Mgr Gilles Lemay, évêque auxiliaire de Québec et une partie de la délégation québécoise
Les deux événements les plus attendus auront lieu le 17 et le 18. La soirée du 17 janvier sera consacrée aux témoignages de familles venues du monde entier. Une messe solennelle aura lieu par ailleurs dans la matinée du dimanche 18. Le pape Benoît XVI interviendra à travers un message vidéo lors de ces deux événements présidés par son envoyé spécial, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'Etat du Saint-Siège.
Cliquez ici pour visiter le site internet du Congrès et voir le programme détaillé en anglais ou en espagnol.
Introduction : Un bouleversement des valeurs aux vastes proportions
Le mariage et la famille sont devenus à notre époque un champ de bataille culturel dans les sociétés sécularisées où une vision du monde sans Dieu tente de supplanter l'héritage judéo-chrétien. Depuis quelques décennies, les valeurs du mariage et de la famille ont subi des assauts répétés qui ont causé de graves dommages au plan humain, social et religieux. À la fragilité croissante des couples se sont ajouté de graves problèmes d'éducation liés à la perte des modèles parentaux et à l'influence de courants de pensée qui rejettent les fondements mêmes de l'institution familiale. Le bouleversement des valeurs atteint l'identité même de l'être humain, au-delà de sa fidélité à un ordre moral. Il règne désormais une confusion anthropologique subtilement entretenue par un langage ambigu qui impose à la pensée chrétienne un travail de décodage et de discernement[1]. La crise que traverse l'humanité actuelle se révèle comme étant d'ordre anthropologique et non plus seulement d'ordre moral ou spirituel.
En Occident, par exemple, les philosophies du constructivisme et du genre[2] ( gender theory ) dénaturent la réalité du mariage et de la famille en refondant la notion du couple humain à partir des désirs subjectifs de l'individu, rendant pratiquement insignifiante la différence sexuelle, au point de traiter équivalemment l'union hétérosexuelle et les rapports homosexuels. Selon cette théorie, la différence sexuelle inscrite dans la réalité biologique de l'homme et de la femme n'influe pas de façon signifiante sur l'identité sexuelle des individus car celle-ci est le résultat d'une orientation subjective et d'une construction sociale[3]. L'identité sexuelle des individus ne serait pas un donné objectif inscrit dans le fait de naître homme ou femme mais plutôt une donnée psycho-sociale construite à même les influences culturelles subies ou choisies par les individus.
Sous la pression de ces idéologies parfois ouvertement antichrétiennes, certains États procèdent à des législations qui redéfinissent le sens du mariage, de la procréation, de la filiation et de la famille, sans égard pour les réalités anthropologiques fondamentales qui structurent les rapports humains[4]. Plusieurs organisations internationales participent à ce mouvement de déconstruction du mariage et de famille au profit de certains groupes de pression bien organisés qui poursuivent leurs propres intérêts au détriment du bien commun. Bref, un bouleversement des valeurs aux vastes proportions touche l'amour humain, la vie, la famille et la place de la religion dans la société.
L'Église catholique critique fortement ces courants culturels qui obtiennent trop facilement l'appui des moyens modernes de communication. Grâce à la clairvoyance des papes contemporains, l'Église réaffirme les valeurs traditionnelles du mariage et de la famille dans la ligne novatrice du Concile Vatican II. À la suite du synode romain de 1980 sur la famille, l'Exhortation apostolique Familiaris Consortio propose une grande charte de la famille fondée sur la création de l'homme à l'image de Dieu et sur le sacrement du mariage. Cette grande charte pastorale culmine par un appel du pape Jean Paul II : « Famille deviens ce que tu es !» : une communauté de vie et d'amour, une école de communion, une Église domestique.
Cet appel reste plus que jamais actuel 29 ans plus tard, et nous replace devant la mission essentielle de la famille : « l'essence de la famille et ses devoirs sont définis par l'amour, écrit le pape. C'est pourquoi la famille reçoit la mission de garder, de révéler et de communiquer l'amour, reflet vivant et participation réelle de l'amour de Dieu pour l'humanité et de l'amour du Christ Seigneur pour l'Eglise son Epouse » (FC 17). Cette déclaration solennelle de Jean Paul Il introduit la troisième partie de ce document qui prolonge la ligne rénovatrice de la Constitution pastorale Gaudium et Spes. Celle-ci définit le mariage comme une union personnelle dans laquelle les époux se donnent et se reçoivent réciproquement (GS 48). En définissant l'essence de la famille et sa mission par l'amour et non pas d'abord par la procréation, le pape ne fait pas une concession douteuse à la mentalité contemporaine. Il prétend rejoindre "les racines mêmes de la réalité" (FC 17), il affirme la continuité interne entre l'amour personnel des époux et la transmission de la vie. Sa prise de position marque une étape importante vers une refonte personnaliste de la doctrine chrétienne du mariage et de la famille. Elle place les trois valeurs traditionnelles du mariage, la procréation, l'amour fidèle et la signification sacramentelle, dans l'axe de l'amour conjugal fécond et non plus dans celui de la procréation comme finalité distincte[5]. Il me semble important de prolonger ce développement doctrinal en creusant davantage la dimension christologique et sacramentelle du mariage afin de relancer la mission éducative de la famille chrétienne à partir des valeurs du sacrement encore à découvrir et des valeurs de l'amour conjugal établies dès l'origine de la création mais qui sont à redécouvrir à la lumière du Christ et face au grand défi contemporain[6].
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Introduction : Un bouleversement des valeurs aux vastes proportions
Le mariage et la famille sont devenus à notre époque un champ de bataille culturel dans les sociétés sécularisées où une vision du monde sans Dieu tente de supplanter l'héritage judéo-chrétien. Depuis quelques décennies, les valeurs du mariage et de la famille ont subi des assauts répétés qui ont causé de graves dommages au plan humain, social et religieux. À la fragilité croissante des couples se sont ajouté de graves problèmes d'éducation liés à la perte des modèles parentaux et à l'influence de courants de pensée qui rejettent les fondements mêmes de l'institution familiale. Le bouleversement des valeurs atteint l'identité même de l'être humain, au-delà de sa fidélité à un ordre moral. Il règne désormais une confusion anthropologique subtilement entretenue par un langage ambigu qui impose à la pensée chrétienne un travail de décodage et de discernement[1]. La crise que traverse l'humanité actuelle se révèle comme étant d'ordre anthropologique et non plus seulement d'ordre moral ou spirituel.
En Occident, par exemple, les philosophies du constructivisme et du genre[2] ( gender theory ) dénaturent la réalité du mariage et de la famille en refondant la notion du couple humain à partir des désirs subjectifs de l'individu, rendant pratiquement insignifiante la différence sexuelle, au point de traiter équivalemment l'union hétérosexuelle et les rapports homosexuels. Selon cette théorie, la différence sexuelle inscrite dans la réalité biologique de l'homme et de la femme n'influe pas de façon signifiante sur l'identité sexuelle des individus car celle-ci est le résultat d'une orientation subjective et d'une construction sociale[3]. L'identité sexuelle des individus ne serait pas un donné objectif inscrit dans le fait de naître homme ou femme mais plutôt une donnée psycho-sociale construite à même les influences culturelles subies ou choisies par les individus.
Sous la pression de ces idéologies parfois ouvertement antichrétiennes, certains États procèdent à des législations qui redéfinissent le sens du mariage, de la procréation, de la filiation et de la famille, sans égard pour les réalités anthropologiques fondamentales qui structurent les rapports humains[4]. Plusieurs organisations internationales participent à ce mouvement de déconstruction du mariage et de famille au profit de certains groupes de pression bien organisés qui poursuivent leurs propres intérêts au détriment du bien commun. Bref, un bouleversement des valeurs aux vastes proportions touche l'amour humain, la vie, la famille et la place de la religion dans la société.
L'Église catholique critique fortement ces courants culturels qui obtiennent trop facilement l'appui des moyens modernes de communication. Grâce à la clairvoyance des papes contemporains, l'Église réaffirme les valeurs traditionnelles du mariage et de la famille dans la ligne novatrice du Concile Vatican II. À la suite du synode romain de 1980 sur la famille, l'Exhortation apostolique Familiaris Consortio propose une grande charte de la famille fondée sur la création de l'homme à l'image de Dieu et sur le sacrement du mariage. Cette grande charte pastorale culmine par un appel du pape Jean Paul II : « Famille deviens ce que tu es !» : une communauté de vie et d'amour, une école de communion, une Église domestique.
Cet appel reste plus que jamais actuel 29 ans plus tard, et nous replace devant la mission essentielle de la famille : « l'essence de la famille et ses devoirs sont définis par l'amour, écrit le pape. C'est pourquoi la famille reçoit la mission de garder, de révéler et de communiquer l'amour, reflet vivant et participation réelle de l'amour de Dieu pour l'humanité et de l'amour du Christ Seigneur pour l'Eglise son Epouse » (FC 17). Cette déclaration solennelle de Jean Paul Il introduit la troisième partie de ce document qui prolonge la ligne rénovatrice de la Constitution pastorale Gaudium et Spes. Celle-ci définit le mariage comme une union personnelle dans laquelle les époux se donnent et se reçoivent réciproquement (GS 48). En définissant l'essence de la famille et sa mission par l'amour et non pas d'abord par la procréation, le pape ne fait pas une concession douteuse à la mentalité contemporaine. Il prétend rejoindre "les racines mêmes de la réalité" (FC 17), il affirme la continuité interne entre l'amour personnel des époux et la transmission de la vie. Sa prise de position marque une étape importante vers une refonte personnaliste de la doctrine chrétienne du mariage et de la famille. Elle place les trois valeurs traditionnelles du mariage, la procréation, l'amour fidèle et la signification sacramentelle, dans l'axe de l'amour conjugal fécond et non plus dans celui de la procréation comme finalité distincte[5]. Il me semble important de prolonger ce développement doctrinal en creusant davantage la dimension christologique et sacramentelle du mariage afin de relancer la mission éducative de la famille chrétienne à partir des valeurs du sacrement encore à découvrir et des valeurs de l'amour conjugal établies dès l'origine de la création mais qui sont à redécouvrir à la lumière du Christ et face au grand défi contemporain[6].
Logo de la VIe Rencontre internationale des familles à Mexico
I- Valeurs à découvrir
Disons tout d'abord, d'une façon générale, que les circonstances actuelles évoquées plus haut poussent la famille chrétienne à une prise de conscience fondamentale : Seule la rencontre personnelle et authentique du Christ Rédempteur peut lui permettre de relever le défi de l'éducation à la vie chrétienne et aux valeurs humaines qui s'y rattachent. Au tout début du troisième millénaire, le Pape Jean Paul II a exhorté l'Église à repartir du Christ, Tête et Époux de l'Église[7]. Repartir du Christ comme fondement d'un élan renouvelé vers la sainteté pour tous dans chaque état de vie. Cet appel concerne au premier chef les époux qui cherchent à répondre à leur vocation de baptisés mariés[8] au sein d'une famille. Ils ont besoin pour y parvenir d'une spiritualité personnelle et ecclésiale appropriée qui va au-delà de la présentation traditionnelle des valeurs du mariage et de la famille, à prédominance morale et juridique.
Repartir du Christ signifie concrètement approfondir le sacrement qui est le bien suprême du mariage selon saint Augustin. L'évêque d'Hippone a résumé la doctrine du mariage en définissant trois biens essentiels du mariage, la fidélité (fides), la procréation (proles) et l'indissolubilité (sacramentum). Alors que la fidélité et la procréation s'enracinent dans la dimension naturelle du mariage, le sacrement appartient plus explicitement à sa dimension surnaturelle. Celle-ci offre un bon point de départ pour une spiritualité du mariage et de la famille qui soit signifiante pour ses membres et en même temps féconde pour l'Église et la société. Voyons-en les fondements à partir 1) de l'horizon christocentrique global, 2) de l'acte de consécration matrimoniale et 3) de la grâce qui en découle pour les époux et à l'Église. 4) Des valeurs éducatives seront identifiées à partir de ces fondements.
