas le meilleur moyen de garantir son objectivité Sajoute enfin la personnalité même de Mgr Wielgus qui, confie un bon connaisseur du dossier, est fragile ce dont avaient profité les agents communistes. Il aurait pu refuser la nomination, ou demander un délai pour que la lumière soit faite. Or, soumis à une pression médiatique intense, il a multiplié les faux pas, nié les faits pour ensuite les reconnaître, demander pardon et tenter dimpliquer le pape. Celui-ci a lancé, mercredi 10 janvier, lors de l'audience générale, un appel voilé à la prudence dans le choix des évêques. Evoquant le geste de l'imposition des mains dans l'Eglise primitive, il a rappelé qu'il s'agissait "d'une action importante, à accomplir avec discernement". Isabelle DE GAULMYN, à Rome Tiré du journal "La Croix" du 12 janvier 2007 |
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