La cène par Salvator Dali
Le fil conducteur de ma méditation en ce Jeudi-Saint où nous célébrons la messe en mémoire de la Cène du Seigneur prendra appui sur la prescription du Seigneur à Moïse qui termine la première lecture consacrée à la Pâque juive : « Ce jour-là sera pour vous un mémorial. »
Le récit de Paul dans la seconde lecture y fait écho : « Faites cela en mémoire de moi » ainsi que celui de l’évangile : « Faites vous aussi comme j’ai fait pour vous ».
Ces trois phrases se répercutent en harmonie les unes avec les autres et trouvent leur actualité dans chaque Eucharistie où au cœur de la prière eucharistique à la fin des paroles de la consécration le prêtre redit « Vous ferez cela, en mémoire de moi. »
Voila un riche fil conducteur, n’est-ce pas?
I – Le mémorial, une vie en acte
« Faire mémoire ». Est-ce seulement répéter un geste pour obéir à une prescription? Est-ce seulement un pieux souvenir que les anciens se rappellent avec un brin de mélancolie parfois?
Pour saisir la richesse du mémorial, regardons sommairement comment il se situe dans l’Ancien Testament. Un bibliste de renom, Yves Guillemette, explique dans un commentaire sur le site InterBible que le peuple d’Israël « est devenu familier, grâce aux prophètes, de certains signes venus de Dieu qui anticipent de façon mystérieuse mais réelle un événement futur. Ainsi en est-il de Jérémie qui brise une cruche devant ses compatriotes en disant : ‘Ainsi parle le Seigneur: je vais briser ce peuple et cette ville, comme on brise le vase du potier qui ne peut plus être réparé. » (Jérémie 19,10-11) ».
Une note de la Bible de Jérusalem, commente-t-il, (voir Jérémie 28,19) souligne que ces gestes prophétiques sont « moins un besoin d'expression que l'exigence d'un réalisme religieux : un lien est établi entre le geste significatif et la réalité dont il est le signe, en sorte que la réalité annoncée est désormais aussi irrévocable que le geste accompli. »
Voilà. Le « faire mémoire » peut être l’occasion non seulement d’un souvenir, mais il peut, à certaines conditions, bien sûr, se transformer en moteur de vie. Il déborde alors les limites de temps et de lieu et se fait don pour aujourd’hui.
II– La Cène, un héritage vivant dans la foi au Ressuscité
La beauté du récit de la Cène que faisait saint Paul pour les chrétiens de Corinthe et pour nous en ce jour, se trouve dans sa conclusion qui reprend, comme je l’ai dit en commençant, la prescription de Moïse dans l’Exode. C’est probablement dans le contexte biblique que nous avons rappelé tout à l’heure que les premiers chrétiens ont compris les gestes et les paroles de Jésus le soir du Jeudi Saint.
Jésus lors de la Cène savait que sa vie se terminerait. « Je ne boirai plus désormais avec vous du fruit de la vigne » (Mathieu 26, 29). Et comme il avait aimé les siens il les aima jusqu’à la fin. Dans un geste symbolique et prophétique il rompt le pain et partage la coupe annonçant sa Pâque personnelle où rompu, partagé, livré tout entier pour le salut de l’humanité il sera relevé par le Père et établi Seigneur, Premier-né d’une multitude de frères et sœurs.
Ainsi en consacrant le pain et le vin, Jésus veut faire comprendre que sa mort est un don libre de sa vie et que les disciples qui viendront suivront la même voie. « Ayez en vous le mêmes sentiments qui étaient ceux de Jésus Christ » conseille saint Paul aux Philippiens avec raison (Philippiens 2, 5).
III - Le lavement des pieds, un mémorial
Pour bien faire entrer dans la tête de ses disciples, la nature profonde ce don, Jésus accompagne le pain rompu et la coupe partagée d’un geste qui dit tout : le lavement des pieds que nous reprendrons ce soir en communauté.
En effet, la recommandation de faire comme il a fait mise, non seulement sur la répétition, mais sur la signification vécue du geste qui, comme mémorial, prend place dans l'aujourd’hui du Salut qui rejoint toutes les générations, toutes les catégories de personnes dans tous les lieux et dans tous les temps. Le geste du lavement des pieds exprime totalement le mouvement de l'Eucharistie. Saint Jean d'ailleurs ne rapporte pas les paroles de Jésus sur le pain et le vin, mais bien le geste du lavement des pieds. Celui-ci donne tout leur sens aux paroles de Jésus que rapportent les autres évangélistes et saint Paul.
Ainsi, en imitant le geste de Jésus, lavant les pieds de ses disciples, nous entrons avec lui dans une attitude de serviteur et, avec lui, nous devenons solidaires de nos frères et sœurs, qui qu’ils soient, parce qu’ils sont objets, comme nous, de l’amour et de la miséricorde de Dieu qui a donné son Fils « pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10,10).
Conclusion
En ce Jeudi saint, Jésus nous accueille à la table qu’il a dressée pour nous le soir de la Cène et qu’il continue de dresser à chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons à cette coupe (I Corinthiens, 11,25). Nous sommes ainsi fortifiés par le pain devenu son Corps et le vin devenu son Sang. Et comme il a dit : « Vous aussi lavez-vous les pieds les uns des autres », il nous dit maintenant : « Vous aussi donnez de vos forces, de votre temps, de votre amour, de votre disponibilité à vos frères et sœurs. Donnez de vous-mêmes pour que les autres mangent et vivent." Amen!