1) Le sacrement du mariage comme rencontre du Christ
Une première valeur à découvrir est la place de la foi dans le pacte d'alliance des époux et l'impact qu'elle a ou devrait avoir dans leur vie. Quand la foi des époux est vécue comme une rencontre personnelle avec le Christ, elle confère à leur amour une dimension théologale qui bonifie toute leur vie matrimoniale. Car le mariage n'est pas une réalité purement naturelle, complète et suffisante en elle-même, à laquelle le Christ n'apporterait qu'une aide extrinsèque pour qu'elle atteigne mieux sa propre finalité. Le mariage existe depuis les origines de la création en vue du Christ et de sa grâce rédemptrice qui instaure une plénitude de sens pour l'amour conjugal et familial.
La Constitution pastorale Gaudium et Spes du Concile Vatican II a opté pour une refonte de la doctrine du mariage dans cette perspective christocentrique. Alors que la théologie moderne, tributaire d'une vision extrinséciste du rapport entre la nature et de la grâce, présentait le sacrement du mariage comme une élévation de la nature, le Concile le présente comme une rencontre du Christ et une amitié avec lui. « De même en effet que Dieu prit autrefois l'initiative d'une alliance d'amour et de fidélité avec son peuple, ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Epoux de l'Eglise, vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage. Il continue de demeurer avec eux pour que les époux, par leur don mutuel, puissent s'aimer dans une fidélité perpétuelle, comme Lui-même a aimé l'Eglise et s'est livré pour elle » (GS 48).
D'où l'importance de la célébration sacramentelle du mariage qui symbolise cette rencontre des époux avec le Christ et qui inaugure toute une vie d'amitié avec lui au cœur même de la vie conjugale et familiale. Cette célébration inaugure du même coup la mission ecclésiale du couple et de la famille, une mission de service à l'égard de la société par le biais de la procréation et de l'éducation, mais d'abord et avant tout une mission de service à l'égard de l'amour du Christ pour l'Église qui assume la réalité humaine du mariage parmi les sacrements de son Royaume.
Cette perspective christocentrique et ecclésiale s'inscrit dans la mouvance du tournant initié par Henri de Lubac à notre époque pour restaurer une compréhension à la fois plus traditionnelle et plus unifiée du rapport entre la nature et la grâce. Selon lui, l'homme n'a qu'une seule finalité, surnaturelle, qu'il est incapable d'atteindre par lui-même. C'est là son paradoxe et sa noblesse qui fait dire à saint Thomas d'Aquin que l'homme est un être qui, par sa nature rationnelle, aspire à la vision de Dieu (Desiderium naturale visionis)[9]. Ouvert sur l'infini à cause de sa dimension spirituelle, l'homme aspire naturellement à la vision de Dieu. Il est, en tant qu'image de Dieu, une liberté finie en quête de la Liberté infinie. Vatican II a exprimé cette vérité paradoxale en disant qu' "en réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné" (GS 22). L'homme et la femme mariés, en tant que « communauté de vie et d'amour », aspirent à cette plénitude de sens qui lui est promise et que le sacrement leur fait déjà entrevoir et expérimenter dans l'Église.
2) Le mariage comme consécration et mission ecclésiale
Faisons un pas de plus pour découvrir la dynamique profonde du sacrement à partir de l'acte de foi qui le fonde. Quand deux baptisés se marient à l'Église, le don du sacrement est fait simultanément au couple et à l'Eglise, car en tous ses dons sacramentels, le Christ aime l'Eglise et fait de ses enfants, avec elle et par elle, des témoins du salut. Par le don du sacrement du mariage, le Christ confère aux époux une grâce qui les unit, qui les guérit et les sanctifie dans leur vie d'amour. Mais il y a plus. Par le don du sacrement, le Christ les consacre comme témoins de son propre amour pour l'Eglise. Une telle vocation sacramentelle suppose évidemment la foi, l'acte de foi qui fonde le sacrement. « Le mariage chrétien doit être interprété dès le principe à partir d'en-haut, écrit Hans Urs von Balthasar, c'est à dire à partir de l'acte chrétien qui le fonde. Cet acte est celui de la foi chrétienne, qui lorsqu'il est vivant inclut toujours l'amour et l'espérance, et qui est le fondement sur lequel repose le don mutuel des partenaires. C'est un acte qui va directement et immédiatement à Dieu, un vœu de fidélité à Dieu parce que Dieu s'est manifesté le premier par ses promesses et ses révélations comme l'éternellement Fidèle, à qui on doit croire, en qui on doit espérer et que l'on doit aimer. Le vœu de fidélité au conjoint est prononcé à l'intérieur de ce voeu de fidélité à Dieu »[10].
Selon le grand théologien de Bâle, l'échange des consentements entre les époux chrétiens a donc une dimension intrinsèquement théologale qui retentit sur toutes les dimensions de leur union. Balthasar poursuit : « C'est l'acte de foi des deux partenaires du mariage qui se rencontre en Dieu et qui à partir de Dieu, fondement de leur unité, témoin de leur lien et garant de leur fécondité, devient façonné, assumé et restitué. C'est Dieu qui, dans l'acte de foi, donne les conjoints l'un à l'autre à l'intérieur de l'acte chrétien fondamental d'offrande de soi. C'est à Lui que l'un et l'autre s'offrent ensemble, c'est de Lui qu'ils se reçoivent de nouveau dans un don de grâce, de confiance et d'exigence chrétienne »[11].
Ce texte d'une extrême densité propose un tournant théologique radical dans la compréhension du sacrement du mariage, qui peut fonder une spiritualité renouvelée pour cet état de vie. À la perspective habituelle anthropocentrique où les époux apparaissent comme les premiers protagonistes de leur consentement mutuel, nous voyons plus profondément ici que l'acte de foi sous-jacent à leur don inclut leur échange dans l'acte fondamental de remise de soi à Dieu. Parce qu'ils se marient comme des baptisés, dans le Christ, ils déposent leur amour entre les mains du Christ, qui les redonne l'un à l'autre, les bénit et les gratifie d'une effusion spéciale de son Esprit (FC 21). Dorénavant ils s'aimeront avec toute la force de leurs sentiments personnels, mais aussi dans la puissance de l'Esprit qui les investit d'une mission d'amour de nature ecclésiale.
La dimension théologale de ce sacrement, vue à partir de son acte constitutif, est appelée à se développer et à pénétrer tous les aspects de la vie conjugale et familiale. Elle met en valeur le partenaire divin qui est engagé dans l'union des époux et qui veut féconder de toutes les manières leur communauté de vie et d'amour. Comment aider les couples à se préparer à un tel acte de consécration de leur union et à vivre en permanence l'acte de foi qui les donne à Dieu en se donnant l'un à l'autre ? Comment éduquer les époux et les futurs époux pour que leur rencontre du Christ les mène à vivre leur union comme une mission reçue de lui dans l'Église et pas seulement comme une recherche personnelle de bonheur ? Ces questions invitent à développer plus précisément les effets ecclésiaux du sacrement et à en explorer les potentialités éducatives.
3) La double signification, ecclésiale et anthropologique, du don sacramentel
Le sacrement du mariage ajoute une participation à deux, comme couple, à la vie divine qui est donnée en tout sacrement, "à tel point que l'effet premier et immédiat du mariage (res et sacramentum) n'est pas la grâce surnaturelle elle-même, mais le lien conjugal chrétien, une communion typiquement chrétienne parce que représentant le mystère d'incarnation du Christ et son mystère d'alliance" (FC 13).
Selon ce passage de Familiaris Consortio qui recueille la doctrine commune de l'Église, le premier effet du sacrement scelle de façon indissoluble l'appartenance des époux l'un à l'autre, par un don mutuel qui transcende leurs fluctuations émotionnelles. Ce sceau sacramentel unit les deux personnes indissolublement en vertu de l'amour du Christ qui s'engage avec eux et les requiert pour représenter son propre mystère d'alliance. Le lien conjugal constitue la base de la dimension ecclésiale du sacrement. Par ce lien les époux forment une nouvelle unité, un couple sacramentel, qui constitue la cellule de base de la société et de l'Église.
Ce lien sacramentel signifie que l'amour divin épouse l'amour conjugal et l'engage au service de son mystère d'Alliance avec l'humanité. Cela signifie, anthropologiquement, qu'au moment où les époux se vouent leur amour, ils sont simultanément bénis et comme désappropriés. Leur vie commune, habitée par l'Esprit Saint, sera un signe de la fidélité de Dieu envers son peuple, une source de la fécondité spirituelle et humaine de l'Église, Épouse du Christ. "Par le sacrement, tout couple épouse le Christ" écrit Paul Evdokimov. L'engagement des époux, l'un vis-à-vis de l'autre, étant d'abord et avant tout un engagement à l'égard du Christ, Celui-ci se porte garant, en retour, des secours nécessaires pour surmonter leurs faiblesses, pour guérir leurs blessures et perfectionner leur amour en toutes ses manifestations humaines et spirituelles. « En accomplissant leur mission conjugale et familiale avec la force de ce sacrement, pénétrés de l'esprit du Christ qui imprègne toute leur vie de foi, d'espérance et de charité, ils parviennent de plus en plus à leur perfection personnelle et à leur sanctification mutuelle: c'est ainsi qu'ensemble ils contribuent à la glorification de Dieu » (GS 48).
Au cœur du sacrement du mariage, le Christ exerce donc une véritable médiation nuptiale, symbolisée par sa présence à Cana[12], qui déploie l'horizon trinitaire de la spiritualité conjugale et familiale. Comme l'exprime audacieusement le Concile, « l'authentique amour conjugal est assumé dans l'amour divin » (GS 48) et il est intégré par la grâce rédemptrice du Christ dans le rapport d'Alliance de la Trinité Sainte avec le monde. Car, en vertu de l'union hypostatique du Christ qui fonde l'alliance sacramentelle des époux, leur amour mutuel est assumé dans l'échange entre les Personnes divines et devient fonction de cet échange. Le Père et le Fils se glorifient mutuellement à même l'amour des époux et de la famille qu'ils bénissent et sanctifient par le don de leur Esprit. D'où un élargissement infini de leur horizon spirituel et de leur rayonnement sacramentel. L'amour fécond des époux chrétiens et les rapports familiaux qui en procèdent deviennent le sanctuaire de l'Amour trinitaire, le signe sacré d'un Amour divin incarné qui s'offre au monde humblement par leur communauté de vie et d'amour vécue à l'image de la Sainte Famille de Nazareth.
4) L'Église domestique, école d'évangile et de valeurs humaines
Dans cette perspective trinitaire et christocentrique, la dimension ecclésiale du mariage ressort au premier plan et devient englobante alors qu'elle demeurait auparavant limitée et marginale. De fait, par la grâce du sacrement du mariage, les époux chrétiens sont constitués membres de la première cellule de l'Église, appelée à juste titre au Concile « église domestique »[13]. Développée abondamment par l'Exhortation apostolique Familiaris Consortio cette perspective acquiert alors officiellement droit de cité sans toutefois que ce document établisse pleinement l'ecclésialité de la famille. Car, selon les termes de la FC, la famille, communauté « sauvée » devient une communauté « qui sauve » (FC 49) mais sa « participation à la vie et à la mission de l'Eglise » (FC 49-64) est encore pensée de façon quelque peu extrinsèque en référence aux activités spécifiques d'évangélisation et de culte. Alors que c'est tout l'être du couple dans toutes ses dimensions qui est ecclésial, puisque le Christ assume l'amour humain dans son amour divin pour en faire un sacrement de son rapport nuptial à l'Eglise (GS 48).
