L’entrée en Carême est un geste que nous posons à chaque année avec gravité et avec confiance en recevant les cendres en ce jour. Nous entrons par ce geste dans un chemin de vie. L’horizon du parcours quadragésimal n’est pas seulement le Vendredi Saint, c’est aussi Pâques où le Ressuscité éclaire toute la route parcourue, la sienne et la nôtre. Le défiguré du Vendredi Saint devient le transfiguré de Pâques.
Dans l'année liturgique B que nous vivons en ce carême 2009, les évangiles des dimanches tirés de l’évangile de Jean portent sur le mystère de la mort-résurrection du Seigneur : annonce du relèvement du Temple de son corps (Jn 2, 13-25); fin de l'entretien avec Nicodème sur la vie nouvelle (Jn 3, 14-21) ; démarche des Grecs qui viennent trouver Jésus qui frémit à l'idée de sa Passion (Jn 12, 20-31). Le chemin du carême qui nous est proposé cette année est donc explicitement pascal. La Gloire et la Croix se rencontrent pour nous entraîner au-delà de nous-mêmes unis à Celui qui est maintenant vivant et glorieux auprès du Père.
C’est sur cette lancée que j’aimerais aujourd’hui méditer avec vous les textes de l’Écriture que nous venons d’entendre.
I- Le départ
La première lecture à première vue semble loin d’un itinéraire pascal. Et pourtant, l’appel à la conversion qui retentit dans ce texte : « Revenez à moi de tout cotre cœur…Revenez au Seigneur votre Dieu …» ne marque-t-il pas une nécessaire prise de conscience pour entrer dans le chemin pascal qu’a suivi Jésus qui n’avait d’autre volonté que de faire la volonté du Père, ce père « tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour » comme le qualifie Joël.
Pourquoi ne pas reconnaître son péché, ses limites et se laisser re-créer par la bonté du Père "tendre et miséricordieux". N'est-ce pas Lui qui a glorifié Jésus qu’il a reconnu comme son Fils bien-aimé : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » disait la voix que Jean-Baptiste a entendue lors du baptême de Jésus? Ce Jésus, comme dira Pierre dans le discours après la Pentecôte qui est rapporté dans les Actes des Apôtres, ce Jésus Dieu l’a relevé d’entre les morts et l’a exalté au dessus de tout.
Le Carême n'est donc pas une période de crispation volontariste sur soi mais une démarche de conversion au point de départ qui ouvre le chemin vers la Croix et la Gloire, vers la Passion et la Résurrection, vers le Vendredi Saint et Pâques. C’est en Église que nous sommes invités à vivre ce chemin vers le sommet de l'Année liturgique.
II - Le chemin
Dans la seconde lecture tirée de la Lettre aux Corinthiens, le chemin pascal qu’est le Carême est beaucoup plus évident. Lorsque saint Paul s’exclame « C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut », il nous plonge directement dans le mystère du Christ toujours vivant et interpellant au nom de Dieu à recevoir sa grâce. Cette grâce quelle est-elle, sinon de reconnaître, comme Paul le dira dans sa lettre aux Romains, que nous sommes enfants de Dieu, cohéritiers avec le Fils bien-aimé, bien-aimés nous aussi sans mérite de notre part, par pure gratuité d’un amour qui se donne sans retour.
Nous pouvons, sur les traces de Jésus, répondre à cet amour en devenant des « ambassadeurs du Christ » comme dit saint Paul. Qu’est-ce à dire ? « Ambassadeur », n’est-ce pas reprendre à son compte les paroles de l’autre, n’est-ce pas tenir ferme sans défaillance à travers vents et marées, n’est-ce pas être capable d’aller jusqu’à l’extrême et de perdre sa vie pour celui qu’on sert? Et ainsi « celui qui perd sa vie, la gagne ».
Voilà la dynamique pascale qui revient. Ce qui est défiguré est transfiguré, ce qui est faible devient fort, ce qui est méprisé est glorifié. Ainsi, le mystère de Pâques continue de s’accomplir parmi nous, dans nos vies, dans l’Église et dans le monde.
