La Parole de Dieu proclamée ce dimanche arrive à point pour éclairer notre foi, susciter notre espérance, faire grandir notre charité. J’aimerais attirer votre attention sur certains passages qui ont retenu la mienne et faire le lien avec une actualité religieuse plutôt tapageuse de ces dernières semaines.
Dans l’évangile de ce jour, Jésus dit à Nicodème, ce notable parmi les juifs qui est venu le rencontrer pendant la nuit, à la cachette : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16).
Et Jésus lui dit encore : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé » (Jn 3, 17).
Dans la seconde lecture, pour sa part, l’apôtre saint Paul écrit aux Éphésiens : « C’est Dieu qui nous as faits, il nous a créés en Jésus Christ pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous et que nous devons suivre » (Ep 2, 10).
À ces passages de la Parole de Dieu j’aimerais rattacher aussi le thème qui nous est proposé pour l’ensemble de la démarche liturgique du Carême. Adressé à Dieu, ce thème s’énonce ainsi : « Tu aimes le monde et nous marchons avec toi » (VL 376).
On peut résumer ainsi et obtenir le noyau central de la Parole de Dieu de ce dimanche de Carême : Dieu a créé le monde, il aime ce qu’il a créé; il y envoie son Fils pour enseigner à ceux qu’il a créés comment bien agir; le Fils ne vient pas pour juger mais pour sauver.
Il se dégage de ces quelques phrases une impression de confiance; le ton est positif, l’être humain est marqué par une grande dignité. Ces paroles mettent de la lumière dans notre vie de personnes baptisées. Malheureusement, cette impression et ce ton semblent bien peu en accord avec une certaine actualité religieuse qui est rapportée dans les journaux et les bulletins de nouvelles télévisés. Depuis environ deux ou trois semaines, plusieurs nouvelles à caractère religieux ont fait le tour de la planète et suscité des commentaires parfois assez virulents contre l’Église catholique ou contre ses dirigeants ou contre son enseignement. Ces nouvelles viennent apparemment discréditer le message positif de la Parole de Dieu sur laquelle nous méditons. Je me permets de rappeler quelques unes de ces nouvelles.
- Il y a d’abord le cas bouleversant de cette fillette brésilienne devenue enceinte par suite du viol commis sur elle par son beau-père; une équipe médicale et sa mère ont jugé que la vie de cette enfant était en danger et ils ont interrompu sa grossesse en pratiquant sur elle un avortement. L’évêque du lieu a eu connaissance de la chose et il a aussitôt excommunié la mère et les médecins. Pour couronner le tout, une haute autorité de Rome, non pas le Pape mais un de ses proches collaborateurs, a approuvé l’excommunication.
- Pour un deuxième cas, ce n’est pas l’imposition de l’excommunication mais plutôt la levée de l’excommunication qui fait problème. Le Pape a levé l’excommunication qui avait été imposée à quatre évêques ordonnés sans l’autorisation de Rome en 1988. Ces quatre évêques sont membres d’un groupe de catholiques qu’on appelle intégristes parce qu’ils rejettent l’enseignement du Concile Vatican II, qu’ils défient l’autorité du Pape et qu’ils célèbrent la messe selon les anciens rites, notamment en latin. De plus, et ce n’est pas la moindre des choses, un de ces quatre évêques se permet d’affirmer qu’il n’y a pas eu de massacre des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale. Devant le remous provoqué par cette affaire, le Pape a senti le besoin d’écrire une lettre à tous les évêques du monde pour expliquer sa conduite; c’est du jamais vu!
- Pour un troisième cas, il y a cette déclaration du Pape concernant l’usage des préservatifs dans les rapports sexuels et l’impact de cette pratique sur la diffusion du sida. Le Pape était en avion, en voyage vers l’Afrique et il répondait à une question de journaliste. Cette conversation a fait le tour du monde dans le temps de le dire. Les réactions contre les propos du Pape ont été vives, virulentes, violentes même, c’est le moins qu’on puisse dire.