Par le mariage sacramentel, les époux ne sont pas seulement une image de l'Église, ils sont vraiment constitués « une église en miniature » dotée des propriétés de l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. On y trouve en effet la communauté de vie, le sacerdoce baptismal, la charité, l'évangélisation et le culte. Ces dimensions constitutives confèrent au couple d'être une réalité ecclésiale authentique et essentiellement missionnaire, à l'instar de la grande Eglise dont elle est une cellule de base.
Dans cette lumière, on perçoit mieux la beauté et l'importance de la mission éducative des époux. Par la grâce du Christ, ils sont une source jaillissante de vie, de croissance, d'éducation et de service; leur union devient dans un sens élargi un sacrement de la paternité divine et de la filiation divine dans la fécondité de l'Esprit Saint. Saint Thomas a pu comparer la sublimité du ministère éducatif des parents chrétiens au ministère des prêtres: "Certains propagent et entretiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement spirituel, et cela revient au sacrement de l'ordre; d'autres le font pour la vie à la fois corporelle et spirituelle, et cela se réalise par le sacrement de mariage, dans lequel l'homme et la femme s'unissent pour engendrer les enfants et leur enseigner le culte de Dieu"[14].
« Famille deviens ce que tu es !» répétait avec force Jean Paul II, le pape de la famillle. Deviens ce que tu es : une cellule d'Église, un sanctuaire de l'Amour, une école d'évangile et de valeurs humaines, l'épouse du Christ. C'est seulement dans la conscience de cette lumière qui vient de la rencontre du Christ que la famille peut aujourd'hui remplir sa mission d'éducatrice aux valeurs humaines et chrétiennes. Deviens ce que tu es : « Fais de ta maison une Église » répétait à ses fidèles saint Jean Chrysostome .
En corollaire de ces considérations théologiques, certaines valeurs éducatives à promouvoir ressortent au premier plan. En tout premier lieu, une éducation à la vie théologale de foi, espérance et charité, qui doit préparer les époux à leur mariage afin que leur union conjugale et familiale soit fondée sur le roc de la parole de Dieu et pas seulement sur le sable mouvant de leurs sentiments, si sincères soient-ils. Une profonde vie théologale implique la conscience vive des époux de ce que signifie le baptême comme appartenance au Christ et à l'Église ; elle implique aussi une vie intense de prière, nourrie de l'Eucharistie et périodiquement renouvelée par le sacrement de pénitence. La vitalité de la famille, Église domestique, dépend de sa cohérence sacramentelle qui assure son ouverture à Dieu et son ouverture apostolique. Cette vitalité grandit ou dépérit selon la fidélité du couple et de la famille à son appartenance ecclésiale.
D'où l'importance de certaines rencontres familiales et ecclésiales qui nourrissent la spiritualité de l'Église domestique. Aux grandes rencontres familiales de Noël et de Pâque, s'ajoute tout naturellement la messe dominicale en famille, préparée peut-être par une catéchèse et suivie du repas hebdomadaire festif. Certains groupes religieux contemporains restaurent ces belles traditions comme un signe prophétique qu'un nouveau printemps de l'Église commence dans les familles. Ces temps forts de vie commune renforcent l'unité de la famille et le sens d'appartenance à la communauté, contre les tendances culturelles dominantes à l'individualisme et à la dispersion. Quelles que soient les contraintes de la vie moderne, une famille chrétienne doit choisir consciemment et fortement de ne pas abandonner la valeur inestimable du dimanche comme jour de repos, de prière et de vie familiale. Une famille qui respecte et honore le jour du Seigneur par l'écoute de la Parole de Dieu au sein de l'Assemblée dominicale porte un message prophétique au monde d'aujourd'hui. En remerciant Dieu de son appartenance à la famille de Dieu, elle témoigne en Église de son Alliance avec le Christ pour l'édification d'une civilisation de l'amour.
La famille chrétienne remplit aussi sa mission d'éducatrice par son ouverture à la société et à l'apostolat. L'accueil, l'hospitalité, le partage et l'entraide sont des traits caractéristiques de la spiritualité familiale qui manifestent l'Esprit d'amour qui l'anime. L'ouverture à Dieu dont témoignent les époux par la sainteté de leur vie se prolonge par l'ouverture missionnaire à la société. Même si la mission de l'Église domestique commence en tout premier lieu par l'être de la famille, par la communion des personnes, le don de la vie et l'éducation des enfants, elle se prolonge néanmoins tout naturellement par l'apostolat auprès des autres familles ou dans tout autre rayonnement sur la société qui est compatible avec sa mission première. Son ouverture apostolique témoigne de l'Amour trinitaire qui l'habite et l'entraîne à partager la bonne nouvelle de l'Amour qui se fait chair.
II-Valeurs à redécouvrir
La réflexion sur le sacrement du mariage a révélé le but de la famille éducatrice qui est de conduire ses membres à la sainteté par l'appropriation la plus profonde possible de la mission et des valeurs de l'Église domestique. En traitant d'abord du sacrement, nous sommes partis du Christ pour définir la réalité profonde que la famille est appelée à découvrir et à vivre en réponse à l'amour du Christ. Il faut maintenant traiter de la dimension anthropologique, apparemment mieux connue, mais où les valeurs sont à redécouvrir pour répondre aux défis éducatifs de notre époque.
1) L'amour conjugal et familial à l'image de l'amour divin.
Dans un monde qui facilite les unions libres et qui justifie les ruptures successives, fatales pour l'éducation des enfants, les chrétiens sont appelés à révéler par leur vie le dessein original du Créateur sur l'amour conjugal, le mariage et la famille. L'amour conjugal est la première valeur à redécouvrir car, bien qu'il soit plus menacé que jamais, il constitue néanmoins le premier fondement du mariage et de la famille. Face au mouvement de privatisation de l'amour conjugal qui réduit l'engagement du couple au minimum, les disciples du Christ s'engagent, aujourd'hui comme hier, à vivre au maximum l'amour conjugal dans l'institution sociale et sacramentelle du mariage. Ils offrent ainsi au monde le témoignage d'un don de soi réciproque qui n'est pas seulement subjectif et privé, mais public et ratifié par la célébration sacramentelle du mariage. Ce témoignage d'amour « exclusif » et « définitif »[15], fondé sur le dessein de Dieu et soutenu par la grâce divine, constitue la base de la famille, éducatrice aux valeurs humaines et chrétiennes.
À la lumière de la révélation biblique, l'amour conjugal d'un homme et d'une femme apparaît en effet comme une réalité sacrée, enracinée dans leur être créé à l'image de Dieu : « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa » (Gn 1,27). À ce couple originel, Dieu donne d'expérimenter la merveille de l'amour : « Voici cette fois l'os de mes os et la chair de ma chair » ( Gn 2, 23) et de participer à sa seigneurie sur le monde par l'expérience de la fécondité: « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et soumettez-la » (Gn 1, 28). L'homme et la femme, créés à l'image de Dieu, tendent vers la ressemblance avec Lui en devenant « une seule chair » (Gn2, 24) par un amour fidèle et fécond. L'exégèse de la tradition sacerdotale arrive ainsi à joindre très étroitement le thème de l'image et celui de la famille. "Adam représente Dieu, c'est à dire qu'il rend son pouvoir et son autorité présente et il interagit avec Lui, dans la relation de l'homme et de la femme"[16]. Selon les spécialistes, Gn 1,26 suggère "un rapport de ressemblance entre Dieu qui crée et l'homme, mâle et femelle, qui, béni par lui, procrée". Ainsi "l'expression ''Dieu le fit à sa ressemblance'' signifie que Dieu fit l'homme pour être fécond comme lui"[17].
Le pacte d'alliance qui établit entre les époux une « communauté de vie et d'amour » (GS 48) repose par conséquent sur un ordre de choses divinement institué. Il assure ainsi à la société son premier fondement : la famille. D'où l'exigence d'unité, de stabilité et de fécondité qui définit la nature même de l'amour conjugal dans le plan de Dieu, un amour béni de Dieu qu'on ne peut réduire à une émotion passagère ou à un transport érotique sans lendemain. Bien qu'affaibli et menacé par les conséquences désastreuses du péché originel, l'amour conjugal demeure une valeur première dont les caractéristiques sont rappelées dans l'Encyclique Humanae Vitae. C'est un amour « pleinement humain, c'est-à-dire à la fois sensible et spirituel » (HV 9) ; un amour qui engage par « un acte de la volonté libre » impliquant un « don de soi total, fidèle et fécond ». Ces traits caractéristiques de l'amour conjugal authentique, décrit par Paul VI, conservent toute leur valeur, malgré les libéralisations contemporaines, car elles sont fondées sur la sagesse divine et confirmées par l'expérience humaine.
D'autres interventions pontificales ont exprimé par la suite la sollicitude constante de l'Église pour ce domaine vital de la pastorale catholique[18]. Le pape Benoît XVI en a exploré de nouveau les fondements en insistant sur l'imbrication des deux dimensions de l'amour, l'eros et l'agapè, et en soulignant la nécessité d'éduquer l'eros possessif à une maturation vers l'agapè oblatif qui aime l'autre pour lui-même : « Oui, l'amour est extase, mais extase non pas dans le sens d'un moment d'ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu »[19].
À la lumière du Nouveau Testament, cette doctrine acquiert une force et une beauté encore plus grande. Jésus exhorte ses disciples à la perfection de l'amour dont le modèle suprême est l'amour trinitaire: « Vous, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». L'amour conjugal et familial participe au modèle suprême par son unité et sa fécondité qui l'assimile à l'amour paternel, filial et fraternel des Personnes divines. Cette participation jette une nouvelle lumière sur la vocation des époux d'être un sacrement de l'amour du Christ Époux pour l'Église Épouse, ce qui veut dire en définitive un sacrement de l'amour trinitaire pour le monde. La paternité et la maternité humaines, exercées selon Dieu, appartiennent par conséquent à la perfection de l'amour et à la sainteté du couple. C'est pourquoi l'éducation à l'amour conjugal authentique, conformément à la dignité de l'homme et de la femme créées à l'image et à la ressemblance de Dieu, doit devenir une priorité si l'on veut établir des familles stables et fécondes au service de l'Église et de la société.
Une lumière complémentaire sur l'amour et la mission éducative de la famille vient de la vocation chrétienne à la virginité. Jean Paul II a bien spécifié que "la Révélation chrétienne connaît deux façons spécifiques de réaliser la vocation à l'amour de la personne humaine dans son intégrité: le mariage et la virginité" (FC 11). La vocation à l'amour dans le mariage inclut l'équilibre délicat entre l'eros et l'agapè de même que la fécondité du couple qui est à la fois spirituelle et physique. La vocation à la virginité consacrée répond pour sa part à un appel particulier de l'Époux qui choisit des hommes et des femmes pour être des témoins de son amour crucifié et des porteurs de sa fécondité eschatologique. La consécration virginale découle directement de l'amour-agapè du Christ sur la croix et, par le sacrifice de la fécondité conjugale et familiale, elle reçoit une participation singulière et surabondante à la fécondité infinie de la croix. "Grâce à ce témoignage, la virginité garde vivante dans l'Eglise la conscience du mystère du mariage et elle le défend contre toute atteinte à son intégrité et tout appauvrissement" (FC 16). En développant des liens avec des personnes consacrées, les époux et les familles pressentent la grâce de l'accomplissement eschatologique vers où chemine leur propre vie. Ils en reçoivent un puissant appui pour leur propre fidélité et un encouragement à intensifier leur relation à Dieu, source de toute fécondité. Et si jamais ils sont éprouvés par l'absence de fécondité naturelle de leur mariage, leur acceptation sereine de ce sacrifice augmente leur fécondité spirituelle et les assimile à la fécondité surnaturelle des personnes consacrées[20].