Nous aurons un chemin de quarante jours pour vivre ce chemin pascal. En effet, le Carême s'est constitué au fil du temps pour permettre d'avancer lentement mais sûrement sur ce chemin qui nous est proposé cette année.
Au 4e siècle s'établit le Carême de quarante jours (quadragesima qui deviendra quaresima et quaresme en 1190), rappelant les quarante jours de Jésus au désert et les quarante années du peuple élu avant l'entrée dans la Terre promise. C'est une préparation à la célébration de la mort et de la résurrection du Seigneur. Célébrons la Fête non pas avec du vieux levain, ni du levain de méchanceté et de perversité, mais avec des pains sans levain : dans la pureté et dans la vérité dira saint Paul (1 Co 5,8). Le jeûne de quarante jours pendant le carême est né en même temps à Rome entre 354 et 384. Le Carême commençait le dimanche de la Quadragésime (quadragesima dies, le quarantième jour - en réalité le quarante-deuxième - avant Pâques). Mais en tenant compte des dimanches, pendant lesquels le jeûne était interrompu, le nombre de jours de Carême effectif jusqu'à Pâques se trouvait inférieur à quarante. Pour rester fidèle à ce chiffre (quarante ans de traversée du désert par les Hébreux, quarante jours de jeûne du Christ dans le désert) on avança le début du Carême au mercredi précédant le dimanche de la Quadragésime : le mercredi des Cendres.
Que ce Carême de 2009 nous rende attentifs à reconnaître les signes du mystère pascal qui nous entourent et que bien souvent nous ne savons pas identifier ou reconnaître.
III- Les moyens
Enfin, venons-en à l'évangile, cet extrait bien connu de l'évangile de Mathieu qui a inspiré la tradition chrétienne pour donner au début du carême des moyens concrets pour soutenir la montée vers Pâques. Les moyens présentés ici sont l’aumône, la prière et jeûne. À ces moyens peuvent s’en ajouter d’autres comme la lectio divina, le recours au Sacrement de la Réconciliation, la participation active à l’Eucharistie, les visites aux malades, le partage avec les démunis etc.
Cette année le pape Benoît XVI dans son Message du Carême publié le 3 février 2009 propose de redécouvrir le sens chrétien de la pratique du jeûne : c'est le thème de son message.
« Dans le Nouveau Testament, écrit Benoît XVI, Jésus met en lumière la raison profonde du jeûne en stigmatisant l'attitude des pharisiens qui observaient avec scrupule les prescriptions imposées par la loi, alors que leurs cœurs étaient loin de Dieu. Le vrai jeûne, redit encore en d'autre lieux le divin Maître, consiste plutôt à faire la volonté du Père céleste, lequel ‘voit dans le secret et te récompensera’ (Mt 6,18)… Le vrai jeûne a donc pour but de manger ‘ la vraie nourriture’, qui consiste à faire la volonté du Père (cf. Jn 4,34). »
Mes frères, pendant ces quarante jours, solidaires du Christ qui monte à Jérusalem pour affronter les heures tragiques de la Passion, nous nous détachons de tout ce qui nous affaiblit pour renouer avec les forces de l'amour et du service. Nous replaçons nos vies sous le signe du Christ qui en est la source et le modèle.
Conclusion
C’est ainsi que notre chemin pascal commence cette année. L’horizon de Pâques illumine notre entrée en Carême. Cela n’empêche pas pourtant qu’au début de notre marche vers Pâques nous écoutions et recevions l’appel à la conversion qui nous sera fait lors de l’imposition des cendres sur nos têtes : « Convertissez-vous et croyez à l'Évangile ». Les paroles qui accompagneront le geste de l'imposition des cendres soulignent avec raison que la grâce du Seigneur s’enracine dans une liberté et une décision qui ne sont jamais forcées.
