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Beaucoup d’initiatives et d’événements rappellent la figure et l’oeuvre de François de Laval, premier évêque de Québec, en cette année jubilaire. Aujourd’hui, en ce 300e anniversaire de sa mort, nous faisons mémoire de sa pâque, de son passage de l’histoire humaine à l’éternité de Dieu et rien ne peut fournir un cadre plus approprié que la célébration de la Sainte Eucharistie, mémorial de la Pâque du Seigneur. Saint Paul nous enseigne que « chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons à cette coupe, nous annonçons la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne».
François de Laval a célébré quotidiennement le saint sacrifice de la messe, manière courante de désigner l’Eucharistie à son époque. Sa vie fut marquée par la dimension sacrificielle de l’Eucharistie qu’il incarnait dans ses pénitences et ses mortifications étonnantes, voire excessives, qu’on ne saurait imiter aujourd’hui de la même manière. Jeûnes, veilles, prières, privations, incommodités multiples, dépouillement de ses biens en faveur des pauvres, sa vie et sa mort témoignent d’une existence toute mortifiée qui a impressionné ses contemporains.
Quelques semaines après sa mort, son fidèle serviteur des vingt dernières années, le Frère Hubert Houssart, a voulu laisser un récit de cette impression que lui a faite le Bienheureux François de Laval. Il écrit : « La consolation qui s’est mêlée parmi la tristesse en voyant un saint mourir en saint après avoir vécu en saint, a été un très grand soulagement à ma peine, aussi bien qu’à celle de tout le Séminaire et de tous les peuples du Canada ». Le bon frère donne beaucoup d’exemples de son abnégation et de ses mortifications qui culminent avec son offrande finale en sacrifice « six jours avant son saint trépas, pour porter la peine de tous les péchés du Séminaire ». Le témoin ajoute : « Sa Grandeur ayant été exaucée par le redoublement de ses douleurs qui furent excessives depuis ce jour-là jusqu’à sa mort, nous avons tous lieu de croire qu’il nous a acquis par ses souffrances des grâces particulières pour éviter le péché et pratiquer la vertu ». Un dicton populaire affirme qu’il n’y a pas de grand homme pour son valet. Frère Houssart fit mentir ce dicton, subjugué qu’il était par les vertus de son maître, par l’intensité et l’immensité de sa charité pastorale.
Dans sa lettre à Timothée, saint Paul dresse un portrait exigeant du pasteur zélé qu’il souhaite voir réalisé chez son disciple : Audace, courage, patience, persévérance, bon sens et disponibilité à souffrir et à porter jusqu’au bout le ministère. Sa description colle parfaitement à la peau de François de Laval, disciple du Crucifié, qui ne recule devant rien pour suivre le Christ jusqu’au bout. Durement éprouvé par certaines décisions de son successeur, il écrit : « La Providence de Dieu dispose toute chose suavement et toutes ces contrariétés et avortements de nos desseins et projets nous doivent beaucoup servir pour faire mourir en nous tous les mouvements déréglés d’une nature trop mpétueuse».
Il avait appris à l’école de Saint Ignace, que mourir par la mortification des désirs, même dans les bonnes choses, est un chemin sûr vers la sainteté. « Il nous faut mourir aux trop grands désirs des bonnes choses, même de la gloire de Dieu et du salut des âmes ». Il sait par expérience que le Malin se déguise parfois en ange de lumière pour attirer les âmes ardentes vers des prouesses excessives qui les éloignent de la volonté de Dieu au quotidien, préparant ainsi leur chute dans l’orgueil et le découragement.
Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent. François donna sa vie jour après jour, pendant cinquante ans, cherchant à connaître et à aimer ses brebis. S’il était si ardent à se mortifier de mille et une façons, outre un certain rigorisme de l’époque, n’est-ce pas parce qu’il était possédé par l’Amour divin dont il voulait rayonner la présence et le don ? Familier de Marie de l’Incarnation et de Marie-Catherine de Saint-Augustin, François de Laval se savait habité lui aussi par le mystère trinitaire qu’il voyait reflété dans la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. Il confesse humblement : « c’est toute ma paix, mon bonheur en cette vie que de ne (vouloir) point d’autre paradis. C’est le royaume qui est au-dedans de l’âme qui fait notre centre et notre tout ».
« Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père ». Quel mystère abyssal se cache en cette comparaison ! Le bon pasteur connaît, c’est-à-dire aime ses brebis et se laisse aimer par elles, du même amour dont il aime le Père et qu’il est aimé de Lui. L’échange d’amour entre le Père et le Fils dans le Saint Esprit s’écoule pour ainsi dire dans la relation pastorale authentique et lui confère sa beauté, sa joie et sa fécondité. Ce mystère pastoral sied bien à François de Laval, qui a été avare de confidences sur sa vie mystique, mais qui n’avait d’autre idéal que de tout faire pour Dieu seul et d’accomplir en tout sa sainte volonté.
En ce jour anniversaire de sa mort, le 300e, contemplons en lui la grâce de Dieu à l’oeuvre dans sa vie, sa mort et dans les oeuvres pérennes qu’il nous a laissées. François de Laval, évêque missionnaire, édifie l’Église du nouveau monde sur la Parole de Dieu, proclamée à temps et à contretemps, pour édifier, dénoncer, corriger mais toujours pour instruire dans les vérités de la foi. La vie intérieure qui l’animait depuis ses années de formation le rendait capable d’action et de passion, d’audace et d’humilité, de courage et de générosité, pour nourrir les âmes et secourir les pauvres dans leur détresse. À la fin de sa vie, ayant distribué tous ses biens aux pauvres, et constatant qu’il ne lui restait plus rien, François de Laval s’exclamait ne plus pouvoir vivre puisqu’il n’avait plus rien à donner aux pauvres.
Cet évêque fondateur a posé aussi comme fondement de l’Église locale son Séminaire, une famille de prêtres bien dotée et soudée par les liens de la fraternité sacerdotale, au service de l’Unique Prêtre, Jésus Christ, Juge des vivants et des morts. Je salue très cordialement cette digne famille sacerdotale, bien enracinée au coeur du presbyterium de Québec, qui porte toujours le flambeau de la foi des pionniers et dont l’enthousiasme pour la refondation du petit Séminaire diocésain constitue un nouveau signe d’espérance pour l’avenir du Séminaire de Québec et de l’Église au Québec.
Comme évêque en exercice ou comme Monseigneur l’Ancien [c'est le titre qu'on donnait à Mgr de Laval après la nomination de son successeur Mgr de St-Vallier], François de Laval tendait résolument vers la sainteté. Son intense vie de prière en fait foi. Sa sainteté fut pastorale, tout au long de sa longue vie dépensée au service de l’Église. D’abord vécue dans un ministère très actif, elle devint plus passive avec les années et mais toujours plus féconde à travers l’épreuve, la maladie, les mortifications, le détachement, l’abandon et la mort. Sa mort vécue et célébrée au temps pascal témoigne éloquemment de la résurrection du Seigneur. Il voulait que son Séminaire perpétue cet esprit de sainteté et il était prêt à payer de sa propre personne les fautes et les manquements de ses collaborateurs. Quelle générosité à notre égard ! Nous en faisons mémoire avec une gratitude particulière en ce jour anniversaire, le 300ième, de sa mort. N’est-ce pas pour nous l’occasion privilégiée de renouveler notre engagement à la sainteté, à la suite du Christ, dans l’Esprit eucharistique de François de Laval, premier évêque de Québec ?
À la veille du Congrès eucharistique international, rendez-vous historique de l’Église universelle à Québec, confions la réalisation de cette grande mission à l’intercession de notre bienheureux fondateur, avec l’offrande renouvelée de nos vies, de nos joies et de nos croix. Que l’Esprit de la Sainte Famille continue d’inspirer et de façonner l’Église fondée par François de Laval pour le salut des âmes et pour la plus grande gloire de Dieu. Amen !
