Photo de Mgr Maurice Couture, archevêque émérite de Québec
Je m'interrogeais, il y un instant, sur le lien possible entre la fête liturgique de l'Annonciation et la date anniversaire de la fondation du Séminaire de Québec. Ceux d'entre vous qui auraient oublié ce que l'abbé Noël Baillargeon, de vénérée mémoire, nous apprend dans son ouvrage Le Séminaire de Québec sous l'épiscopat de Mgr de Laval, ont pu prendre plus ou moins au sérieux mes propos. Mais j'étais bien assuré que les confrères mieux informés - les réactions non verbales de quelques uns me l'ont fait sentir - j'étais sûr que pour la plupart du moins, vous saviez fort bien que la recherche proposée dans mon mot d'introduction ne se voulait ni opportune, ni pertinente.
Car il faut bien le reconnaître, le 26 mars 1663, la fondation du Séminaire s'est faite sur papier, si je puis dire. Mais sur papier hautement officiel, rédigé à Paris, sous seing privé, et dans la forme d'un mandement épiscopal. Pour attester de son importance, le vicaire apostolique, évêque de Pétrée, s'identifiera dans la suscription placée en tête de l'acte comme «nommé» par le Roy premier Evesque du dit pais».
Ce geste de «reconnaissance» envers Louis XIV, alors âgé de 15 ans, et cette anticipation de son rôle ne suffisent pas à faire de Mgr de Laval un évêque gallican. Je n'ai pas suffisamment étudié l'altera nova positio de la cause du bienheureux pour savoir si l'entête de votre acte de naissance comme institution d'Eglise a pu soulever des soupçons sur la fidélité romaine de votre Fondateur. Chose certaine, l'appui des Jésuites et la concurrence de l'évêque de Rouen aurait sûrement contrebalancé l'emprise de la Cour sur l'église de France à cette époque.
N'empêche que la solennité et la teneur du document qui a créé le Séminaire de Québec témoignent de l'importance qu'avait aux yeux de Mgr de Laval l'institution qu'il portait dans son esprit et dans son cœur avant même qu'il n'arrive à Québec.
Ai-je besoin de rappeler devant vous, les héritiers de ce projet audacieux et visionnaire, quels étaient les objectifs ambitieux du fondateur de notre Eglise et de notre Séminaire? Je les énonce en raccourci:
1. Préparer les candidats au sacerdoce à leur futur état de vie. Comme Mgr de Laval se réclamait d'un décret du Concile de Trente intitulé Cum Adolescentium Aetas, il n'excluait pas d'inclure dans ces candidats des adolescents de 12 ans et plus, ce qu'il réalisera en 1668 en créant le Petit Séminaire dont les candidats fréquentaient le Collège des Jésuites, une réplique, pour ainsi dire, des Collèges qu'il avait fréquentés lui-même à La Flèche et à Paris. Je me permets de signaler ici, encore une fois, avec un grand sentiment de gratitude, que j'ai connu personnellement ce statut à l'inverse, comme petit séminariste du Patronage Saint-Vincent-de-Paul fréquentant le Petit Séminaire de Québec et comme étudiant scolastique des Religieux de Saint- Vincent- de-Paul fréquentant le Grand Séminaire de Québec. À ce titre, je me sens doublement rattaché à Mgr de Laval, comme petit et grand séminariste tout autant que comme son 22e successeur.
2e objectif: Assurer la conduite et l'évangélisation du diocèse de Québec, le Séminaire devant «servir de clergé à cette nouvelle Église».
Il découle de ces deux objectifs que le Séminaire de Québec se voyait assigner trois tâches : '
a) l'éducation des jeunes gens en vue du sacerdoce;
b) la formation du chapitre de la cathédrale;
c) la desserte des paroisses.
Autant dire le soutien entier d'une Eglise aux dimensions d'un continent. Pour assurer le fonctionnement de cette mission, le mandement de Mgr de Laval, appuyé par les lettres patentes qui suivront (avril 1663) de Louis XIV confirmant l'établissement du Séminaire de Québec, établissait que les dîmes perçues auprès des fidèles seraient entièrement affectées aux besoins du Séminaire. On sait que cette disposition sera contestée par les autorités civiles, et même, je l'avoue à l'instar d'une faute originelle, par mon illustre ancêtre Guillaume Couture, ex-frère donné des Jésuites et premier colon de la Rive-sud de Québec! Je me devais de réparer ce péché par quelque amende honorable. C'est fait!