Que le geste que nous poserons nous aide à entre le cœur léger dans un chemin de transformation où comme le Christ nous mourrons au péché pour vivre pour Dieu.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Supérieur général du Séminaire de Québec
Le 25 février 2009.
Dans l'année liturgique B que nous vivons en ce carême 2009, les évangiles des dimanches tirés de l’évangile de Jean portent sur le mystère de la mort-résurrection du Seigneur : annonce du relèvement du Temple de son corps (Jn 2, 13-25); fin de l'entretien avec Nicodème sur la vie nouvelle (Jn 3, 14-21) ; démarche des Grecs qui viennent trouver Jésus qui frémit à l'idée de sa Passion (Jn 12, 20-31). Le chemin du carême qui nous est proposé cette année est donc explicitement pascal. La Gloire et la Croix se rencontrent pour nous entraîner au-delà de nous-mêmes unis à Celui qui est maintenant vivant et glorieux auprès du Père.
C’est sur cette lancée que j’aimerais aujourd’hui méditer avec vous les textes de l’Écriture que nous venons d’entendre.
I- Le départ
La première lecture à première vue semble loin d’un itinéraire pascal. Et pourtant, l’appel à la conversion qui retentit dans ce texte : « Revenez à moi de tout cotre cœur…Revenez au Seigneur votre Dieu …» ne marque-t-il pas une nécessaire prise de conscience pour entrer dans le chemin pascal qu’a suivi Jésus qui n’avait d’autre volonté que de faire la volonté du Père, ce père « tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour » comme le qualifie Joël.
Pourquoi ne pas reconnaître son péché, ses limites et se laisser re-créer par la bonté du Père "tendre et miséricordieux". N'est-ce pas Lui qui a glorifié Jésus qu’il a reconnu comme son Fils bien-aimé : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » disait la voix que Jean-Baptiste a entendue lors du baptême de Jésus? Ce Jésus, comme dira Pierre dans le discours après la Pentecôte qui est rapporté dans les Actes des Apôtres, ce Jésus Dieu l’a relevé d’entre les morts et l’a exalté au dessus de tout.
Le Carême n'est donc pas une période de crispation volontariste sur soi mais une démarche de conversion au point de départ qui ouvre le chemin vers la Croix et la Gloire, vers la Passion et la Résurrection, vers le Vendredi Saint et Pâques. C’est en Église que nous sommes invités à vivre ce chemin vers le sommet de l'Année liturgique.
II - Le chemin
Dans la seconde lecture tirée de la Lettre aux Corinthiens, le chemin pascal qu’est le Carême est beaucoup plus évident. Lorsque saint Paul s’exclame « C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut », il nous plonge directement dans le mystère du Christ toujours vivant et interpellant au nom de Dieu à recevoir sa grâce. Cette grâce quelle est-elle, sinon de reconnaître, comme Paul le dira dans sa lettre aux Romains, que nous sommes enfants de Dieu, cohéritiers avec le Fils bien-aimé, bien-aimés nous aussi sans mérite de notre part, par pure gratuité d’un amour qui se donne sans retour.
Nous pouvons, sur les traces de Jésus, répondre à cet amour en devenant des « ambassadeurs du Christ » comme dit saint Paul. Qu’est-ce à dire ? « Ambassadeur », n’est-ce pas reprendre à son compte les paroles de l’autre, n’est-ce pas tenir ferme sans défaillance à travers vents et marées, n’est-ce pas être capable d’aller jusqu’à l’extrême et de perdre sa vie pour celui qu’on sert? Et ainsi « celui qui perd sa vie, la gagne ».
Voilà la dynamique pascale qui revient. Ce qui est défiguré est transfiguré, ce qui est faible devient fort, ce qui est méprisé est glorifié. Ainsi, le mystère de Pâques continue de s’accomplir parmi nous, dans nos vies, dans l’Église et dans le monde.
