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La culture, reflet de ce que vous êtes et creuset de ce que vous deviendrez - Homélie de Mgr Paul Lortie

Homélie prononcée par Mgr Paul Lortie, évêque auxiliaire à Québec, lors des funérailles de monsieur Roland Arpin, ancien directeur du Musée de la civilisation à la Cathédrale Notre-Dame-de-Québec, le 11 septembre 2010. Textes de l'Écriture : Ap 21, 1-7 et Mc 15, 33-39 ; 16,1-6



Photo de  Mgr Paul Lortie
Photo de Mgr Paul Lortie
Lors de sa visite à Québec en 1984, le pape Jean Paul II a bien mis en lumière le rôle irremplaçable que jouent la culture et l’éducation pour le développement d’un peuple. Il affirmait : « La culture – et de même l’éducation qui est la tâche première et essentielle de la culture – est la recherche fondamentale du beau, du vrai, du bien, qui exprime au mieux l’homme, comme “le sujet porteur de la transcendance de la personne”, qui l’aide à devenir ce qu’il doit “être” et pas seulement se prévaloir de ce qu’il “a” ou de ce qu’il “possède”. Votre culture est non seulement le reflet de ce que vous êtes, mais le creuset de ce que vous deviendrez » (1984-09-09). Notre frère Roland a toujours été un assoiffé de vérité, imprégné de sagesse et désireux d’offrir le beau. N’est-ce pas des idéaux nobles et fondamentaux pour qu’une société puisse s’épanouir, se de développer et tenir compte du bien commun?

Les arts ont une façon privilégiée, inspirée et raffinée pour nous aider à apprivoiser le beau afin de le contempler et de le goûter. La musique, le théâtre, la poésie, la peinture et bien d’autres voies sont autant de moyens pour découvrir la beauté des êtres, intégrer des valeurs et tendre à une vérité toujours plus grande dans nos vies personnelles et collectives. La beauté, comme la vérité, c’est ce qui met la joie au cœur des humains, c’est ce fruit précieux qui résiste à l’usure du temps, qui unit les générations et les fait communiquer dans l’admiration. L’Église a largement profité de cette richesse : les artistes ont décoré ses temples, célébré ses dogmes, enrichi la liturgie. Ils ont contribué avec d’autres à rendre saisissable le monde invisible.

Les temps actuels sont touchés par des phénomènes négatifs au niveau social et économique, mais également par un affaiblissement de l’espérance, par un certain manque de confiance dans les relations humaines. Qu’est-ce qui peut redonner l’enthousiasme et la confiance, qu’est-ce qui peut encourager le cœur humain à lever le regard vers l’horizon, à rêver d’une vie digne de sa vocation sinon la beauté ? Nous savons bien que l’expérience du beau n’est pas quelque chose d’accessoire ou de secondaire dans la recherche du sens et du bonheur, mais, au contraire, elle mène à une saine confrontation avec le vécu quotidien pour le libérer de l’obscurité et le transfigurer, pour le rendre lumineux, beau.

La foi en Dieu et la culture s’enrichissent mutuellement pour combler notre recherche de vérité, d’absolu et de bonheur. La foi peut jouer une saine influence pour éclairer la culture à partir de la lumière de la Bible. Elle lui demandera quelles valeurs la culture promeut, quel destin elle offre à la vie, quelle place elle donne aux pauvres et aux déshéritées auxquels s’identifie le Fils de l’homme (cf. Mt 25,40); comment elle conçoit le partage, le pardon, l’amour. La foi au Christ ressuscité devient une référence, un souffle et une inspiration pour répondre aux grandes questions de l’existence humaine : qui suis-je ? Que se passe-t-il après la mort ? D’où je viens ? Où je vais ?