Marc Cardinal Ouellet
Archevêque métropolitain de Québec et Primat du Canada,
6 mai 2008
Beaucoup d’initiatives et d’événements rappellent la figure et l’oeuvre de François de Laval, premier évêque de Québec, en cette année jubilaire. Aujourd’hui, en ce 300e anniversaire de sa mort, nous faisons mémoire de sa pâque, de son passage de l’histoire humaine à l’éternité de Dieu et rien ne peut fournir un cadre plus approprié que la célébration de la Sainte Eucharistie, mémorial de la Pâque du Seigneur. Saint Paul nous enseigne que « chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons à cette coupe, nous annonçons la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne».
François de Laval a célébré quotidiennement le saint sacrifice de la messe, manière courante de désigner l’Eucharistie à son époque. Sa vie fut marquée par la dimension sacrificielle de l’Eucharistie qu’il incarnait dans ses pénitences et ses mortifications étonnantes, voire excessives, qu’on ne saurait imiter aujourd’hui de la même manière. Jeûnes, veilles, prières, privations, incommodités multiples, dépouillement de ses biens en faveur des pauvres, sa vie et sa mort témoignent d’une existence toute mortifiée qui a impressionné ses contemporains.
Quelques semaines après sa mort, son fidèle serviteur des vingt dernières années, le Frère Hubert Houssart, a voulu laisser un récit de cette impression que lui a faite le Bienheureux François de Laval. Il écrit : « La consolation qui s’est mêlée parmi la tristesse en voyant un saint mourir en saint après avoir vécu en saint, a été un très grand soulagement à ma peine, aussi bien qu’à celle de tout le Séminaire et de tous les peuples du Canada ». Le bon frère donne beaucoup d’exemples de son abnégation et de ses mortifications qui culminent avec son offrande finale en sacrifice « six jours avant son saint trépas, pour porter la peine de tous les péchés du Séminaire ». Le témoin ajoute : « Sa Grandeur ayant été exaucée par le redoublement de ses douleurs qui furent excessives depuis ce jour-là jusqu’à sa mort, nous avons tous lieu de croire qu’il nous a acquis par ses souffrances des grâces particulières pour éviter le péché et pratiquer la vertu ». Un dicton populaire affirme qu’il n’y a pas de grand homme pour son valet. Frère Houssart fit mentir ce dicton, subjugué qu’il était par les vertus de son maître, par l’intensité et l’immensité de sa charité pastorale.
Dans sa lettre à Timothée, saint Paul dresse un portrait exigeant du pasteur zélé qu’il souhaite voir réalisé chez son disciple : Audace, courage, patience, persévérance, bon sens et disponibilité à souffrir et à porter jusqu’au bout le ministère. Sa description colle parfaitement à la peau de François de Laval, disciple du Crucifié, qui ne recule devant rien pour suivre le Christ jusqu’au bout. Durement éprouvé par certaines décisions de son successeur, il écrit : « La Providence de Dieu dispose toute chose suavement et toutes ces contrariétés et avortements de nos desseins et projets nous doivent beaucoup servir pour faire mourir en nous tous les mouvements déréglés d’une nature trop mpétueuse».
Il avait appris à l’école de Saint Ignace, que mourir par la mortification des désirs, même dans les bonnes choses, est un chemin sûr vers la sainteté. « Il nous faut mourir aux trop grands désirs des bonnes choses, même de la gloire de Dieu et du salut des âmes ». Il sait par expérience que le Malin se déguise parfois en ange de lumière pour attirer les âmes ardentes vers des prouesses excessives qui les éloignent de la volonté de Dieu au quotidien, préparant ainsi leur chute dans l’orgueil et le découragement.
Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent. François donna sa vie jour après jour, pendant cinquante ans, cherchant à connaître et à aimer ses brebis. S’il était si ardent à se mortifier de mille et une façons, outre un certain rigorisme de l’époque, n’est-ce pas parce qu’il était possédé par l’Amour divin dont il voulait rayonner la présence et le don ? Familier de Marie de l’Incarnation et de Marie-Catherine de Saint-Augustin, François de Laval se savait habité lui aussi par le mystère trinitaire qu’il voyait reflété dans la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. Il confesse humblement : « c’est toute ma paix, mon bonheur en cette vie que de ne (vouloir) point d’autre paradis. C’est le royaume qui est au-dedans de l’âme qui fait notre centre et notre tout ».
« Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père ». Quel mystère abyssal se cache en cette comparaison ! Le bon pasteur connaît, c’est-à-dire aime ses brebis et se laisse aimer par elles, du même amour dont il aime le Père et qu’il est aimé de Lui. L’échange d’amour entre le Père et le Fils dans le Saint Esprit s’écoule pour ainsi dire dans la relation pastorale authentique et lui confère sa beauté, sa joie et sa fécondité. Ce mystère pastoral sied bien à François de Laval, qui a été avare de confidences sur sa vie mystique, mais qui n’avait d’autre idéal que de tout faire pour Dieu seul et d’accomplir en tout sa sainte volonté.
En ce jour anniversaire de sa mort, le 300e, contemplons en lui la grâce de Dieu à l’oeuvre dans sa vie, sa mort et dans les oeuvres pérennes qu’il nous a laissées. François de Laval, évêque missionnaire, édifie l’Église du nouveau monde sur la Parole de Dieu, proclamée à temps et à contretemps, pour édifier, dénoncer, corriger mais toujours pour instruire dans les vérités de la foi. La vie intérieure qui l’animait depuis ses années de formation le rendait capable d’action et de passion, d’audace et d’humilité, de courage et de générosité, pour nourrir les âmes et secourir les pauvres dans leur détresse. À la fin de sa vie, ayant distribué tous ses biens aux pauvres, et constatant qu’il ne lui restait plus rien, François de Laval s’exclamait ne plus pouvoir vivre puisqu’il n’avait plus rien à donner aux pauvres.
Cet évêque fondateur a posé aussi comme fondement de l’Église locale son Séminaire, une famille de prêtres bien dotée et soudée par les liens de la fraternité sacerdotale, au service de l’Unique Prêtre, Jésus Christ, Juge des vivants et des morts. Je salue très cordialement cette digne famille sacerdotale, bien enracinée au coeur du presbyterium de Québec, qui porte toujours le flambeau de la foi des pionniers et dont l’enthousiasme pour la refondation du petit Séminaire diocésain constitue un nouveau signe d’espérance pour l’avenir du Séminaire de Québec et de l’Église au Québec.
Comme évêque en exercice ou comme Monseigneur l’Ancien [c'est le titre qu'on donnait à Mgr de Laval après la nomination de son successeur Mgr de St-Vallier], François de Laval tendait résolument vers la sainteté. Son intense vie de prière en fait foi. Sa sainteté fut pastorale, tout au long de sa longue vie dépensée au service de l’Église. D’abord vécue dans un ministère très actif, elle devint plus passive avec les années et mais toujours plus féconde à travers l’épreuve, la maladie, les mortifications, le détachement, l’abandon et la mort. Sa mort vécue et célébrée au temps pascal témoigne éloquemment de la résurrection du Seigneur. Il voulait que son Séminaire perpétue cet esprit de sainteté et il était prêt à payer de sa propre personne les fautes et les manquements de ses collaborateurs. Quelle générosité à notre égard ! Nous en faisons mémoire avec une gratitude particulière en ce jour anniversaire, le 300ième, de sa mort. N’est-ce pas pour nous l’occasion privilégiée de renouveler notre engagement à la sainteté, à la suite du Christ, dans l’Esprit eucharistique de François de Laval, premier évêque de Québec ?
À la veille du Congrès eucharistique international, rendez-vous historique de l’Église universelle à Québec, confions la réalisation de cette grande mission à l’intercession de notre bienheureux fondateur, avec l’offrande renouvelée de nos vies, de nos joies et de nos croix. Que l’Esprit de la Sainte Famille continue d’inspirer et de façonner l’Église fondée par François de Laval pour le salut des âmes et pour la plus grande gloire de Dieu. Amen !
Marc Cardinal Ouellet
Archevêque métropolitain de Québec et Primat du Canada,
6 mai 2008