2) L'éducation aux vertus doit prévaloir sur l'usage de techniques artificielles
Le développement prodigieux de la technique a contribué à des progrès fascinants en beaucoup de domaines de la vie moderne. Les avancées de la médecine apportent des ressources nouvelles à la guérison des maladies tout en soulevant de nouvelles questions que la réflexion bioéthique s'efforce de résoudre. Un des discernements majeurs accomplis par l'Église catholique et toujours reconfirmé depuis 40 ans touche la moralité des moyens artificiels de contraception. Son refus d'entériner moralement l'usage de ces moyens contraste avec la mentalité contemporaine qui promeut l'usage de toutes les techniques disponibles permettant d'accomplir l'acte conjugal sans le risque de la procréation. Là où la sagesse de l'Église, fondée sur la révélation, unit l'amour, le mariage et la vie, la culture actuelle tend à les dissocier au nom d'une affirmation sans contrainte de la liberté individuelle.
Le message central de l'Encyclique Humanae Vitae est l'affirmation « que chaque acte conjugal doit rester ouvert à la transmission de la vie[21] ». Cette affirmation s'appuie sur la connexion inséparable voulue par Dieu entre les deux significations de l'acte conjugal : la signification unitive et la signification procréative. « En sauvegardant ces deux aspects essentiels, unitif et procréatif, l'acte conjugal conserve intégralement le sens d'un amour mutuel vrai et son ordination à la très haute vocation de l'homme à la paternité [22] ».
Proposer une telle doctrine signifie 1) maintenir tout d'abord la signification sacrée de la transmission de la vie comme un acte de coopération avec Dieu ; 2) maintenir le lien entre l'amour vrai et l'ouverture réelle au don de la vie ; 3) déclarer immoraux les moyens contraceptifs qui excluent l'ouverture à la vie et donc la communion avec Dieu, puisque les conjoints « ne sont pas les arbitres des sources de la vie humaine, mais plutôt les ministres du dessein établi par le Créateur [23] ».
Maintes fois réitérée et amplement refondée sur l'anthropologie ‘adéquate' développée par Jean Paul II[24], cette doctrine dénonce les pratiques contraceptives qui dissocient l'amour de la vie, le sexe de l'amour et la personne de son propre corps. Ces pratiques largement répandues fragmentent l'unité de la personne humaine et détruisent la valeur de la sexualité humaine, même à l'intérieur du mariage. Consciente de cette dévalorisation, l'Église promeut l'amour conjugal et la sexualité elle-même en gardant unies toutes les dimensions de l'être humain. La pratique de la continence périodique, par exemple, avec ses renoncements, favorise chez le couple la maîtrise de soi, l'humanisation des relations et la maturité spirituelle: « le couple expérimente le fait que la communion conjugale est enrichie par les valeurs de tendresse et d'affectivité qui constituent la nature profonde de la sexualité humaine, jusque dans sa dimension physique. Ainsi, la sexualité est respectée et promue dans sa dimension vraiment et pleinement humaine, mais n'est jamais «utilisée» comme un «objet» qui, dissolvant l'unité personnelle de l'âme et du corps, atteint la création de Dieu dans les liens les plus intimes unissant nature et personne » (FC 32).
La mentalité contraceptive a obtenu jusqu'à maintenant l'adhésion de la majorité grâce à l'appui des médias de communication, mais ses effets déshumanisants deviennent de plus en plus visibles. La procréation devient ‘reproduction' d'un individu de l'espèce ; elle peut désormais être réalisée sans amour, ni sexe, au moyen de la technique d'insémination artificielle ou même par celle plus aberrante de la clonation[25]. L'Église joue son rôle de gardienne de la vérité de l'homme quand, à la lumière de la révélation et de la loi naturelle, elle dénonce l'usage arbitraire et immoral des techniques au détriment de sa dignité personnelle et du caractère sacré de la vie. Il faut reconnaître toutefois que cet enseignement cohérent et réitéré a été somme toute peu reçu et il est souvent ignoré ou déformé. Les jeunes générations, pourtant ouvertes à ces vérités, s'en trouvent cruellement privées.
La pertinence du Magistère de l'Église apparaît clairement dans la justesse prophétique des prédictions de l'encyclique HV quant au déclin des valeurs morales si on laissait libre cours à l'usage de la contraception. De fait, le rejet de la doctrine de l'Église sur la contraception a ouvert la grande porte à l'infidélité, au divorce, à l'avortement et aux unions libres, même de type homosexuel. Dans ce dernier cas il ne s'agit même plus d'amour conjugal, puisqu'il manque la condition essentielle de la différence sexuelle qui exclut toute possibilité de transmission de la vie. Cette dérive des valeurs du mariage et de la famille s'accompagne d'un obscurcissement de la conscience morale qui affecte grandement l'éducation des nouvelles générations. Une carence grave de points de repère moraux favorise en effet la diffusion des théories du constructivisme et du genre qui sèment la confusion dans la perception de l'identité sexuelle de l'être humain. En réaffirmant le lien intime entre la personne, l'amour, le sexe et la vie, l'Église défend des valeurs morales mais elle protège aussi la dignité de la personne humaine qui se perd sous les assauts conjugués du relativisme éthique et du nihilisme de nos sociétés sécularisées.
L'importance de la doctrine de l'Église apparaît clairement dans le domaine de l'éducation où on doit réapprendre que l'acquisition des vertus importe autant sinon davantage que le recours à des techniques. Si prodigieuse et prometteuse que soit la technique, ses produits sont ambigus car ils peuvent être utilisés à des fins qui ne concourent pas à l'épanouissement authentique de l'être humain. Si on confie à la technique des résultats qui doivent venir de la maîtrise de l'homme sur lui-même, on ouvre la porte à de nouveaux esclavages que les multiples phénomènes de dépendance illustrent de façon alarmante. Les résultats inquiétants des techniques de contraception et de reproduction fournissent des exemples suffisants pour qu'on prenne conscience de l'impasse éducative qu'elle entraîne et qu'on mette l'accent désormais sur la formation aux vertus dans l'éducation en général et dans la vie conjugale et familiale en particulier.
3) L'éducation aux valeurs humaines à vivre dans le Christ.
Pour le commun des mortels, une « valeur » désigne quelque chose qui répond à un besoin, c'est-à-dire un « bien » qui satisfait une aspiration ou qui comble un désir dans tel ou tel domaine de l'activité humaine. L'amour, la vie, la famille, le travail, la compétence professionnelle, la solidarité, l'argent, sont des valeurs qui, à des degrés divers, satisfont des besoins, font agir et pâtir les individus, attirent et mobilisent les personnes et les sociétés, pour les acquérir, les développer ou les défendre. Ces valeurs font naître des projets et des initiatives, motivent l'acquisition de vertus par des sujets qui posent des actes faisant participer aux idéaux universels de vérité, bonté, paix, justice et beauté. D'où l'aspiration universelle de l'humanité à une éducation aux valeurs religieuses, morales, familiales, sociales, esthétiques, etc. La famille offre la première initiation à ces valeurs et son influence, positive ou négative, marque de façon indélébile et pour la vie, chaque génération.
Éduquer aux valeurs humaines et chrétiennes dans la famille, c'est former des hommes et des femmes qui apprennent à s'approprient personnellement les valeurs qui répondent aux aspirations profondes de leur cœur. La foi chrétienne fournit le cadre englobant qui détermine ces valeurs et les vertus correspondantes qui permettent de les acquérir. Dans ce cadre, une hiérarchie des valeurs s'établit à partir des dons de la grâce pour s'étendre jusqu'aux valeurs de la nature humaine enrichie d'acquisitions culturelles.
La valeur première que nous avons soulignée dès le début est la foi au Christ comme rencontre personnelle débouchant dans une alliance qui comprend toutes les dimensions de l'être, y compris l'amour conjugal. Celui-ci étant promu à la dignité de sacrement par un acte de foi théologale, il faut bien saisir l'importance d'une sérieuse préparation au mariage par une véritable éducation à l'amour sacramentel. C'est dans cette lumière que les époux peuvent atteindre plus facilement l'équilibre entre leur amour érotique et leur charité généreuse et féconde. S'ils sont animés d'une vie théologale profonde, ils sauront développer les vertus humaines indispensables à la vie conjugale et familiale : la prudence, la maîtrise de soi, le dialogue et le pardon mutuel, la patience et la chasteté conjugale. Le développement personnel de ces vertus transparaîtra dans toutes leurs relations et formera surtout un milieu éducatif sain, coloré par l'amour authentique, la confiance, la tendresse, la piété filiale, le respect et l'ouverture aux autres. Toutes ces vertus et attitudes, pénétrées par l'Esprit de Dieu, deviennent des médiations du Don que le Christ fait de lui-même à l'Église domestique, pour en faire son Épouse fidèle et féconde au service de l'Amour et de la Vie. Au fond, l'atmosphère éducative d'une famille chrétienne dépend d'une culture vocationnelle dont le but avoué est la perfection de l'amour à atteindre dans tous les états de vie et en toutes circonstances, grâce à l'idéal souverain de la Sainte Famille de Nazareth.
Conclusion :
La famille, Église domestique, première éducatrice aux valeurs de l'amour et de la vie
Nonobstant les difficultés actuelles, la famille demeure l'héritage le plus précieux de la tradition chrétienne, « le véritable patrimoine de l'humanité », la première école de communion humaine et ecclésiale. Il faut toutefois reconnaître qu'actuellement sa mission éducative est handicapée, faute d'appui dans la culture dominante, bien sûr, mais faute aussi d'une appropriation profonde de son idéal et de ses valeurs. Il manque encore à la pastorale de l'Église un engagement plus déterminé dans la nouvelle évangélisation des familles, mais aussi d'une nouvelle évangélisation à partir des familles qui ont rencontré le Christ. Jean-Paul II a lancé ce grand mouvement qui annonce, s'il est promu et amplifié par des événements comme celui que nous vivons ici, un nouveau printemps de l'Église.
Des valeurs connues mais encore à découvrir ont été évoquées ici pour préciser le but de la mission éducative de la famille, qui n'est autre que la réalisation de l'Église domestique, fondée sur l'amour conjugal authentique assumé par le Christ et béni par les grâces sacramentelles du mariage. La famille, Église domestique, évangélise, forme les personnes à la communion et à l'apostolat. Quant aux valeurs de l'amour conjugal et des vertus qui lui sont connexes, elles sont à redécouvrir car sous la pression de la culture dominante, hédoniste et relativiste, on ne reconnaît plus leur source et leur articulation morale et spirituelle. Il importe de multiplier les efforts pour faire découvrir et redécouvrir les liens intrinsèques entre l'amour, la vie, la fécondité spirituelle et toutes les vertus qui garantissent la croissance et la stabilité des familles face aux forces adverses.
La promotion d'une spiritualité propre au mariage et à la famille fondée sur la valeur ecclésiale et sociale de la famille, devrait contribuer davantage à former les consciences, à dynamiser la mission éducative des parents et à multiplier les initiatives apostoliques, culturelles et politiques qui défendent les droits de la famille et protègent ses acquis. Tenir bien haut l'étendard de la famille correspond à un signe des temps et à un grand besoin de notre époque. Rehausser sa mission éducative au niveau de son identité profonde n'est plus seulement une tâche urgente de l'aggiornamento ecclésial mais bien la condition sine qua non pour assurer la fidélité de l'Église à sa mission et un avenir à notre civilisation.