Certains livres de la Parole de Dieu sont poétiques. Le livre de l’apocalypse en est un bel exemple. Saint Jean présente les cieux nouveaux, la terre nouvelle avec des images où nous sommes appelés à une croissance indéfinie dans l’amour et la beauté. Images de la fête où tous sont conviés. Images du repas quotidien et du grand banquet. Images des retrouvailles de familles et des noces éclatantes. Image de la ville illuminée, avec son fleuve et ses remparts (cf. Ap 21, 10- 22, 5). Toutes ces images parlent de rencontres, d’être avec. Être avec son Dieu, marcher avec lui comme au jardin des origines. Se retrouver enfin avec ses proches et ses amis. Ces images parlent de bonheur et de joie. Joie de voir clair enfin, sans ombre aucune. Joie de vivre, pour de bon, sans crainte des lendemains. Finis les drames et les guerres et les cortèges de souffrances. Il n’y a aura plus de pleurs (cf. Ap 21, 3). Ces images parlent d’éclat et de splendeur. Ces images parlent de vitalité et de croissance. Au-delà de tout ce qui peut monter au cœur des humains. Un radical retournement de situations se produira. L’ordre des choses sera inversé et le monde remis à l’endroit.

Ce grand rêve que nous caressons au plus profond de nous-mêmes, de vivre, de vivre éternellement, la Parole de Dieu en est un écho saisissant et toujours actuel. L’Évangile met en lumière des réponses que le Seigneur va faire entendre à ses amis le jour de la grande rencontre. La surprise sera profonde. nous dit la Parole de Dieu. C’est Dieu qui vient à notre porte et qui frappe : « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai le repas avec lui » (Ap 3, 20). Instants de bonheur, de paix, de vie, inépuisables.

Photo de monsieur Roland Arpin
Photo de monsieur Roland Arpin
L’évangile du jour nous offre de contempler le grand amour de Jésus, le Fils de Dieu, le sauveur de l’humanité. Saint Marc nous présente Jésus dans son dépouillement, dans sa faiblesse et son abaissement au calvaire. Jésus prie son Père au moment où il va mourir : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mc 15, 34). Jésus a eu peur de mourir. Il a vécu l’effroi, l’abandon et la solitude. Comme il est réconfortant pour nous, chrétiens et chrétiennes, de découvrir que le Messie est fragile, vulnérable à l’heure de la mort. Il s’abandonne à son Père : il met toute sa confiance en Lui. Le troisième jour, son Père le ressuscite : il est à jamais vivant. Aux femmes qui sont au tombeau, bien simplement, on leur communique la nouvelle qui va changer radicalement et définitivement le cours de l’histoire humaine : « N’ayez pas peur! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici » (Mc 16, 6). Il est vrai que nous sommes ici pour rendre hommage à M. Arpin. Il est surtout vrai que nous sommes ici parce que le Christ est ressuscité et qu’il intercède pour nous. En contemplant la croix où Jésus se livre pour nous, nous découvrons sa grande compassion à la demande du bon larron. Il lui dira : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis » (Lc 23. 43). Quelle espérance pour vivre notre vie quotidienne : Dieu se plaît à pardonner! Dieu se plaît à nous donner une autre chance. À l’heure de la croix, à l’heure de notre propre mort, nous pouvons nous confier et nous appuyer sur Quelqu’un qui a vraiment épousé notre condition humaine et qui a lui-même passé par le creuset de la mort. Apprivoiser le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus donne un sens à notre vie et nous permet plus facilement de partager la grande espérance que le Ressuscité offre gratuitement et amoureusement. Il promet le même héritage à celui qui lui fait confiance.

La foi est un don inestimable pour notre vie quotidienne, car elle peut combler les plus grandes aspirations du cœur humain à l’égard de la vérité, de la fidélité, de la liberté et de l’amour. Déjà, par notre baptême, nous sommes devenus enfants de Dieu et héritiers de la vie éternelle. Notre frère Roland, fidèle gardien de la beauté dans le monde, a mis sa confiance en Jésus qui a dit : « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » (Jn 18, 37). Confions-le à ce Dieu de tendresse. Quant à nous, dans la foi, Celui qui a dit : je suis le chemin, la vérité et la vie (cf. Jn 14, 6) nous rassemble autour de la table eucharistique en nous offrant sa paix et sa force. Amen !

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Vendredi 24 Septembre 2010
Mgr Paul Lortie
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