De ces trois événements j’aimerais retenir le premier, celui de la fillette brésilienne pour tenter d’en dégager quelques leçons. Disons le directement : l’évêque qui a lancé l’excommunication n’aurait jamais dû le faire et l’autorité romaine n’aurait jamais dû l’entériner. Au vu des circonstances de vie de la fillette, la loi de l’Église ne lui imposait pas, mais pas du tout, cette conduite (Can 1323 1324). Provoquer une interruption de grossesse est évidemment une décision très grave. Mais on était en présence d’une enfant ayant subi des violences physique et psychologique également très graves mettant sa propre vie en péril. Le principe du respect de la vie ne s’applique pas seulement pour le fœtus. On peut retenir que l’extrême gravité de ce cas, et j’oserais même dire le caractère scandaleux de la décision de l’évêque, a provoqué plusieurs autres évêques à publier des lettres pour dénoncer la décision de leur collègue brésilien. On peut retenir aussi que dans la délicate question de l’interruption de grossesse, le critère du respect de la vie du fœtus n’est désormais pas le seul à pouvoir être placé au-dessus de tous les autres.
Un prélat romain, archevêque et président de l’Académie pontificale pour la vie, Mgr Rino Fisichella a écrit ceci dans le journal du Vatican, l'Osservatore Romano : « Avant de penser à l'excommunication, il était nécessaire et urgent de sauvegarder sa vie innocente et de la ramener à un niveau d'humanité dont nous, les hommes d'Église, devrions être des annonciateurs experts et des maîtres. Il n'en a pas été ainsi et, malheureusement, la crédibilité de notre enseignement s'en ressent, apparaissant aux yeux de tant de personnes comme insensible, incompréhensible et privé de miséricorde ». (OR 17 mars 2009).
Dans une lettre adressée aux diocésains et diocésaines de Québec, notre archevêque, le cardinal Ouellet, a pris position sur cette question et il a fait siens les propos de Mgr Fisichella.
En conclusion, on peut se demander : Y a-t-il une bonne nouvelle présente dans ce drame brésilien? Y a-t-il quelque chose d’évangélique à y découvrir? Oui il y en a si on garde en mémoire que chez les humains l’application de la loi morale passe toujours par le jugement de la conscience. Dans cet espace de la conscience, chaque personne humaine peut entendre la voix de Dieu qui appelle, Dieu qui offre sa miséricorde. L’Évangile nous donne des exemples de ce que veut dire Jésus lorsqu’il déclare qu’il n’est pas venu abolir la Loi mais l’accomplir.
Rappelons-nous le cas de cette femme prise en flagrant délit d’adultère et qu’on amène à Jésus pour la lapider, comme c’est prévu dans la Loi de Moïse. « Que celui qui est sans péché lui lance la première pierre » dit Jésus. Et tous se retirent sans procéder à la lapidation. Jésus dit à la femme : «Va et désormais ne pèche plus» (Jn 8, 2-11). En agissant ainsi, Jésus n’encourage pas l’adultère mais il introduit la puissance transformante de la miséricorde divine.
Rappelons-nous aussi le cas de Joseph qui voyant Marie sa fiancée enceinte avant qu’ils aient habité ensemble, envisage de la répudier comme il est prescrit de le faire dans la Loi de Moïse. Mais voilà que sur la parole d’un ange, dans un acte de foi qui jaillit du fond de sa conscience, Joseph va au-delà de la loi et il accueille Marie et devient le père nourricier du Messie de Dieu (Mt 1, 18-25).
Avec le jugement de la conscience, on peut dépasser le légalisme et faire de la mise en œuvre de la loi morale un moyen de rencontrer Dieu au plus intime de soi-même.
On retrouve alors la beauté des paroles de Jésus qui dit à Nicodème dans l’Évangile que le Fils de Dieu est envoyé dans le monde non pas juger le monde mais pour le sauver. On comprend que ce que l’apôtre Paul écrit aux Éphésiens il y a deux mille ans s’adresse encore à nous aujourd’hui. Dieu nous a créés en Jésus Christ et rendus capables de bien agir si nous marchons avec lui.
N’hésitons pas à le suivre avec tout notre enthousiasme, toute notre ardeur. Car il aime le monde et il veut le sauver. Il ira jusqu’à la mort sur une croix pour accomplir se mission. Sa Parole est la lumière qui inspire notre conscience, qui éclaire notre route.