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NOTES
[1] Cf. Conseil Pontifical pour la Famille, Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques, Pierre Téqui éditeur, 2005.
[2] Cf. Théry I., La distinction de sexe une nouvelle approche de l'égalité, Paris, Odile Jacob, 2007; Delorme W. Quatrième génération, Paris, Grasset, 2007; Godelier, M., Au fondement des sociétés humaines, Paris, Albin Michel, 2007; Judith Butler, Trouble dans le genre pour un féminisme de subversion, La découverte , Paris, 2005;
[3] Cf. La tentation de Capoue. Anthropologie du mariage et de la filiation, Sous la direction de Tony Anatrella, Ed. Cujas, 2008. Pour la critique de ces théories, voir en particulier «Hors conjugal et parental : des enjeux psychologiques et sociaux, p. 25-97, et autres œuvres de Tony Anatrella, dont Le règne de Narcisse. Les enjeux du déni de la différence sexuelle, La Renaissance, Paris, 2005.
[4] Cf. Iacub M. et Maniglier P., L'anti-manuel d'éducation sexuelle, Bréal, Paris, 2005.
[5] Cf. W. Kasper, Teologia del matrimonio cristiano, Queriniana, 1985, 2e éd., 18. Je renvoie à mes deux volumes qui développent amplement ces perspectives : Divina somiglianza. Antropologia trinitaria della famiglia, Lateran University Press, Rome, 2004 ; Mistero e Sacramento dell'amore. Teologia del matrimonio et della famiglia per la nuova evangelizzazione, Cantagalli, 2007.
[6] Cf. Alfonso Lopez Trujillo, La grande sfida. Famiglia, dignità della persona e umanizzazione, Città Nuova, 2004 ; voir aussi Jorge Alberto Serrano, ,Valores familiares y modernidad, In : Familia et Vita, Anno IX, No. 1-2, 2004, 138-151.
[7] Jean Paul II, Exhortation apostolique Novo Millenio Inneunte, 6 janvier 2001, à l'aube du nouveau millénaire.
[8] Cf. M. Ouellet, La vocazione cristiana al matrimonio e alla famiglia nella missione della chiesa, L.U.P. Roma 2005.
[9] Saint Thomas d'Aquin, Contra Gentes, 3, 25; 3, 50; S. Th. I IIae q 5 a 5 ad 2. Voir Henri de Lubac, Surnaturel, 1946, 483-494; Hans Urs von Balthasar, La Dramatique divine. II. Les personnes du drame 1. L'homme en Dieu, 177ss.
[10] Balthasar, H.U. von, Christlicher Stand , Johannes, Einsiedeln, 1977, 198.
[11] Id.
[12]Cf. De la Potterie, I. Le Nozze messianiche e il matrimonio cristiano, in: Lo Sposo, la Sposa (Parola Spirito e Vita n. 13), Bologna 1986, 87-104; Tettamanzi, D. La famiglia, via della Chiesa, chap. II, Come a Cana di Galilea: Cristo incontra gli sposi, 31-51.
[13] Lumen Gentium 11; Apostolicam actuositatem 11.
[14] S. Thomas d'Aquin, Summa contra Gentiles, IV, 58 (FC 38).
[15] SS Benoît XVI, Deus Caritas est, 6.
[16]Francis Martin, ‘A Summary of the teaching of Genesis chapter one', in : Communio 90 (Summer 1993) 259.
[17] La première citation est tirée d'un article de R. Hinschberger, "Image et ressemblance dans la tradition sacerdotale", in RSR 59 (1985) 192. Cet article est une courte présentation de son mémoire D.E.A.: Image et ressemblance dans la tradition sacerdotale, Strasbourg, 1983, d'où est tirée la seconde citation: 52. Voir Divine ressemblance, Op. cit., 41-51 (it.).
[18] Mentionnons entre autres la Lettre apostolique Mulieris Dignitatem, 1988; la Lettre aux Familles, 1994; l'Encyclique Evangelium vitae, 1995; l'Instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi Donum vitae, (1987).
[19] SS Benoît XVI, Deus Caritas est, 6.
[20]Cf. Mistero e Sacramento, Op. cit., 119ss.
[21] SS Paulo VI, Humanae Vitae, 11.
[22] Ib., 12.
[23] Ib., 13. Cf. Gustave Martelet, "Pour mieux comprendre l'encyclique Humanae Vitae", in: NRTh 90 (1968) 897-917; 1009-1063.
[24] Cf. Familiaris Consortio 32: « Ainsi, au langage qui exprime naturellement la donation réciproque et totale des époux, la contraception oppose un langage objectivement contradictoire, selon lequel il ne s'agit plus de se donner totalement à l'autre; il en découle non seulement le refus positif de l'ouverture à la vie, mais aussi une falsification de la vérité intérieure de l'amour conjugal, appelé à être un don de la personne tout entière ». Cf. aussi les catéchèses de Jean Paul II sur l'amour humain dans le plan de Dieu : Uomo e donna lo creò, sesto ciclo, Amore e fecondità, 453-502.
[25] Cf. Angelo Scola (a cura di) Quale vita? La bioetica in questione. Mondadori, 1998.
Disons tout d'abord, d'une façon générale, que les circonstances actuelles évoquées plus haut poussent la famille chrétienne à une prise de conscience fondamentale : Seule la rencontre personnelle et authentique du Christ Rédempteur peut lui permettre de relever le défi de l'éducation à la vie chrétienne et aux valeurs humaines qui s'y rattachent. Au tout début du troisième millénaire, le Pape Jean Paul II a exhorté l'Église à repartir du Christ, Tête et Époux de l'Église[7]. Repartir du Christ comme fondement d'un élan renouvelé vers la sainteté pour tous dans chaque état de vie. Cet appel concerne au premier chef les époux qui cherchent à répondre à leur vocation de baptisés mariés[8] au sein d'une famille. Ils ont besoin pour y parvenir d'une spiritualité personnelle et ecclésiale appropriée qui va au-delà de la présentation traditionnelle des valeurs du mariage et de la famille, à prédominance morale et juridique.
Repartir du Christ signifie concrètement approfondir le sacrement qui est le bien suprême du mariage selon saint Augustin. L'évêque d'Hippone a résumé la doctrine du mariage en définissant trois biens essentiels du mariage, la fidélité (fides), la procréation (proles) et l'indissolubilité (sacramentum). Alors que la fidélité et la procréation s'enracinent dans la dimension naturelle du mariage, le sacrement appartient plus explicitement à sa dimension surnaturelle. Celle-ci offre un bon point de départ pour une spiritualité du mariage et de la famille qui soit signifiante pour ses membres et en même temps féconde pour l'Église et la société. Voyons-en les fondements à partir 1) de l'horizon christocentrique global, 2) de l'acte de consécration matrimoniale et 3) de la grâce qui en découle pour les époux et à l'Église. 4) Des valeurs éducatives seront identifiées à partir de ces fondements.
1) Le sacrement du mariage comme rencontre du Christ
Une première valeur à découvrir est la place de la foi dans le pacte d'alliance des époux et l'impact qu'elle a ou devrait avoir dans leur vie. Quand la foi des époux est vécue comme une rencontre personnelle avec le Christ, elle confère à leur amour une dimension théologale qui bonifie toute leur vie matrimoniale. Car le mariage n'est pas une réalité purement naturelle, complète et suffisante en elle-même, à laquelle le Christ n'apporterait qu'une aide extrinsèque pour qu'elle atteigne mieux sa propre finalité. Le mariage existe depuis les origines de la création en vue du Christ et de sa grâce rédemptrice qui instaure une plénitude de sens pour l'amour conjugal et familial.
La Constitution pastorale Gaudium et Spes du Concile Vatican II a opté pour une refonte de la doctrine du mariage dans cette perspective christocentrique. Alors que la théologie moderne, tributaire d'une vision extrinséciste du rapport entre la nature et de la grâce, présentait le sacrement du mariage comme une élévation de la nature, le Concile le présente comme une rencontre du Christ et une amitié avec lui. « De même en effet que Dieu prit autrefois l'initiative d'une alliance d'amour et de fidélité avec son peuple, ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Epoux de l'Eglise, vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage. Il continue de demeurer avec eux pour que les époux, par leur don mutuel, puissent s'aimer dans une fidélité perpétuelle, comme Lui-même a aimé l'Eglise et s'est livré pour elle » (GS 48).
D'où l'importance de la célébration sacramentelle du mariage qui symbolise cette rencontre des époux avec le Christ et qui inaugure toute une vie d'amitié avec lui au cœur même de la vie conjugale et familiale. Cette célébration inaugure du même coup la mission ecclésiale du couple et de la famille, une mission de service à l'égard de la société par le biais de la procréation et de l'éducation, mais d'abord et avant tout une mission de service à l'égard de l'amour du Christ pour l'Église qui assume la réalité humaine du mariage parmi les sacrements de son Royaume.
Cette perspective christocentrique et ecclésiale s'inscrit dans la mouvance du tournant initié par Henri de Lubac à notre époque pour restaurer une compréhension à la fois plus traditionnelle et plus unifiée du rapport entre la nature et la grâce. Selon lui, l'homme n'a qu'une seule finalité, surnaturelle, qu'il est incapable d'atteindre par lui-même. C'est là son paradoxe et sa noblesse qui fait dire à saint Thomas d'Aquin que l'homme est un être qui, par sa nature rationnelle, aspire à la vision de Dieu (Desiderium naturale visionis)[9]. Ouvert sur l'infini à cause de sa dimension spirituelle, l'homme aspire naturellement à la vision de Dieu. Il est, en tant qu'image de Dieu, une liberté finie en quête de la Liberté infinie. Vatican II a exprimé cette vérité paradoxale en disant qu' "en réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné" (GS 22). L'homme et la femme mariés, en tant que « communauté de vie et d'amour », aspirent à cette plénitude de sens qui lui est promise et que le sacrement leur fait déjà entrevoir et expérimenter dans l'Église.
2) Le mariage comme consécration et mission ecclésiale
Faisons un pas de plus pour découvrir la dynamique profonde du sacrement à partir de l'acte de foi qui le fonde. Quand deux baptisés se marient à l'Église, le don du sacrement est fait simultanément au couple et à l'Eglise, car en tous ses dons sacramentels, le Christ aime l'Eglise et fait de ses enfants, avec elle et par elle, des témoins du salut. Par le don du sacrement du mariage, le Christ confère aux époux une grâce qui les unit, qui les guérit et les sanctifie dans leur vie d'amour. Mais il y a plus. Par le don du sacrement, le Christ les consacre comme témoins de son propre amour pour l'Eglise. Une telle vocation sacramentelle suppose évidemment la foi, l'acte de foi qui fonde le sacrement. « Le mariage chrétien doit être interprété dès le principe à partir d'en-haut, écrit Hans Urs von Balthasar, c'est à dire à partir de l'acte chrétien qui le fonde. Cet acte est celui de la foi chrétienne, qui lorsqu'il est vivant inclut toujours l'amour et l'espérance, et qui est le fondement sur lequel repose le don mutuel des partenaires. C'est un acte qui va directement et immédiatement à Dieu, un vœu de fidélité à Dieu parce que Dieu s'est manifesté le premier par ses promesses et ses révélations comme l'éternellement Fidèle, à qui on doit croire, en qui on doit espérer et que l'on doit aimer. Le vœu de fidélité au conjoint est prononcé à l'intérieur de ce voeu de fidélité à Dieu »[10].