Mgr Hermann Giguère, P.H.
Supérieur général du Séminaire de Québec
Le 5 avril 2012
Le récit de Paul dans la seconde lecture y fait écho : « Faites cela en mémoire de moi » ainsi que celui de l’évangile : « Faites vous aussi comme j’ai fait pour vous ».
Ces trois phrases se répercutent en harmonie les unes avec les autres et trouvent leur actualité dans chaque Eucharistie où au cœur de la prière eucharistique à la fin des paroles de la consécration le prêtre redit « Vous ferez cela, en mémoire de moi. »
Voila un riche fil conducteur, n’est-ce pas?
I – Le mémorial, une vie en acte
« Faire mémoire ». Est-ce seulement répéter un geste pour obéir à une prescription? Est-ce seulement un pieux souvenir que les anciens se rappellent avec un brin de mélancolie parfois?
Pour saisir la richesse du mémorial, regardons sommairement comment il se situe dans l’Ancien Testament. Un bibliste de renom, Yves Guillemette, explique dans un commentaire sur le site InterBible que le peuple d’Israël « est devenu familier, grâce aux prophètes, de certains signes venus de Dieu qui anticipent de façon mystérieuse mais réelle un événement futur. Ainsi en est-il de Jérémie qui brise une cruche devant ses compatriotes en disant : ‘Ainsi parle le Seigneur: je vais briser ce peuple et cette ville, comme on brise le vase du potier qui ne peut plus être réparé. » (Jérémie 19,10-11) ».
Une note de la Bible de Jérusalem, commente-t-il, (voir Jérémie 28,19) souligne que ces gestes prophétiques sont « moins un besoin d'expression que l'exigence d'un réalisme religieux : un lien est établi entre le geste significatif et la réalité dont il est le signe, en sorte que la réalité annoncée est désormais aussi irrévocable que le geste accompli. »
Voilà. Le « faire mémoire » peut être l’occasion non seulement d’un souvenir, mais il peut, à certaines conditions, bien sûr, se transformer en moteur de vie. Il déborde alors les limites de temps et de lieu et se fait don pour aujourd’hui.
II– La Cène, un héritage vivant dans la foi au Ressuscité
La beauté du récit de la Cène que faisait saint Paul pour les chrétiens de Corinthe et pour nous en ce jour, se trouve dans sa conclusion qui reprend, comme je l’ai dit en commençant, la prescription de Moïse dans l’Exode. C’est probablement dans le contexte biblique que nous avons rappelé tout à l’heure que les premiers chrétiens ont compris les gestes et les paroles de Jésus le soir du Jeudi Saint.
Jésus lors de la Cène savait que sa vie se terminerait. « Je ne boirai plus désormais avec vous du fruit de la vigne » (Mathieu 26, 29). Et comme il avait aimé les siens il les aima jusqu’à la fin. Dans un geste symbolique et prophétique il rompt le pain et partage la coupe annonçant sa Pâque personnelle où rompu, partagé, livré tout entier pour le salut de l’humanité il sera relevé par le Père et établi Seigneur, Premier-né d’une multitude de frères et sœurs.
Ainsi en consacrant le pain et le vin, Jésus veut faire comprendre que sa mort est un don libre de sa vie et que les disciples qui viendront suivront la même voie. « Ayez en vous le mêmes sentiments qui étaient ceux de Jésus Christ » conseille saint Paul aux Philippiens avec raison (Philippiens 2, 5).
III - Le lavement des pieds, un mémorial
Pour bien faire entrer dans la tête de ses disciples, la nature profonde ce don, Jésus accompagne le pain rompu et la coupe partagée d’un geste qui dit tout : le lavement des pieds que nous reprendrons ce soir en communauté.
En effet, la recommandation de faire comme il a fait mise, non seulement sur la répétition, mais sur la signification vécue du geste qui, comme mémorial, prend place dans l'aujourd’hui du Salut qui rejoint toutes les générations, toutes les catégories de personnes dans tous les lieux et dans tous les temps. Le geste du lavement des pieds exprime totalement le mouvement de l'Eucharistie. Saint Jean d'ailleurs ne rapporte pas les paroles de Jésus sur le pain et le vin, mais bien le geste du lavement des pieds. Celui-ci donne tout leur sens aux paroles de Jésus que rapportent les autres évangélistes et saint Paul.
Ainsi, en imitant le geste de Jésus, lavant les pieds de ses disciples, nous entrons avec lui dans une attitude de serviteur et, avec lui, nous devenons solidaires de nos frères et sœurs, qui qu’ils soient, parce qu’ils sont objets, comme nous, de l’amour et de la miséricorde de Dieu qui a donné son Fils « pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10,10).
Conclusion
En ce Jeudi saint, Jésus nous accueille à la table qu’il a dressée pour nous le soir de la Cène et qu’il continue de dresser à chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons à cette coupe (I Corinthiens, 11,25). Nous sommes ainsi fortifiés par le pain devenu son Corps et le vin devenu son Sang. Et comme il a dit : « Vous aussi lavez-vous les pieds les uns des autres », il nous dit maintenant : « Vous aussi donnez de vos forces, de votre temps, de votre amour, de votre disponibilité à vos frères et sœurs. Donnez de vous-mêmes pour que les autres mangent et vivent." Amen!
Mgr Hermann Giguère, P.H.
Supérieur général du Séminaire de Québec
Le 5 avril 2012