Michel Fournier, ptre
Curé de la paroisse Bienheureux François de Laval à Québec
Prêtre résidant au Séminaire de Québec
le 22 mars 2009
Dans l’évangile de ce jour, Jésus dit à Nicodème, ce notable parmi les juifs qui est venu le rencontrer pendant la nuit, à la cachette : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16).
Et Jésus lui dit encore : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé » (Jn 3, 17).
Dans la seconde lecture, pour sa part, l’apôtre saint Paul écrit aux Éphésiens : « C’est Dieu qui nous as faits, il nous a créés en Jésus Christ pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous et que nous devons suivre » (Ep 2, 10).
À ces passages de la Parole de Dieu j’aimerais rattacher aussi le thème qui nous est proposé pour l’ensemble de la démarche liturgique du Carême. Adressé à Dieu, ce thème s’énonce ainsi : « Tu aimes le monde et nous marchons avec toi » (VL 376).
On peut résumer ainsi et obtenir le noyau central de la Parole de Dieu de ce dimanche de Carême : Dieu a créé le monde, il aime ce qu’il a créé; il y envoie son Fils pour enseigner à ceux qu’il a créés comment bien agir; le Fils ne vient pas pour juger mais pour sauver.
Il se dégage de ces quelques phrases une impression de confiance; le ton est positif, l’être humain est marqué par une grande dignité. Ces paroles mettent de la lumière dans notre vie de personnes baptisées. Malheureusement, cette impression et ce ton semblent bien peu en accord avec une certaine actualité religieuse qui est rapportée dans les journaux et les bulletins de nouvelles télévisés. Depuis environ deux ou trois semaines, plusieurs nouvelles à caractère religieux ont fait le tour de la planète et suscité des commentaires parfois assez virulents contre l’Église catholique ou contre ses dirigeants ou contre son enseignement. Ces nouvelles viennent apparemment discréditer le message positif de la Parole de Dieu sur laquelle nous méditons. Je me permets de rappeler quelques unes de ces nouvelles.
- Il y a d’abord le cas bouleversant de cette fillette brésilienne devenue enceinte par suite du viol commis sur elle par son beau-père; une équipe médicale et sa mère ont jugé que la vie de cette enfant était en danger et ils ont interrompu sa grossesse en pratiquant sur elle un avortement. L’évêque du lieu a eu connaissance de la chose et il a aussitôt excommunié la mère et les médecins. Pour couronner le tout, une haute autorité de Rome, non pas le Pape mais un de ses proches collaborateurs, a approuvé l’excommunication.
- Pour un deuxième cas, ce n’est pas l’imposition de l’excommunication mais plutôt la levée de l’excommunication qui fait problème. Le Pape a levé l’excommunication qui avait été imposée à quatre évêques ordonnés sans l’autorisation de Rome en 1988. Ces quatre évêques sont membres d’un groupe de catholiques qu’on appelle intégristes parce qu’ils rejettent l’enseignement du Concile Vatican II, qu’ils défient l’autorité du Pape et qu’ils célèbrent la messe selon les anciens rites, notamment en latin. De plus, et ce n’est pas la moindre des choses, un de ces quatre évêques se permet d’affirmer qu’il n’y a pas eu de massacre des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale. Devant le remous provoqué par cette affaire, le Pape a senti le besoin d’écrire une lettre à tous les évêques du monde pour expliquer sa conduite; c’est du jamais vu!
- Pour un troisième cas, il y a cette déclaration du Pape concernant l’usage des préservatifs dans les rapports sexuels et l’impact de cette pratique sur la diffusion du sida. Le Pape était en avion, en voyage vers l’Afrique et il répondait à une question de journaliste. Cette conversation a fait le tour du monde dans le temps de le dire. Les réactions contre les propos du Pape ont été vives, virulentes, violentes même, c’est le moins qu’on puisse dire.