Selon le grand théologien de Bâle, l'échange des consentements entre les époux chrétiens a donc une dimension intrinsèquement théologale qui retentit sur toutes les dimensions de leur union. Balthasar poursuit : « C'est l'acte de foi des deux partenaires du mariage qui se rencontre en Dieu et qui à partir de Dieu, fondement de leur unité, témoin de leur lien et garant de leur fécondité, devient façonné, assumé et restitué. C'est Dieu qui, dans l'acte de foi, donne les conjoints l'un à l'autre à l'intérieur de l'acte chrétien fondamental d'offrande de soi. C'est à Lui que l'un et l'autre s'offrent ensemble, c'est de Lui qu'ils se reçoivent de nouveau dans un don de grâce, de confiance et d'exigence chrétienne »[11].
Ce texte d'une extrême densité propose un tournant théologique radical dans la compréhension du sacrement du mariage, qui peut fonder une spiritualité renouvelée pour cet état de vie. À la perspective habituelle anthropocentrique où les époux apparaissent comme les premiers protagonistes de leur consentement mutuel, nous voyons plus profondément ici que l'acte de foi sous-jacent à leur don inclut leur échange dans l'acte fondamental de remise de soi à Dieu. Parce qu'ils se marient comme des baptisés, dans le Christ, ils déposent leur amour entre les mains du Christ, qui les redonne l'un à l'autre, les bénit et les gratifie d'une effusion spéciale de son Esprit (FC 21). Dorénavant ils s'aimeront avec toute la force de leurs sentiments personnels, mais aussi dans la puissance de l'Esprit qui les investit d'une mission d'amour de nature ecclésiale.
La dimension théologale de ce sacrement, vue à partir de son acte constitutif, est appelée à se développer et à pénétrer tous les aspects de la vie conjugale et familiale. Elle met en valeur le partenaire divin qui est engagé dans l'union des époux et qui veut féconder de toutes les manières leur communauté de vie et d'amour. Comment aider les couples à se préparer à un tel acte de consécration de leur union et à vivre en permanence l'acte de foi qui les donne à Dieu en se donnant l'un à l'autre ? Comment éduquer les époux et les futurs époux pour que leur rencontre du Christ les mène à vivre leur union comme une mission reçue de lui dans l'Église et pas seulement comme une recherche personnelle de bonheur ? Ces questions invitent à développer plus précisément les effets ecclésiaux du sacrement et à en explorer les potentialités éducatives.
3) La double signification, ecclésiale et anthropologique, du don sacramentel
Le sacrement du mariage ajoute une participation à deux, comme couple, à la vie divine qui est donnée en tout sacrement, "à tel point que l'effet premier et immédiat du mariage (res et sacramentum) n'est pas la grâce surnaturelle elle-même, mais le lien conjugal chrétien, une communion typiquement chrétienne parce que représentant le mystère d'incarnation du Christ et son mystère d'alliance" (FC 13).
Selon ce passage de Familiaris Consortio qui recueille la doctrine commune de l'Église, le premier effet du sacrement scelle de façon indissoluble l'appartenance des époux l'un à l'autre, par un don mutuel qui transcende leurs fluctuations émotionnelles. Ce sceau sacramentel unit les deux personnes indissolublement en vertu de l'amour du Christ qui s'engage avec eux et les requiert pour représenter son propre mystère d'alliance. Le lien conjugal constitue la base de la dimension ecclésiale du sacrement. Par ce lien les époux forment une nouvelle unité, un couple sacramentel, qui constitue la cellule de base de la société et de l'Église.
Ce lien sacramentel signifie que l'amour divin épouse l'amour conjugal et l'engage au service de son mystère d'Alliance avec l'humanité. Cela signifie, anthropologiquement, qu'au moment où les époux se vouent leur amour, ils sont simultanément bénis et comme désappropriés. Leur vie commune, habitée par l'Esprit Saint, sera un signe de la fidélité de Dieu envers son peuple, une source de la fécondité spirituelle et humaine de l'Église, Épouse du Christ. "Par le sacrement, tout couple épouse le Christ" écrit Paul Evdokimov. L'engagement des époux, l'un vis-à-vis de l'autre, étant d'abord et avant tout un engagement à l'égard du Christ, Celui-ci se porte garant, en retour, des secours nécessaires pour surmonter leurs faiblesses, pour guérir leurs blessures et perfectionner leur amour en toutes ses manifestations humaines et spirituelles. « En accomplissant leur mission conjugale et familiale avec la force de ce sacrement, pénétrés de l'esprit du Christ qui imprègne toute leur vie de foi, d'espérance et de charité, ils parviennent de plus en plus à leur perfection personnelle et à leur sanctification mutuelle: c'est ainsi qu'ensemble ils contribuent à la glorification de Dieu » (GS 48).
Au cœur du sacrement du mariage, le Christ exerce donc une véritable médiation nuptiale, symbolisée par sa présence à Cana[12], qui déploie l'horizon trinitaire de la spiritualité conjugale et familiale. Comme l'exprime audacieusement le Concile, « l'authentique amour conjugal est assumé dans l'amour divin » (GS 48) et il est intégré par la grâce rédemptrice du Christ dans le rapport d'Alliance de la Trinité Sainte avec le monde. Car, en vertu de l'union hypostatique du Christ qui fonde l'alliance sacramentelle des époux, leur amour mutuel est assumé dans l'échange entre les Personnes divines et devient fonction de cet échange. Le Père et le Fils se glorifient mutuellement à même l'amour des époux et de la famille qu'ils bénissent et sanctifient par le don de leur Esprit. D'où un élargissement infini de leur horizon spirituel et de leur rayonnement sacramentel. L'amour fécond des époux chrétiens et les rapports familiaux qui en procèdent deviennent le sanctuaire de l'Amour trinitaire, le signe sacré d'un Amour divin incarné qui s'offre au monde humblement par leur communauté de vie et d'amour vécue à l'image de la Sainte Famille de Nazareth.
4) L'Église domestique, école d'évangile et de valeurs humaines
Dans cette perspective trinitaire et christocentrique, la dimension ecclésiale du mariage ressort au premier plan et devient englobante alors qu'elle demeurait auparavant limitée et marginale. De fait, par la grâce du sacrement du mariage, les époux chrétiens sont constitués membres de la première cellule de l'Église, appelée à juste titre au Concile « église domestique »[13]. Développée abondamment par l'Exhortation apostolique Familiaris Consortio cette perspective acquiert alors officiellement droit de cité sans toutefois que ce document établisse pleinement l'ecclésialité de la famille. Car, selon les termes de la FC, la famille, communauté « sauvée » devient une communauté « qui sauve » (FC 49) mais sa « participation à la vie et à la mission de l'Eglise » (FC 49-64) est encore pensée de façon quelque peu extrinsèque en référence aux activités spécifiques d'évangélisation et de culte. Alors que c'est tout l'être du couple dans toutes ses dimensions qui est ecclésial, puisque le Christ assume l'amour humain dans son amour divin pour en faire un sacrement de son rapport nuptial à l'Eglise (GS 48).
Par le mariage sacramentel, les époux ne sont pas seulement une image de l'Église, ils sont vraiment constitués « une église en miniature » dotée des propriétés de l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. On y trouve en effet la communauté de vie, le sacerdoce baptismal, la charité, l'évangélisation et le culte. Ces dimensions constitutives confèrent au couple d'être une réalité ecclésiale authentique et essentiellement missionnaire, à l'instar de la grande Eglise dont elle est une cellule de base.
Dans cette lumière, on perçoit mieux la beauté et l'importance de la mission éducative des époux. Par la grâce du Christ, ils sont une source jaillissante de vie, de croissance, d'éducation et de service; leur union devient dans un sens élargi un sacrement de la paternité divine et de la filiation divine dans la fécondité de l'Esprit Saint. Saint Thomas a pu comparer la sublimité du ministère éducatif des parents chrétiens au ministère des prêtres: "Certains propagent et entretiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement spirituel, et cela revient au sacrement de l'ordre; d'autres le font pour la vie à la fois corporelle et spirituelle, et cela se réalise par le sacrement de mariage, dans lequel l'homme et la femme s'unissent pour engendrer les enfants et leur enseigner le culte de Dieu"[14].
« Famille deviens ce que tu es !» répétait avec force Jean Paul II, le pape de la famillle. Deviens ce que tu es : une cellule d'Église, un sanctuaire de l'Amour, une école d'évangile et de valeurs humaines, l'épouse du Christ. C'est seulement dans la conscience de cette lumière qui vient de la rencontre du Christ que la famille peut aujourd'hui remplir sa mission d'éducatrice aux valeurs humaines et chrétiennes. Deviens ce que tu es : « Fais de ta maison une Église » répétait à ses fidèles saint Jean Chrysostome .
En corollaire de ces considérations théologiques, certaines valeurs éducatives à promouvoir ressortent au premier plan. En tout premier lieu, une éducation à la vie théologale de foi, espérance et charité, qui doit préparer les époux à leur mariage afin que leur union conjugale et familiale soit fondée sur le roc de la parole de Dieu et pas seulement sur le sable mouvant de leurs sentiments, si sincères soient-ils. Une profonde vie théologale implique la conscience vive des époux de ce que signifie le baptême comme appartenance au Christ et à l'Église ; elle implique aussi une vie intense de prière, nourrie de l'Eucharistie et périodiquement renouvelée par le sacrement de pénitence. La vitalité de la famille, Église domestique, dépend de sa cohérence sacramentelle qui assure son ouverture à Dieu et son ouverture apostolique. Cette vitalité grandit ou dépérit selon la fidélité du couple et de la famille à son appartenance ecclésiale.
D'où l'importance de certaines rencontres familiales et ecclésiales qui nourrissent la spiritualité de l'Église domestique. Aux grandes rencontres familiales de Noël et de Pâque, s'ajoute tout naturellement la messe dominicale en famille, préparée peut-être par une catéchèse et suivie du repas hebdomadaire festif. Certains groupes religieux contemporains restaurent ces belles traditions comme un signe prophétique qu'un nouveau printemps de l'Église commence dans les familles. Ces temps forts de vie commune renforcent l'unité de la famille et le sens d'appartenance à la communauté, contre les tendances culturelles dominantes à l'individualisme et à la dispersion. Quelles que soient les contraintes de la vie moderne, une famille chrétienne doit choisir consciemment et fortement de ne pas abandonner la valeur inestimable du dimanche comme jour de repos, de prière et de vie familiale. Une famille qui respecte et honore le jour du Seigneur par l'écoute de la Parole de Dieu au sein de l'Assemblée dominicale porte un message prophétique au monde d'aujourd'hui. En remerciant Dieu de son appartenance à la famille de Dieu, elle témoigne en Église de son Alliance avec le Christ pour l'édification d'une civilisation de l'amour.
La famille chrétienne remplit aussi sa mission d'éducatrice par son ouverture à la société et à l'apostolat. L'accueil, l'hospitalité, le partage et l'entraide sont des traits caractéristiques de la spiritualité familiale qui manifestent l'Esprit d'amour qui l'anime. L'ouverture à Dieu dont témoignent les époux par la sainteté de leur vie se prolonge par l'ouverture missionnaire à la société. Même si la mission de l'Église domestique commence en tout premier lieu par l'être de la famille, par la communion des personnes, le don de la vie et l'éducation des enfants, elle se prolonge néanmoins tout naturellement par l'apostolat auprès des autres familles ou dans tout autre rayonnement sur la société qui est compatible avec sa mission première. Son ouverture apostolique témoigne de l'Amour trinitaire qui l'habite et l'entraîne à partager la bonne nouvelle de l'Amour qui se fait chair.