Je m'aperçois - et vous en avez déjà fait la réflexion en vous-mêmes, sans nul doute - que mon discours n'a guère adopté jusqu'ici le ton de l'homélie et que dans les limites du temps raisonnablement alloué à mes propos, il est déjà un peu tard pour corriger le tir.
Je m'y emploie cependant, non sans avoir ajouté au préalable une autre mention historique.
Dans sa vision de l'Eglise du Québec, Mgr de Laval faisait explicitement référence à saint Charles Borromée, le précurseur par excellence da la réforme proposée par le Concile de Trente en matière de formation des prêtres notamment. Mgr de Laval a donc le mérite d'avoir suivi ses traces, bien avant que les diocèses de France aient emboité le pas d'une façon significative. Je dirais même qu'il a dépassé l'action du glorieux évêque de Milan, n'ayant pas à composer avec la lourdeur d'une Eglise ancienne, bien ancrée dans des structures traditionnelles.
Ce qui me permet d'avancer que la fondation du Séminaire de Québec a été une véritable «annonciation» pour notre Eglise. Ce n'est pas un hasard, on peut le penser, que la paroisse Notre-Dame de l'Annonciation ait été créée sous le mandat de Mgr de Laval (1673) et la paroisse Saint-Charles-Borromée au temps de sa retraite active (1693).
L'Eglise de Québec s'est bâtie autour de son Séminaire, et au milieu des adversités de toutes sortes et des aléas de l'évolution socioreligieuse, elle a continué et continue encore à bénéficier de son précieux apport en ressources de toutes espèces.
Comment ne pas en faire le motif de notre rassemblement eucharistique, par l'intercession de la Vierge de l'Annonciation!
Le Seigneur, nous faisait dire la prière d'ouverture, a voulu que le Verbe prit chair en ce jour dans le sein de la Vierge Marie. Aujourd'hui aussi, le Seigneur a voulu que le Séminaire de Québec prît naissance dans l'église de la Nouvelle-France.
La même prière demande que nous soyons participants de la nature divine, ce qui est symbolisé à chaque eucharistie par la goutte d'eau qui se perd dans le vin, pour montrer que nous sommes divinisés du fait que le Verbe a voulu prendre notre chair.
Le Séminaire de Québec est peut-être devenu une goutte d'eau dans l'océan de l'Eglise qui s'est implantée sur le territoire immense du diocèse confié à Mgr de Laval. Mais que serait cette Eglise sans la venue à Québec de celui qui a déposé dans la coupe de bénédiction le vin de son audace et de sa sainteté?
Rendons grâce à notre Rédempteur et Sauveur qui s'est servi d'instruments si merveilleux pour établir son règne parmi nous, comme il s'est servi de sa Mère pour devenir l'un de nous. Amen.
+ Maurice Couture, archevêque émérite de Québec
le 25 mars 2009
Car il faut bien le reconnaître, le 26 mars 1663, la fondation du Séminaire s'est faite sur papier, si je puis dire. Mais sur papier hautement officiel, rédigé à Paris, sous seing privé, et dans la forme d'un mandement épiscopal. Pour attester de son importance, le vicaire apostolique, évêque de Pétrée, s'identifiera dans la suscription placée en tête de l'acte comme «nommé» par le Roy premier Evesque du dit pais».
Ce geste de «reconnaissance» envers Louis XIV, alors âgé de 15 ans, et cette anticipation de son rôle ne suffisent pas à faire de Mgr de Laval un évêque gallican. Je n'ai pas suffisamment étudié l'altera nova positio de la cause du bienheureux pour savoir si l'entête de votre acte de naissance comme institution d'Eglise a pu soulever des soupçons sur la fidélité romaine de votre Fondateur. Chose certaine, l'appui des Jésuites et la concurrence de l'évêque de Rouen aurait sûrement contrebalancé l'emprise de la Cour sur l'église de France à cette époque.
N'empêche que la solennité et la teneur du document qui a créé le Séminaire de Québec témoignent de l'importance qu'avait aux yeux de Mgr de Laval l'institution qu'il portait dans son esprit et dans son cœur avant même qu'il n'arrive à Québec.