De ces trois événements j’aimerais retenir le premier, celui de la fillette brésilienne pour tenter d’en dégager quelques leçons. Disons le directement : l’évêque qui a lancé l’excommunication n’aurait jamais dû le faire et l’autorité romaine n’aurait jamais dû l’entériner. Au vu des circonstances de vie de la fillette, la loi de l’Église ne lui imposait pas, mais pas du tout, cette conduite (Can 1323 1324). Provoquer une interruption de grossesse est évidemment une décision très grave. Mais on était en présence d’une enfant ayant subi des violences physique et psychologique également très graves mettant sa propre vie en péril. Le principe du respect de la vie ne s’applique pas seulement pour le fœtus. On peut retenir que l’extrême gravité de ce cas, et j’oserais même dire le caractère scandaleux de la décision de l’évêque, a provoqué plusieurs autres évêques à publier des lettres pour dénoncer la décision de leur collègue brésilien. On peut retenir aussi que dans la délicate question de l’interruption de grossesse, le critère du respect de la vie du fœtus n’est désormais pas le seul à pouvoir être placé au-dessus de tous les autres.
Un prélat romain, archevêque et président de l’Académie pontificale pour la vie, Mgr Rino Fisichella a écrit ceci dans le journal du Vatican, l'Osservatore Romano : « Avant de penser à l'excommunication, il était nécessaire et urgent de sauvegarder sa vie innocente et de la ramener à un niveau d'humanité dont nous, les hommes d'Église, devrions être des annonciateurs experts et des maîtres. Il n'en a pas été ainsi et, malheureusement, la crédibilité de notre enseignement s'en ressent, apparaissant aux yeux de tant de personnes comme insensible, incompréhensible et privé de miséricorde ». (OR 17 mars 2009).
Dans une lettre adressée aux diocésains et diocésaines de Québec, notre archevêque, le cardinal Ouellet, a pris position sur cette question et il a fait siens les propos de Mgr Fisichella.
En conclusion, on peut se demander : Y a-t-il une bonne nouvelle présente dans ce drame brésilien? Y a-t-il quelque chose d’évangélique à y découvrir? Oui il y en a si on garde en mémoire que chez les humains l’application de la loi morale passe toujours par le jugement de la conscience. Dans cet espace de la conscience, chaque personne humaine peut entendre la voix de Dieu qui appelle, Dieu qui offre sa miséricorde. L’Évangile nous donne des exemples de ce que veut dire Jésus lorsqu’il déclare qu’il n’est pas venu abolir la Loi mais l’accomplir.
Rappelons-nous le cas de cette femme prise en flagrant délit d’adultère et qu’on amène à Jésus pour la lapider, comme c’est prévu dans la Loi de Moïse. « Que celui qui est sans péché lui lance la première pierre » dit Jésus. Et tous se retirent sans procéder à la lapidation. Jésus dit à la femme : «Va et désormais ne pèche plus» (Jn 8, 2-11). En agissant ainsi, Jésus n’encourage pas l’adultère mais il introduit la puissance transformante de la miséricorde divine.
Rappelons-nous aussi le cas de Joseph qui voyant Marie sa fiancée enceinte avant qu’ils aient habité ensemble, envisage de la répudier comme il est prescrit de le faire dans la Loi de Moïse. Mais voilà que sur la parole d’un ange, dans un acte de foi qui jaillit du fond de sa conscience, Joseph va au-delà de la loi et il accueille Marie et devient le père nourricier du Messie de Dieu (Mt 1, 18-25).
Avec le jugement de la conscience, on peut dépasser le légalisme et faire de la mise en œuvre de la loi morale un moyen de rencontrer Dieu au plus intime de soi-même.
On retrouve alors la beauté des paroles de Jésus qui dit à Nicodème dans l’Évangile que le Fils de Dieu est envoyé dans le monde non pas juger le monde mais pour le sauver. On comprend que ce que l’apôtre Paul écrit aux Éphésiens il y a deux mille ans s’adresse encore à nous aujourd’hui. Dieu nous a créés en Jésus Christ et rendus capables de bien agir si nous marchons avec lui.
N’hésitons pas à le suivre avec tout notre enthousiasme, toute notre ardeur. Car il aime le monde et il veut le sauver. Il ira jusqu’à la mort sur une croix pour accomplir se mission. Sa Parole est la lumière qui inspire notre conscience, qui éclaire notre route.
Michel Fournier, ptre
Curé de la paroisse Bienheureux François de Laval à Québec
Prêtre résidant au Séminaire de Québec
le 22 mars 2009