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Mgr Pierre Gaudette P.H. qui a été professeur d'Éthique pendant de nombreuses années à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval (Québec) nous livre dans cet article se réactions au document du pape François sur la famille intitulé "La joie de l'amour" (Amoris laetitia).
Cet article préparé pour la revue Pastorale-Québec et paru dans cette revue, est publié ici avec l'autorisation de cette dernière, ce dont nous remercions chaleureusement le Rédacteur en chef, monsieur l'abbé René Tessier.
Deux grandes préoccupations traversent l’Exhortation post-synodale Amoris Laetitia: aborder les situations vécues, quelles qu’elles soient, avec respect et compassion; présenter l’idéal évangélique d’une façon stimulante et joyeuse, capable de rejoindre les aspirations les plus profondes des personnes. Cela est particulièrement manifeste dans le chapitre 8 de l’Exhortation où le pape aborde ce qu’il appelle « les situations irrégulières » qui contreviennent d’une façon ou de l’autre à la vision chrétienne du mariage et de la sexualité: la cohabitation, le mariage civil et surtout la situation des divorcés remariés qui a polarisé l’attention médiatique.
Une approche empreinte de respect et de compassion
À plusieurs reprises et en des termes très forts le pape refuse que l’on aborde ces situations dans une perspective purement moralisante et qu’on les évalue uniquement en fonction de leur manquement aux normes. « Il faut éviter, écrit-il, des jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations ; il est également nécessaire d’être attentif à la façon dont les personnes vivent et souffrent à cause de leur condition » (Amoris Laetitia, no 297). « Par conséquent, ajoute-t-il ailleurs, il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’ vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante »(301). Un peu plus loin, il dénonce une approche dont il reconnait qu’elle a été répandue autrefois dans l’Église: « Il est mesquin de se limiter seulement à considérer si l’agir d’une personne répond ou non à une loi ou à une norme générale […] En croyant que tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance, et nous décourageons des cheminements de sanctification qui rendent gloire à Dieu. » (305).Ce que le pape propose, c’est d’aborder ces situations avec le même regard que celui de Jésus, un regard empreint d’amour (293) et de compassion, conscient des souffrances souvent vécues par les personnes ainsi que des conditionnements qui entravent leur liberté (301), mais un regard attentif aussi à tout ce qu’avec la grâce de Dieu elles peuvent vivre de bon et de beau dans la situation qui est la leur. (78,79) Une interpellation stimulante Cette attitude d’accueil n’est pas une adhésion à la conception contemporaine du mariage. « En tant que chrétiens, nous dit le pape, nous ne pouvons pas renoncer à proposer le mariage pour ne pas contredire la sensibilité actuelle, pour être à la mode, ou par complexe d’infériorité devant l’effondrement moral et humain. Nous priverions le monde des valeurs que nous pouvons et devons apporter. »(35; aussi 307 ). Mais pour ce faire, il faut en montrer toute la beauté. Cela ne se fait pas par « une dénonciation rhétorique des maux actuels » ni « en imposant des normes par la force de l’autorité » (35) mais en montrant comment le mariage « est une réponse aux attentes les plus profondes de la personne humaine : à sa dignité et à sa pleine réalisation dans la réciprocité, dans la communion et dans la fécondité » (230). Il en est ainsi, par exemple, de l’indissolubilité du mariage qui surgit du désir amoureux de durer toujours : « L’union qui se cristallise dans la promesse matrimoniale pour toujours est plus qu’une formalité sociale ou une tradition, parce qu’elle s’enracine dans les inclinations spontanées de la personne humaine » (123; voir aussi 134). C’est la beauté de l’amour conjugal que veut déployer le pape particulièrement au chapitre 4, où, avec saint Paul, il en développe les joies et les exigences. Il fait montre alors d’un sens aigu des réalités vécues par ceux et celles qui sont engagés dans une relation permanente. Il est bien conscient, par exemple, des défis inédits causés par l’augmentation de l’espérance de vie (163). Le langage est simple, moderne, plein de notations savoureuses, et de conseils judicieux (en particulier les nos 136 et sv, sur le dialogue) qui donnent le goût de grandir dans l’amour mutuel. Une dynamique de croissance Dans tous ces développements, François réaffirme donc une distinction que beaucoup de pasteurs appliquaient déjà dans la pratique. Il y a d’une part la théologie morale qui à partir de l’Évangile précise les comportements dignes des disciples du Christ. Mais d’autre part, il y a le discernement pastoral qui, lui, peut prendre en compte les données de leur conscience et la totalité de leur vécu. Accueillant les personnes telles qu’elles sont, le pasteur peut rejoindre ce qu’il y a de meilleur en elles et les accompagner sur le chemin de l’Evangile. Sans discernement pastoral, les fidèles risquent d’être écrasés sous le fardeau de la loi morale. Sans interpellation morale, ils risquent d’être enfermés dans le statu quo. Mais stimulés par une présentation positive des beautés du mariage chrétien, ils peuvent prendre progressivement conscience des limites de leur situation actuelle et discerner les appels qui leur sont concrètement lancés par l’Esprit Saint. Le pape parle ici d’un itinéraire d’accompagnement et de discernement « qui oriente ces fidèles à la prise de conscience de leur situation devant Dieu. Le colloque avec le prêtre, dans le for interne, concourt à la formation d’un jugement correct sur ce qui entrave la possibilité d’une participation plus entière à la vie de l’Église et sur les étapes à accomplir pour la favoriser et la faire grandir » (338), des étapes qui, dans certains cas, pourraient conduire des divorcés remariés jusqu’à la participation aux sacrements (notes infrapaginales 336 et 351). Il s’agira ici d’être particulièrement attentifs à la façon dont ces fidèles vivent déjà cet amour qui les incite « à prendre soin l’un de l’autre et à se mettre au service de la communauté dans laquelle ils vivent »(78). . Trois mots peuvent donc désigner l’attitude que le pape François attend du pasteur: Compassion, interpellation, accompagnement. Dans la lumière de l’Esprit Saint. Pastorale-Québec, juin 2016, pp.3-4 Les numéros renvoient au texte de l'Exhortation "La joie de l'amour" (Amoris Laetitia) dont le texte français se trouve à l'adresse suivante Mgr Pierre Gaudette P.H. avril 2016 |
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