II-Valeurs à redécouvrir
La réflexion sur le sacrement du mariage a révélé le but de la famille éducatrice qui est de conduire ses membres à la sainteté par l'appropriation la plus profonde possible de la mission et des valeurs de l'Église domestique. En traitant d'abord du sacrement, nous sommes partis du Christ pour définir la réalité profonde que la famille est appelée à découvrir et à vivre en réponse à l'amour du Christ. Il faut maintenant traiter de la dimension anthropologique, apparemment mieux connue, mais où les valeurs sont à redécouvrir pour répondre aux défis éducatifs de notre époque.
1) L'amour conjugal et familial à l'image de l'amour divin.
Dans un monde qui facilite les unions libres et qui justifie les ruptures successives, fatales pour l'éducation des enfants, les chrétiens sont appelés à révéler par leur vie le dessein original du Créateur sur l'amour conjugal, le mariage et la famille. L'amour conjugal est la première valeur à redécouvrir car, bien qu'il soit plus menacé que jamais, il constitue néanmoins le premier fondement du mariage et de la famille. Face au mouvement de privatisation de l'amour conjugal qui réduit l'engagement du couple au minimum, les disciples du Christ s'engagent, aujourd'hui comme hier, à vivre au maximum l'amour conjugal dans l'institution sociale et sacramentelle du mariage. Ils offrent ainsi au monde le témoignage d'un don de soi réciproque qui n'est pas seulement subjectif et privé, mais public et ratifié par la célébration sacramentelle du mariage. Ce témoignage d'amour « exclusif » et « définitif »[15], fondé sur le dessein de Dieu et soutenu par la grâce divine, constitue la base de la famille, éducatrice aux valeurs humaines et chrétiennes.
À la lumière de la révélation biblique, l'amour conjugal d'un homme et d'une femme apparaît en effet comme une réalité sacrée, enracinée dans leur être créé à l'image de Dieu : « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa » (Gn 1,27). À ce couple originel, Dieu donne d'expérimenter la merveille de l'amour : « Voici cette fois l'os de mes os et la chair de ma chair » ( Gn 2, 23) et de participer à sa seigneurie sur le monde par l'expérience de la fécondité: « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et soumettez-la » (Gn 1, 28). L'homme et la femme, créés à l'image de Dieu, tendent vers la ressemblance avec Lui en devenant « une seule chair » (Gn2, 24) par un amour fidèle et fécond. L'exégèse de la tradition sacerdotale arrive ainsi à joindre très étroitement le thème de l'image et celui de la famille. "Adam représente Dieu, c'est à dire qu'il rend son pouvoir et son autorité présente et il interagit avec Lui, dans la relation de l'homme et de la femme"[16]. Selon les spécialistes, Gn 1,26 suggère "un rapport de ressemblance entre Dieu qui crée et l'homme, mâle et femelle, qui, béni par lui, procrée". Ainsi "l'expression ''Dieu le fit à sa ressemblance'' signifie que Dieu fit l'homme pour être fécond comme lui"[17].
Le pacte d'alliance qui établit entre les époux une « communauté de vie et d'amour » (GS 48) repose par conséquent sur un ordre de choses divinement institué. Il assure ainsi à la société son premier fondement : la famille. D'où l'exigence d'unité, de stabilité et de fécondité qui définit la nature même de l'amour conjugal dans le plan de Dieu, un amour béni de Dieu qu'on ne peut réduire à une émotion passagère ou à un transport érotique sans lendemain. Bien qu'affaibli et menacé par les conséquences désastreuses du péché originel, l'amour conjugal demeure une valeur première dont les caractéristiques sont rappelées dans l'Encyclique Humanae Vitae. C'est un amour « pleinement humain, c'est-à-dire à la fois sensible et spirituel » (HV 9) ; un amour qui engage par « un acte de la volonté libre » impliquant un « don de soi total, fidèle et fécond ». Ces traits caractéristiques de l'amour conjugal authentique, décrit par Paul VI, conservent toute leur valeur, malgré les libéralisations contemporaines, car elles sont fondées sur la sagesse divine et confirmées par l'expérience humaine.
D'autres interventions pontificales ont exprimé par la suite la sollicitude constante de l'Église pour ce domaine vital de la pastorale catholique[18]. Le pape Benoît XVI en a exploré de nouveau les fondements en insistant sur l'imbrication des deux dimensions de l'amour, l'eros et l'agapè, et en soulignant la nécessité d'éduquer l'eros possessif à une maturation vers l'agapè oblatif qui aime l'autre pour lui-même : « Oui, l'amour est extase, mais extase non pas dans le sens d'un moment d'ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu »[19].
À la lumière du Nouveau Testament, cette doctrine acquiert une force et une beauté encore plus grande. Jésus exhorte ses disciples à la perfection de l'amour dont le modèle suprême est l'amour trinitaire: « Vous, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». L'amour conjugal et familial participe au modèle suprême par son unité et sa fécondité qui l'assimile à l'amour paternel, filial et fraternel des Personnes divines. Cette participation jette une nouvelle lumière sur la vocation des époux d'être un sacrement de l'amour du Christ Époux pour l'Église Épouse, ce qui veut dire en définitive un sacrement de l'amour trinitaire pour le monde. La paternité et la maternité humaines, exercées selon Dieu, appartiennent par conséquent à la perfection de l'amour et à la sainteté du couple. C'est pourquoi l'éducation à l'amour conjugal authentique, conformément à la dignité de l'homme et de la femme créées à l'image et à la ressemblance de Dieu, doit devenir une priorité si l'on veut établir des familles stables et fécondes au service de l'Église et de la société.
Une lumière complémentaire sur l'amour et la mission éducative de la famille vient de la vocation chrétienne à la virginité. Jean Paul II a bien spécifié que "la Révélation chrétienne connaît deux façons spécifiques de réaliser la vocation à l'amour de la personne humaine dans son intégrité: le mariage et la virginité" (FC 11). La vocation à l'amour dans le mariage inclut l'équilibre délicat entre l'eros et l'agapè de même que la fécondité du couple qui est à la fois spirituelle et physique. La vocation à la virginité consacrée répond pour sa part à un appel particulier de l'Époux qui choisit des hommes et des femmes pour être des témoins de son amour crucifié et des porteurs de sa fécondité eschatologique. La consécration virginale découle directement de l'amour-agapè du Christ sur la croix et, par le sacrifice de la fécondité conjugale et familiale, elle reçoit une participation singulière et surabondante à la fécondité infinie de la croix. "Grâce à ce témoignage, la virginité garde vivante dans l'Eglise la conscience du mystère du mariage et elle le défend contre toute atteinte à son intégrité et tout appauvrissement" (FC 16). En développant des liens avec des personnes consacrées, les époux et les familles pressentent la grâce de l'accomplissement eschatologique vers où chemine leur propre vie. Ils en reçoivent un puissant appui pour leur propre fidélité et un encouragement à intensifier leur relation à Dieu, source de toute fécondité. Et si jamais ils sont éprouvés par l'absence de fécondité naturelle de leur mariage, leur acceptation sereine de ce sacrifice augmente leur fécondité spirituelle et les assimile à la fécondité surnaturelle des personnes consacrées[20].
2) L'éducation aux vertus doit prévaloir sur l'usage de techniques artificielles
Le développement prodigieux de la technique a contribué à des progrès fascinants en beaucoup de domaines de la vie moderne. Les avancées de la médecine apportent des ressources nouvelles à la guérison des maladies tout en soulevant de nouvelles questions que la réflexion bioéthique s'efforce de résoudre. Un des discernements majeurs accomplis par l'Église catholique et toujours reconfirmé depuis 40 ans touche la moralité des moyens artificiels de contraception. Son refus d'entériner moralement l'usage de ces moyens contraste avec la mentalité contemporaine qui promeut l'usage de toutes les techniques disponibles permettant d'accomplir l'acte conjugal sans le risque de la procréation. Là où la sagesse de l'Église, fondée sur la révélation, unit l'amour, le mariage et la vie, la culture actuelle tend à les dissocier au nom d'une affirmation sans contrainte de la liberté individuelle.
Le message central de l'Encyclique Humanae Vitae est l'affirmation « que chaque acte conjugal doit rester ouvert à la transmission de la vie[21] ». Cette affirmation s'appuie sur la connexion inséparable voulue par Dieu entre les deux significations de l'acte conjugal : la signification unitive et la signification procréative. « En sauvegardant ces deux aspects essentiels, unitif et procréatif, l'acte conjugal conserve intégralement le sens d'un amour mutuel vrai et son ordination à la très haute vocation de l'homme à la paternité [22] ».
Proposer une telle doctrine signifie 1) maintenir tout d'abord la signification sacrée de la transmission de la vie comme un acte de coopération avec Dieu ; 2) maintenir le lien entre l'amour vrai et l'ouverture réelle au don de la vie ; 3) déclarer immoraux les moyens contraceptifs qui excluent l'ouverture à la vie et donc la communion avec Dieu, puisque les conjoints « ne sont pas les arbitres des sources de la vie humaine, mais plutôt les ministres du dessein établi par le Créateur [23] ».
Maintes fois réitérée et amplement refondée sur l'anthropologie ‘adéquate' développée par Jean Paul II[24], cette doctrine dénonce les pratiques contraceptives qui dissocient l'amour de la vie, le sexe de l'amour et la personne de son propre corps. Ces pratiques largement répandues fragmentent l'unité de la personne humaine et détruisent la valeur de la sexualité humaine, même à l'intérieur du mariage. Consciente de cette dévalorisation, l'Église promeut l'amour conjugal et la sexualité elle-même en gardant unies toutes les dimensions de l'être humain. La pratique de la continence périodique, par exemple, avec ses renoncements, favorise chez le couple la maîtrise de soi, l'humanisation des relations et la maturité spirituelle: « le couple expérimente le fait que la communion conjugale est enrichie par les valeurs de tendresse et d'affectivité qui constituent la nature profonde de la sexualité humaine, jusque dans sa dimension physique. Ainsi, la sexualité est respectée et promue dans sa dimension vraiment et pleinement humaine, mais n'est jamais «utilisée» comme un «objet» qui, dissolvant l'unité personnelle de l'âme et du corps, atteint la création de Dieu dans les liens les plus intimes unissant nature et personne » (FC 32).
La mentalité contraceptive a obtenu jusqu'à maintenant l'adhésion de la majorité grâce à l'appui des médias de communication, mais ses effets déshumanisants deviennent de plus en plus visibles. La procréation devient ‘reproduction' d'un individu de l'espèce ; elle peut désormais être réalisée sans amour, ni sexe, au moyen de la technique d'insémination artificielle ou même par celle plus aberrante de la clonation[25]. L'Église joue son rôle de gardienne de la vérité de l'homme quand, à la lumière de la révélation et de la loi naturelle, elle dénonce l'usage arbitraire et immoral des techniques au détriment de sa dignité personnelle et du caractère sacré de la vie. Il faut reconnaître toutefois que cet enseignement cohérent et réitéré a été somme toute peu reçu et il est souvent ignoré ou déformé. Les jeunes générations, pourtant ouvertes à ces vérités, s'en trouvent cruellement privées.
La pertinence du Magistère de l'Église apparaît clairement dans la justesse prophétique des prédictions de l'encyclique HV quant au déclin des valeurs morales si on laissait libre cours à l'usage de la contraception. De fait, le rejet de la doctrine de l'Église sur la contraception a ouvert la grande porte à l'infidélité, au divorce, à l'avortement et aux unions libres, même de type homosexuel. Dans ce dernier cas il ne s'agit même plus d'amour conjugal, puisqu'il manque la condition essentielle de la différence sexuelle qui exclut toute possibilité de transmission de la vie. Cette dérive des valeurs du mariage et de la famille s'accompagne d'un obscurcissement de la conscience morale qui affecte grandement l'éducation des nouvelles générations. Une carence grave de points de repère moraux favorise en effet la diffusion des théories du constructivisme et du genre qui sèment la confusion dans la perception de l'identité sexuelle de l'être humain. En réaffirmant le lien intime entre la personne, l'amour, le sexe et la vie, l'Église défend des valeurs morales mais elle protège aussi la dignité de la personne humaine qui se perd sous les assauts conjugués du relativisme éthique et du nihilisme de nos sociétés sécularisées.
