Page du paroissien grégorien
Homélie pour un défunt, église de Sts-Anges (Beauce), 28 avril 2007. Textes de l'Écriture: 2 Thess, 4, 13-14, 17d-18; Lc, 24, 13-35; lecture brève 24, 13-16, 28-35.
Je commence par cette phrase d’un grand historien, Jean Delumeau, qui peut éclairer avec bonheur notre rassemblement autour de la dépouille de celui qui nous a quitté. « Parce que le christianisme donne à Jésus sa plus grande dimension, parce que la résurrection du Sauveur donne un sens et un avenir à notre parcours terrestre, si difficile soit-il parfois, je continue à m’attacher à lui. » (p. 14) Quelle belle profession de foi. Une foi que plusieurs parmi nous partagent, même s’ils n’ont pas les mots savants de Jean Delumeau.
Oui, tous ces croyantes et croyants sont de la race de ceux que nous avons rencontrés en lisant l’extrait de l’évangile de saint Jean qui nous raconte l’épisode des disciples d’Emmaüs. Regardons-y de plus près.
I- Un deuil et une séparation incontournables
Les disciples d’Emmaüs témoignent d’une rencontre du Ressuscité bien particulière. Leur attachement à lui, qu’ils expriment avec coeur et en abondance, se voit confronté au mystère de l’absence. Ils ont beau parler de lui, se rappeler les moments heureux qu’ils ont vécus avec lui, son absence leur pèse lourd. Les mots restent bien en deçà de la rencontre de personne à personne qu’ils ont connue avec Jésus avant sa mort.
Ne sont-ils pas ainsi un peu comme nous avec ceux et celles que nous aimons et qui quittent pour toujours notre regard? Nos mots les font revivre, mais ils ne sont jamais que le rappel d’une absence qui nous va droit au cœur et que nous vivons dans le deuil et la séparation incontournables.
II- Une rencontre inexprimable, mais bien réelle
Mais revenons aux disciples d’Emmaüs. À mesure qu’ils partagent avec l’étranger qui les a rejoints, ils sentent en eux non plus seulement des mots qui montent, mais un je ne sais quoi de plus. « Nos cœurs n’étaient-ils pas brûlants? » constateront-ils plus tard? » Eh oui! pour eux dans la suite du récit, les mots laissent place à une relation de personne à personne, à une rencontre inexprimable, mais bien réelle.
Bien sûr que l’absence physique demeure, mais elle n’empêche pas la présence de la personne aimée. Ayant vécu la fin tragique de Jésus qui les prive d’une présence physique qui soutenait leur attachement à lui, celui-ci en prend pour son compte. « Nous pensions qu’il était celui qui nous sauverait, qui rétablirait la gloire d’Israël ». Des rêves brisés. Privés de cette présence physique, la tristesse les envahit. L’être humain a besoin de sentir, de toucher, de voir pour entrer en relation avec les personnes. Les disciples d’Emmaüs ne sont pas différents. Et pourtant l’étranger qui marche avec eux leur révèle que tout ne finit pas avec la mort physique.
Les disciples d’Emmaüs confrontés à une absence physique sont amenés sur un chemin différent et combien déroutant : celui de la foi. Ils sont les premiers des croyants. Et à ceux qui les suivent au temps de saint Paul, les Thessaloniciens, celui-ci rappelle qu’« il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance, Jésus nous le croyons est mort et ressuscité. » Rappel qui vaut encore pour nous au XXIe siècle. Oui, je vous le dis moi aussi « il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance, Jésus nous le croyons est mort et ressuscité. »
II- Le chemin de la foi vécue
Voilà le défi auquel nous sommes tous confrontés : celui de la mort et de l’absence physique. Le chrétien, sans avoir toutes les réponses, prend le beau risque de la foi comme cet historien que je citais au début. Ce « beau risque » c’est celui de l’attachement à la personne de Jésus que nous reconnaissons toujours vivant et que nous retrouvons de diverses manières : dans l’autre que je regarde comme un frère et une sœur - « Aimez-vous les uns les autres »-, dans le pain et le vin partagé dans l’Eucharistie, dans le souffle de l’Esprit au cœur du plus petit, dans l’étranger, dans l’enfant qui pleure, dans le jeune qui se cherche etc.
Quel beau risque de chercher Jésus et de le chercher sans se lasser. La vie d’un chrétien n’est pas une « assurance tous risques ». Elle comporte ses moments d’hésitations, de doutes, de retards, de lenteurs, mais elle est remplie d’une espérance fondée sur la foi en la Résurrection du Jésus. « Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. »
Ce « beau risque » dont je viens de faire la description de façon très sommaire, le défunt que nous accompagnons, y a été plongé dès son enfance dans une famille croyante. Il a vécu comme les gens de sa génération les pratiques d’une église, disons-le, raide et sévère. Plus tard, dans les années 60 et 70, il ne comprenait pas comment et pourquoi les choses changeaient autant. À chaque fois que je le rencontrais, il me faisait part de ses questionnements toujours intéressants, mais je puis témoigner que, le dernier dimanche avant de mourir, lorsque je l’ai visité à l’hôpital, nous avons longuement parlé de la mort et de la foi qu’il avait conservée, une foi vive et confiante.
Conclusion
Devant le mystère de la mort physique, nous affirmons notre espérance fondée sur notre attachement à Jésus. Et pour manifester cet attachement nous refaisons les gestes que Jésus a fait avec les disciples d’Emmaüs et à la dernière Cène, car comme le dit saint Paul « chaque fois que vous faites cela, vous annoncez la mort et la résurrection du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». Que cette célébration ouvre nos cœurs à cette présence mystérieuse de Jésus au moment où la disparition physique d’un être cher nous invite à chercher et découvrir l’au-delà des apparences et de l’absence.
