L’Église catholique, je ne l’ai pas choisie. Je suis née dedans comme je suis née au Témiscamingue, dans la province de Québec. J’y ai grandi dans la peur du Dieu qu’on m’a présenté, comme j’ai grandi sous la férule du régime de Duplessis. C’était comme ça ! Ah! si je m’en souviens! L’œil de Dieu qui nous surveille, nous contrôle et nous punit ! Le Dieu de mon enfance n’était pas pour moi une Personne, un Père, mais un Oeil ! Grand Dieu ! Tout ce qu’il fallait faire pour ne pas déplaire à cet OEIL ! ..


MOI, POURQUOI JE RESTE ?
Oui, c'est l'Église qui m'a faite, mais c'est aussi l'Église qui m'a changée. À mesure qu'en elle, j'ai découvert le Dieu de Jésus-Christ, l'Évangile, le renouveau catéchétique, le Concile Vatican II, là, j'ai changé complètement de Dieu ! Le Dieu « empereur » est devenu le Dieu « Amour », incarné en Jésus, et semé en chacun(e) de nous. C'est toute la différence ! Dieu n'apparaît pas, il transparaît, disait Maurice Zundel.

Hélas ! dans cette Église que j'aime et qui a changé aussi, je ne reconnais pas toujours le Dieu de l'Évangile et les attitudes de Jésus. Et j'en suis déçue, peinée, et parfois, en colère. Malgré tout, je veux bien continuer de vivre dedans, avec ses défauts et ses manques (les miens aussi!), mais je ne peux pas me taire! Quelque chose me brûle en dedans. Et quand je regarde Jésus, je me console en pensant que lui aussi a dit avec force, son désaccord avec les autorités religieuses de son temps. Il n'a pas ménagé sa critique contre ce qui pouvait encombrer, fausser ou pervertir la religion voulue par son Père. Et quand on lit Matthieu 23, 13-30, Jésus est intraitable: « Malheur à vous, guides de la Loi et Pharisiens hypocrites... serpents, race de vipères... votre maison sera laissée vide » . Le Dieu de la vie n'a d'autre dogmatique que celle de l'amour, celle du service. Il me semble que la foi en Jésus ne peut que désirer la critique des croyants qui veulent une Église à l'image de l'Évangile.

Le soir de l'accession au cardinalat de Mgr Ouellet, j'étais perchée, en haut du jubé de l'église St-Roch, aux dernières places, derrière les colonnes, avec les pauvres et les « minables » de la société. J'y ai entendu une seule parole, qui m'est restée et qui semblait être tout un programme : « Repartir du Christ ». Mais au fur et à mesure qu'après, se défilaient les discours et les gestes posés, il fallait constater que nous ne repartions pas du Christ, mais plutôt du Concile de Trente, effleurant à peine Vatican II. Mais où est-il donc l'Esprit promis par Jésus, qui nous fait entendre aujourd'hui, le message intouchable de l'Évangile ? L'Église n'est-elle pas appelée à s'incarner dans l'histoire en marche ? Le Royaume de Dieu ne marcha pas à reculons. Dieu n'est pas bloqué dans les années 30. Il marche avec nous aujourd'hui, dans le monde post-moderne que nous habitons, avec nos avancées et nos reculs, avec nos générosités et nos faiblesses et surtout, avec cette étincelle de Lui, semée en nous comme une boussole qui nous indique le sens. Il est urgent de trouver un nouveau langage pour dire que l'Évangile est une Nouvelle, BONNE pour tout le monde !

J'ai mal à mon Église quand on porte sur le peuple québécois un regard négatif, comme s'il était le champion du divorce, de l'avortement, du suicide, de l'abandon de la religion, sans s'apercevoir de sa générosité, de sa recherche de sens, de sa créativité et de sa prodigieuse hospitalité.

J'ai mal à mon Église quand j'entends un langage de peur qui a de quoi éteindre toutes les flammes : peur du modernisme, peur du relativisme, peur de la culture de la mort. Plutôt qu'une morale d'interdiction et de condamnation, pourquoi pas une morale d'invitation, d'appel, d'évolution ? « N'aie pas peur », disait Jésus. Il disait encore : « Si tu veux »... « Lève-toi, prends ton grabat et marche ».

J'ai mal à mon Église quand je vois condamner ou bâillonner les théologiens « progressistes », de même quand je vois mettre en veilleuse la théologie de la libération.

J'ai mal à mon Église quand, dans le langage de Vatican II, on a fait la promotion du laïcat et que dans la pratique, il n'y a pas grand-chose de changé. Les laïcs n'ont pas plus de pouvoir ni d'autonomie qu'avant, même s'il y a plus de liberté de parole. Ils doivent accepter tout sans récriminer, comme si l'Esprit de Dieu était seulement dans la hiérarchie.

J'ai mal à mon Église quand le peuple de Dieu manque de prêtres et qu'on refuse le sacerdoce ministériel à des baptisé(e)s capables d'assumer cette responsabilité.

J'ai mal à mon Église quand on refuse toujours la communion eucharistique aux divorcés remariés et qu'on abolit les si belles célébrations communautaires du pardon avec absolution collective, alors que les gens venaient, plein l'église.

Même si je ne me sens pas toujours confortable dans mon Église catholique romaine, je me console en pensant que cette vieille Mère Église flotte encore, contre vents et marées, depuis 2000 ans, avec la seule parole qui la tient debout : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du temps (Mt 28, 20). Je me console aussi en pensant que pour son Église, Jésus semble avoir voulu une structure égalitaire, ressemblant davantage à celle d'une famille dans laquelle l'autorité est exercée au service des autres :« Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9, 35). Jésus n'a pas créé de hiérarchie, n'a pas décrété de dogmes, n'a pas imposé de droit canonique. Il n'a parlé que de la bonté de Dieu. Il n'a prêché que le partage, le pardon et la paix.

Mais au-delà de la structure, l'Église est aussi le Corps du Christ. Cette Église mystérieuse, faite de pierres vivantes, fraternelle et sans exclusion, elle a un visage visible. Je la touche aussi, surtout au ras du sol et dans les marges, dans les groupes restreints, dans la multitude des réseaux de solidarité qui s'engagent pour un monde de justice et de fraternité. Mais cela ne va jamais de soi : je crois que nos communautés humaines seront toujours imparfaites, fragiles et source de déceptions.

La vraie communauté est invisible à nos yeux : c'est la communion des saints où, avec nos différences et nos préoccupations, nous sommes uni(e)s dans le même Corps du Christ. Oui, je reste, parce que l'Église, c'est d'abord nous, temple de pierres vivantes, où il n'y a ni mortier ni ciment, car ce qui nous tient ensemble, c'est Jésus, pierre angulaire. C'est son amour qui nous cimente les uns aux autres.

Je reste dans l'Église d'aujourd'hui et de toujours parce que je garde toute ma confiance en Jésus le Vivant, parce que je désire toujours traduire en actes, tant bien que mal, son Évangile, et que je veux vivre en communion avec tous mes frères et soeurs

Laurette Lepage

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Tiré de SME-Infonet http://www.webzinemaker.com/sme/, webzine publié par la Société des prêtres du Séminaire de Québec.


09/03/2010

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