L'importance de la doctrine de l'Église apparaît clairement dans le domaine de l'éducation où on doit réapprendre que l'acquisition des vertus importe autant sinon davantage que le recours à des techniques. Si prodigieuse et prometteuse que soit la technique, ses produits sont ambigus car ils peuvent être utilisés à des fins qui ne concourent pas à l'épanouissement authentique de l'être humain. Si on confie à la technique des résultats qui doivent venir de la maîtrise de l'homme sur lui-même, on ouvre la porte à de nouveaux esclavages que les multiples phénomènes de dépendance illustrent de façon alarmante. Les résultats inquiétants des techniques de contraception et de reproduction fournissent des exemples suffisants pour qu'on prenne conscience de l'impasse éducative qu'elle entraîne et qu'on mette l'accent désormais sur la formation aux vertus dans l'éducation en général et dans la vie conjugale et familiale en particulier.
3) L'éducation aux valeurs humaines à vivre dans le Christ.
Pour le commun des mortels, une « valeur » désigne quelque chose qui répond à un besoin, c'est-à-dire un « bien » qui satisfait une aspiration ou qui comble un désir dans tel ou tel domaine de l'activité humaine. L'amour, la vie, la famille, le travail, la compétence professionnelle, la solidarité, l'argent, sont des valeurs qui, à des degrés divers, satisfont des besoins, font agir et pâtir les individus, attirent et mobilisent les personnes et les sociétés, pour les acquérir, les développer ou les défendre. Ces valeurs font naître des projets et des initiatives, motivent l'acquisition de vertus par des sujets qui posent des actes faisant participer aux idéaux universels de vérité, bonté, paix, justice et beauté. D'où l'aspiration universelle de l'humanité à une éducation aux valeurs religieuses, morales, familiales, sociales, esthétiques, etc. La famille offre la première initiation à ces valeurs et son influence, positive ou négative, marque de façon indélébile et pour la vie, chaque génération.
Éduquer aux valeurs humaines et chrétiennes dans la famille, c'est former des hommes et des femmes qui apprennent à s'approprient personnellement les valeurs qui répondent aux aspirations profondes de leur cœur. La foi chrétienne fournit le cadre englobant qui détermine ces valeurs et les vertus correspondantes qui permettent de les acquérir. Dans ce cadre, une hiérarchie des valeurs s'établit à partir des dons de la grâce pour s'étendre jusqu'aux valeurs de la nature humaine enrichie d'acquisitions culturelles.
La valeur première que nous avons soulignée dès le début est la foi au Christ comme rencontre personnelle débouchant dans une alliance qui comprend toutes les dimensions de l'être, y compris l'amour conjugal. Celui-ci étant promu à la dignité de sacrement par un acte de foi théologale, il faut bien saisir l'importance d'une sérieuse préparation au mariage par une véritable éducation à l'amour sacramentel. C'est dans cette lumière que les époux peuvent atteindre plus facilement l'équilibre entre leur amour érotique et leur charité généreuse et féconde. S'ils sont animés d'une vie théologale profonde, ils sauront développer les vertus humaines indispensables à la vie conjugale et familiale : la prudence, la maîtrise de soi, le dialogue et le pardon mutuel, la patience et la chasteté conjugale. Le développement personnel de ces vertus transparaîtra dans toutes leurs relations et formera surtout un milieu éducatif sain, coloré par l'amour authentique, la confiance, la tendresse, la piété filiale, le respect et l'ouverture aux autres. Toutes ces vertus et attitudes, pénétrées par l'Esprit de Dieu, deviennent des médiations du Don que le Christ fait de lui-même à l'Église domestique, pour en faire son Épouse fidèle et féconde au service de l'Amour et de la Vie. Au fond, l'atmosphère éducative d'une famille chrétienne dépend d'une culture vocationnelle dont le but avoué est la perfection de l'amour à atteindre dans tous les états de vie et en toutes circonstances, grâce à l'idéal souverain de la Sainte Famille de Nazareth.
Conclusion :
La famille, Église domestique, première éducatrice aux valeurs de l'amour et de la vie
Nonobstant les difficultés actuelles, la famille demeure l'héritage le plus précieux de la tradition chrétienne, « le véritable patrimoine de l'humanité », la première école de communion humaine et ecclésiale. Il faut toutefois reconnaître qu'actuellement sa mission éducative est handicapée, faute d'appui dans la culture dominante, bien sûr, mais faute aussi d'une appropriation profonde de son idéal et de ses valeurs. Il manque encore à la pastorale de l'Église un engagement plus déterminé dans la nouvelle évangélisation des familles, mais aussi d'une nouvelle évangélisation à partir des familles qui ont rencontré le Christ. Jean-Paul II a lancé ce grand mouvement qui annonce, s'il est promu et amplifié par des événements comme celui que nous vivons ici, un nouveau printemps de l'Église.
Des valeurs connues mais encore à découvrir ont été évoquées ici pour préciser le but de la mission éducative de la famille, qui n'est autre que la réalisation de l'Église domestique, fondée sur l'amour conjugal authentique assumé par le Christ et béni par les grâces sacramentelles du mariage. La famille, Église domestique, évangélise, forme les personnes à la communion et à l'apostolat. Quant aux valeurs de l'amour conjugal et des vertus qui lui sont connexes, elles sont à redécouvrir car sous la pression de la culture dominante, hédoniste et relativiste, on ne reconnaît plus leur source et leur articulation morale et spirituelle. Il importe de multiplier les efforts pour faire découvrir et redécouvrir les liens intrinsèques entre l'amour, la vie, la fécondité spirituelle et toutes les vertus qui garantissent la croissance et la stabilité des familles face aux forces adverses.
La promotion d'une spiritualité propre au mariage et à la famille fondée sur la valeur ecclésiale et sociale de la famille, devrait contribuer davantage à former les consciences, à dynamiser la mission éducative des parents et à multiplier les initiatives apostoliques, culturelles et politiques qui défendent les droits de la famille et protègent ses acquis. Tenir bien haut l'étendard de la famille correspond à un signe des temps et à un grand besoin de notre époque. Rehausser sa mission éducative au niveau de son identité profonde n'est plus seulement une tâche urgente de l'aggiornamento ecclésial mais bien la condition sine qua non pour assurer la fidélité de l'Église à sa mission et un avenir à notre civilisation.
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NOTES
[1] Cf. Conseil Pontifical pour la Famille, Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques, Pierre Téqui éditeur, 2005.
[2] Cf. Théry I., La distinction de sexe une nouvelle approche de l'égalité, Paris, Odile Jacob, 2007; Delorme W. Quatrième génération, Paris, Grasset, 2007; Godelier, M., Au fondement des sociétés humaines, Paris, Albin Michel, 2007; Judith Butler, Trouble dans le genre pour un féminisme de subversion, La découverte , Paris, 2005;
[3] Cf. La tentation de Capoue. Anthropologie du mariage et de la filiation, Sous la direction de Tony Anatrella, Ed. Cujas, 2008. Pour la critique de ces théories, voir en particulier «Hors conjugal et parental : des enjeux psychologiques et sociaux, p. 25-97, et autres œuvres de Tony Anatrella, dont Le règne de Narcisse. Les enjeux du déni de la différence sexuelle, La Renaissance, Paris, 2005.
[4] Cf. Iacub M. et Maniglier P., L'anti-manuel d'éducation sexuelle, Bréal, Paris, 2005.
[5] Cf. W. Kasper, Teologia del matrimonio cristiano, Queriniana, 1985, 2e éd., 18. Je renvoie à mes deux volumes qui développent amplement ces perspectives : Divina somiglianza. Antropologia trinitaria della famiglia, Lateran University Press, Rome, 2004 ; Mistero e Sacramento dell'amore. Teologia del matrimonio et della famiglia per la nuova evangelizzazione, Cantagalli, 2007.
[6] Cf. Alfonso Lopez Trujillo, La grande sfida. Famiglia, dignità della persona e umanizzazione, Città Nuova, 2004 ; voir aussi Jorge Alberto Serrano, ,Valores familiares y modernidad, In : Familia et Vita, Anno IX, No. 1-2, 2004, 138-151.
[7] Jean Paul II, Exhortation apostolique Novo Millenio Inneunte, 6 janvier 2001, à l'aube du nouveau millénaire.
[8] Cf. M. Ouellet, La vocazione cristiana al matrimonio e alla famiglia nella missione della chiesa, L.U.P. Roma 2005.
[9] Saint Thomas d'Aquin, Contra Gentes, 3, 25; 3, 50; S. Th. I IIae q 5 a 5 ad 2. Voir Henri de Lubac, Surnaturel, 1946, 483-494; Hans Urs von Balthasar, La Dramatique divine. II. Les personnes du drame 1. L'homme en Dieu, 177ss.
[10] Balthasar, H.U. von, Christlicher Stand , Johannes, Einsiedeln, 1977, 198.
[11] Id.
[12]Cf. De la Potterie, I. Le Nozze messianiche e il matrimonio cristiano, in: Lo Sposo, la Sposa (Parola Spirito e Vita n. 13), Bologna 1986, 87-104; Tettamanzi, D. La famiglia, via della Chiesa, chap. II, Come a Cana di Galilea: Cristo incontra gli sposi, 31-51.
[13] Lumen Gentium 11; Apostolicam actuositatem 11.
[14] S. Thomas d'Aquin, Summa contra Gentiles, IV, 58 (FC 38).
[15] SS Benoît XVI, Deus Caritas est, 6.
[16]Francis Martin, ‘A Summary of the teaching of Genesis chapter one', in : Communio 90 (Summer 1993) 259.
[17] La première citation est tirée d'un article de R. Hinschberger, "Image et ressemblance dans la tradition sacerdotale", in RSR 59 (1985) 192. Cet article est une courte présentation de son mémoire D.E.A.: Image et ressemblance dans la tradition sacerdotale, Strasbourg, 1983, d'où est tirée la seconde citation: 52. Voir Divine ressemblance, Op. cit., 41-51 (it.).
[18] Mentionnons entre autres la Lettre apostolique Mulieris Dignitatem, 1988; la Lettre aux Familles, 1994; l'Encyclique Evangelium vitae, 1995; l'Instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi Donum vitae, (1987).
[19] SS Benoît XVI, Deus Caritas est, 6.
[20]Cf. Mistero e Sacramento, Op. cit., 119ss.
[21] SS Paulo VI, Humanae Vitae, 11.
[22] Ib., 12.
[23] Ib., 13. Cf. Gustave Martelet, "Pour mieux comprendre l'encyclique Humanae Vitae", in: NRTh 90 (1968) 897-917; 1009-1063.
[24] Cf. Familiaris Consortio 32: « Ainsi, au langage qui exprime naturellement la donation réciproque et totale des époux, la contraception oppose un langage objectivement contradictoire, selon lequel il ne s'agit plus de se donner totalement à l'autre; il en découle non seulement le refus positif de l'ouverture à la vie, mais aussi une falsification de la vérité intérieure de l'amour conjugal, appelé à être un don de la personne tout entière ». Cf. aussi les catéchèses de Jean Paul II sur l'amour humain dans le plan de Dieu : Uomo e donna lo creò, sesto ciclo, Amore e fecondità, 453-502.
[25] Cf. Angelo Scola (a cura di) Quale vita? La bioetica in questione. Mondadori, 1998.