Amen!
Hermann Giguère, prêtre, p.h.
Supérieur général du Séminaire de Québec
le 28 avril 2007
Je commence par cette phrase d’un grand historien, Jean Delumeau, qui peut éclairer avec bonheur notre rassemblement autour de la dépouille de celui qui nous a quitté. « Parce que le christianisme donne à Jésus sa plus grande dimension, parce que la résurrection du Sauveur donne un sens et un avenir à notre parcours terrestre, si difficile soit-il parfois, je continue à m’attacher à lui. » (p. 14) Quelle belle profession de foi. Une foi que plusieurs parmi nous partagent, même s’ils n’ont pas les mots savants de Jean Delumeau.
Oui, tous ces croyantes et croyants sont de la race de ceux que nous avons rencontrés en lisant l’extrait de l’évangile de saint Jean qui nous raconte l’épisode des disciples d’Emmaüs. Regardons-y de plus près.
I- Un deuil et une séparation incontournables
Les disciples d’Emmaüs témoignent d’une rencontre du Ressuscité bien particulière. Leur attachement à lui, qu’ils expriment avec coeur et en abondance, se voit confronté au mystère de l’absence. Ils ont beau parler de lui, se rappeler les moments heureux qu’ils ont vécus avec lui, son absence leur pèse lourd. Les mots restent bien en deçà de la rencontre de personne à personne qu’ils ont connue avec Jésus avant sa mort.
Ne sont-ils pas ainsi un peu comme nous avec ceux et celles que nous aimons et qui quittent pour toujours notre regard? Nos mots les font revivre, mais ils ne sont jamais que le rappel d’une absence qui nous va droit au cœur et que nous vivons dans le deuil et la séparation incontournables.
II- Une rencontre inexprimable, mais bien réelle
Mais revenons aux disciples d’Emmaüs. À mesure qu’ils partagent avec l’étranger qui les a rejoints, ils sentent en eux non plus seulement des mots qui montent, mais un je ne sais quoi de plus. « Nos cœurs n’étaient-ils pas brûlants? » constateront-ils plus tard? » Eh oui! pour eux dans la suite du récit, les mots laissent place à une relation de personne à personne, à une rencontre inexprimable, mais bien réelle.
Bien sûr que l’absence physique demeure, mais elle n’empêche pas la présence de la personne aimée. Ayant vécu la fin tragique de Jésus qui les prive d’une présence physique qui soutenait leur attachement à lui, celui-ci en prend pour son compte. « Nous pensions qu’il était celui qui nous sauverait, qui rétablirait la gloire d’Israël ». Des rêves brisés. Privés de cette présence physique, la tristesse les envahit. L’être humain a besoin de sentir, de toucher, de voir pour entrer en relation avec les personnes. Les disciples d’Emmaüs ne sont pas différents. Et pourtant l’étranger qui marche avec eux leur révèle que tout ne finit pas avec la mort physique.
Les disciples d’Emmaüs confrontés à une absence physique sont amenés sur un chemin différent et combien déroutant : celui de la foi. Ils sont les premiers des croyants. Et à ceux qui les suivent au temps de saint Paul, les Thessaloniciens, celui-ci rappelle qu’« il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance, Jésus nous le croyons est mort et ressuscité. » Rappel qui vaut encore pour nous au XXIe siècle. Oui, je vous le dis moi aussi « il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance, Jésus nous le croyons est mort et ressuscité. »
II- Le chemin de la foi vécue
Voilà le défi auquel nous sommes tous confrontés : celui de la mort et de l’absence physique. Le chrétien, sans avoir toutes les réponses, prend le beau risque de la foi comme cet historien que je citais au début. Ce « beau risque » c’est celui de l’attachement à la personne de Jésus que nous reconnaissons toujours vivant et que nous retrouvons de diverses manières : dans l’autre que je regarde comme un frère et une sœur - « Aimez-vous les uns les autres »-, dans le pain et le vin partagé dans l’Eucharistie, dans le souffle de l’Esprit au cœur du plus petit, dans l’étranger, dans l’enfant qui pleure, dans le jeune qui se cherche etc.
Quel beau risque de chercher Jésus et de le chercher sans se lasser. La vie d’un chrétien n’est pas une « assurance tous risques ». Elle comporte ses moments d’hésitations, de doutes, de retards, de lenteurs, mais elle est remplie d’une espérance fondée sur la foi en la Résurrection du Jésus. « Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. »
Ce « beau risque » dont je viens de faire la description de façon très sommaire, le défunt que nous accompagnons, y a été plongé dès son enfance dans une famille croyante. Il a vécu comme les gens de sa génération les pratiques d’une église, disons-le, raide et sévère. Plus tard, dans les années 60 et 70, il ne comprenait pas comment et pourquoi les choses changeaient autant. À chaque fois que je le rencontrais, il me faisait part de ses questionnements toujours intéressants, mais je puis témoigner que, le dernier dimanche avant de mourir, lorsque je l’ai visité à l’hôpital, nous avons longuement parlé de la mort et de la foi qu’il avait conservée, une foi vive et confiante.
Conclusion
Devant le mystère de la mort physique, nous affirmons notre espérance fondée sur notre attachement à Jésus. Et pour manifester cet attachement nous refaisons les gestes que Jésus a fait avec les disciples d’Emmaüs et à la dernière Cène, car comme le dit saint Paul « chaque fois que vous faites cela, vous annoncez la mort et la résurrection du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». Que cette célébration ouvre nos cœurs à cette présence mystérieuse de Jésus au moment où la disparition physique d’un être cher nous invite à chercher et découvrir l’au-delà des apparences et de l’absence.
Amen!
Hermann Giguère, prêtre, p.h.
Supérieur général du Séminaire de Québec
le 28 avril 2007