Nous aurons un chemin de quarante jours pour vivre ce chemin pascal. En effet, le Carême s'est constitué au fil du temps pour permettre d'avancer lentement mais sûrement sur ce chemin qui nous est proposé cette année.
Au 4e siècle s'établit le Carême de quarante jours (quadragesima qui deviendra quaresima et quaresme en 1190), rappelant les quarante jours de Jésus au désert et les quarante années du peuple élu avant l'entrée dans la Terre promise. C'est une préparation à la célébration de la mort et de la résurrection du Seigneur. Célébrons la Fête non pas avec du vieux levain, ni du levain de méchanceté et de perversité, mais avec des pains sans levain : dans la pureté et dans la vérité dira saint Paul (1 Co 5,8). Le jeûne de quarante jours pendant le carême est né en même temps à Rome entre 354 et 384. Le Carême commençait le dimanche de la Quadragésime (quadragesima dies, le quarantième jour - en réalité le quarante-deuxième - avant Pâques). Mais en tenant compte des dimanches, pendant lesquels le jeûne était interrompu, le nombre de jours de Carême effectif jusqu'à Pâques se trouvait inférieur à quarante. Pour rester fidèle à ce chiffre (quarante ans de traversée du désert par les Hébreux, quarante jours de jeûne du Christ dans le désert) on avança le début du Carême au mercredi précédant le dimanche de la Quadragésime : le mercredi des Cendres.
Que ce Carême de 2009 nous rende attentifs à reconnaître les signes du mystère pascal qui nous entourent et que bien souvent nous ne savons pas identifier ou reconnaître.
III- Les moyens
Enfin, venons-en à l'évangile, cet extrait bien connu de l'évangile de Mathieu qui a inspiré la tradition chrétienne pour donner au début du carême des moyens concrets pour soutenir la montée vers Pâques. Les moyens présentés ici sont l’aumône, la prière et jeûne. À ces moyens peuvent s’en ajouter d’autres comme la lectio divina, le recours au Sacrement de la Réconciliation, la participation active à l’Eucharistie, les visites aux malades, le partage avec les démunis etc.
Cette année le pape Benoît XVI dans son Message du Carême publié le 3 février 2009 propose de redécouvrir le sens chrétien de la pratique du jeûne : c'est le thème de son message.
« Dans le Nouveau Testament, écrit Benoît XVI, Jésus met en lumière la raison profonde du jeûne en stigmatisant l'attitude des pharisiens qui observaient avec scrupule les prescriptions imposées par la loi, alors que leurs cœurs étaient loin de Dieu. Le vrai jeûne, redit encore en d'autre lieux le divin Maître, consiste plutôt à faire la volonté du Père céleste, lequel ‘voit dans le secret et te récompensera’ (Mt 6,18)… Le vrai jeûne a donc pour but de manger ‘ la vraie nourriture’, qui consiste à faire la volonté du Père (cf. Jn 4,34). »
Mes frères, pendant ces quarante jours, solidaires du Christ qui monte à Jérusalem pour affronter les heures tragiques de la Passion, nous nous détachons de tout ce qui nous affaiblit pour renouer avec les forces de l'amour et du service. Nous replaçons nos vies sous le signe du Christ qui en est la source et le modèle.
Conclusion
C’est ainsi que notre chemin pascal commence cette année. L’horizon de Pâques illumine notre entrée en Carême. Cela n’empêche pas pourtant qu’au début de notre marche vers Pâques nous écoutions et recevions l’appel à la conversion qui nous sera fait lors de l’imposition des cendres sur nos têtes : « Convertissez-vous et croyez à l'Évangile ». Les paroles qui accompagneront le geste de l'imposition des cendres soulignent avec raison que la grâce du Seigneur s’enracine dans une liberté et une décision qui ne sont jamais forcées.
Que le geste que nous poserons nous aide à entre le cœur léger dans un chemin de transformation où comme le Christ nous mourrons au péché pour vivre pour Dieu.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Supérieur général du Séminaire de Québec
Le 25 février 2009.