Ai-je besoin de rappeler devant vous, les héritiers de ce projet audacieux et visionnaire, quels étaient les objectifs ambitieux du fondateur de notre Eglise et de notre Séminaire? Je les énonce en raccourci:
1. Préparer les candidats au sacerdoce à leur futur état de vie. Comme Mgr de Laval se réclamait d'un décret du Concile de Trente intitulé Cum Adolescentium Aetas, il n'excluait pas d'inclure dans ces candidats des adolescents de 12 ans et plus, ce qu'il réalisera en 1668 en créant le Petit Séminaire dont les candidats fréquentaient le Collège des Jésuites, une réplique, pour ainsi dire, des Collèges qu'il avait fréquentés lui-même à La Flèche et à Paris. Je me permets de signaler ici, encore une fois, avec un grand sentiment de gratitude, que j'ai connu personnellement ce statut à l'inverse, comme petit séminariste du Patronage Saint-Vincent-de-Paul fréquentant le Petit Séminaire de Québec et comme étudiant scolastique des Religieux de Saint- Vincent- de-Paul fréquentant le Grand Séminaire de Québec. À ce titre, je me sens doublement rattaché à Mgr de Laval, comme petit et grand séminariste tout autant que comme son 22e successeur.
2e objectif: Assurer la conduite et l'évangélisation du diocèse de Québec, le Séminaire devant «servir de clergé à cette nouvelle Église».
Il découle de ces deux objectifs que le Séminaire de Québec se voyait assigner trois tâches : '
a) l'éducation des jeunes gens en vue du sacerdoce;
b) la formation du chapitre de la cathédrale;
c) la desserte des paroisses.
Autant dire le soutien entier d'une Eglise aux dimensions d'un continent. Pour assurer le fonctionnement de cette mission, le mandement de Mgr de Laval, appuyé par les lettres patentes qui suivront (avril 1663) de Louis XIV confirmant l'établissement du Séminaire de Québec, établissait que les dîmes perçues auprès des fidèles seraient entièrement affectées aux besoins du Séminaire. On sait que cette disposition sera contestée par les autorités civiles, et même, je l'avoue à l'instar d'une faute originelle, par mon illustre ancêtre Guillaume Couture, ex-frère donné des Jésuites et premier colon de la Rive-sud de Québec! Je me devais de réparer ce péché par quelque amende honorable. C'est fait!
Je m'aperçois - et vous en avez déjà fait la réflexion en vous-mêmes, sans nul doute - que mon discours n'a guère adopté jusqu'ici le ton de l'homélie et que dans les limites du temps raisonnablement alloué à mes propos, il est déjà un peu tard pour corriger le tir.
Je m'y emploie cependant, non sans avoir ajouté au préalable une autre mention historique.
Dans sa vision de l'Eglise du Québec, Mgr de Laval faisait explicitement référence à saint Charles Borromée, le précurseur par excellence da la réforme proposée par le Concile de Trente en matière de formation des prêtres notamment. Mgr de Laval a donc le mérite d'avoir suivi ses traces, bien avant que les diocèses de France aient emboité le pas d'une façon significative. Je dirais même qu'il a dépassé l'action du glorieux évêque de Milan, n'ayant pas à composer avec la lourdeur d'une Eglise ancienne, bien ancrée dans des structures traditionnelles.
Ce qui me permet d'avancer que la fondation du Séminaire de Québec a été une véritable «annonciation» pour notre Eglise. Ce n'est pas un hasard, on peut le penser, que la paroisse Notre-Dame de l'Annonciation ait été créée sous le mandat de Mgr de Laval (1673) et la paroisse Saint-Charles-Borromée au temps de sa retraite active (1693).
L'Eglise de Québec s'est bâtie autour de son Séminaire, et au milieu des adversités de toutes sortes et des aléas de l'évolution socioreligieuse, elle a continué et continue encore à bénéficier de son précieux apport en ressources de toutes espèces.
Comment ne pas en faire le motif de notre rassemblement eucharistique, par l'intercession de la Vierge de l'Annonciation!
Le Seigneur, nous faisait dire la prière d'ouverture, a voulu que le Verbe prit chair en ce jour dans le sein de la Vierge Marie. Aujourd'hui aussi, le Seigneur a voulu que le Séminaire de Québec prît naissance dans l'église de la Nouvelle-France.
La même prière demande que nous soyons participants de la nature divine, ce qui est symbolisé à chaque eucharistie par la goutte d'eau qui se perd dans le vin, pour montrer que nous sommes divinisés du fait que le Verbe a voulu prendre notre chair.
Le Séminaire de Québec est peut-être devenu une goutte d'eau dans l'océan de l'Eglise qui s'est implantée sur le territoire immense du diocèse confié à Mgr de Laval. Mais que serait cette Eglise sans la venue à Québec de celui qui a déposé dans la coupe de bénédiction le vin de son audace et de sa sainteté?
Rendons grâce à notre Rédempteur et Sauveur qui s'est servi d'instruments si merveilleux pour établir son règne parmi nous, comme il s'est servi de sa Mère pour devenir l'un de nous. Amen.
+ Maurice Couture, archevêque émérite de Québec
le 25 mars 2009