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Homélie pour les fidèles défunts : « La vie ne passe pas, elle est transformée »

Homélie à la messe pour les confrères défunts au lendemain de la Commémoration des fidèles défunts au Séminaire de Québec, le 3 novembre 2008, par le Supérieur général, Mgr Hermann Giguère P.H. . Textes de l'Écriture: Sg 2, 1-4a.22-2; 3,1-9; Lc 12,35-38.



Homélie  pour les fidèles défunts : «  La vie ne passe pas, elle est transformée »
Cette année nous nous réunissons le lendemain de la Commémoration des fidèles défunts puisque celle-ci tombait le dimanche et se célébrait en paroisse. Nous avons tenu à ce que la communauté des prêtres se réunisse autour de la table eucharistique aujourd’hui pour prier ensemble pour nos confrères défunts, en particulier pour monsieur l’abbé Noël Baillargeon décédé le 18 janvier 2008 l’âge de 93 ans et 11 mois et pour qui nous avons célébré une messe des funérailles le 22 janvier suivant à la Basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec. Nous ferons mémoire aussi de tous ceux que nous avons connu et de tous nos devanciers qui ont établi et servi le Séminaire de Québec depuis 345 ans maintenant.

I- Une vie après la mort

En faisant mémoire de nos devanciers et en priant pour eux, notre solidarité avec les défunts se manifeste de façon simple, mais riche. En effet, c’est dans une relation toujours actuelle, malgré le changement, que se vit cette relation. La prière pour les défunts nous permet d’entrer dans ce réseau d’amour, de paix, de bonheur dont nous faisons partie avec eux. Ils ont franchi une limite qui nous est familière celle du temps et de l’espace. Leur vie, cependant, comme le dit la préface de la messe des défunts, n’est pas terminée, elle est transformée.

La fête de la Toussaint et la commémoration des fidèles défunts ont quelque chose en commun. Ces deux fêtes nous parlent d’une même vie, d’une vie transformée, une vie éternelle, une vie après la mort. Si nous ne croyions pas à une vie après la mort, il serait contre-indiqué de célébrer la fête de la Toussaint et, encore moins indiqué, de prier pour les défunts.

Par sa résurrection, Jésus ouvre la voie d’ « un lieu où le temps s'arrêtera sur nous pour céder le pas à l'éternité ; où l'amour sera total », comme le dit si bellement le Père Raniero Cantalamessa, prédicateur de la Maison de sa Sainteté.

Qu’est-ce à dire? Permettez-moi de partager avec vous quelques moments de méditation sur ce thème de la « vie transformée ».

II- Une transformation d’un don reçu

Notre vie ne nous est pas prêtée. Elle nous est donnée. Et ce qui nous est donné nous le recevons. Nous ne sommes pas l’auteur de ce don merveilleux. Benoît XVI le note avec justesse dans son encyclique Spe salvi : "La vie dans le sens véritable, on ne l'a pas en soi, de soi tout seul et pas même seulement par soi: elle est une relation", écrit-Il. Et il poursuit : "Et la vie dans sa totalité est relation avec Celui qui est la source de la vie." (numéro 27)

Bien sûr que nous pouvons, comme l’incroyant dont parle le livre de la Sagesse, nous contenter d’une lecture superficielle, à ras de terre. Notre souffle s’évanouit. La pensée s’éteint. Le corps s’en va en cendres. Il n’y a plus rien. Écoutez-le : « Nous sommes nés par hasard, et après, nous serons comme si nous n’avions pas existé : le souffle de nos narines s’évanouit comme la fumée, et la pensée est une étincelle qui jaillit au battement de notre cœur : si elle s’éteint, le corps s’en ira en cendres, et l’esprit se dissipera comme une brise légère. » (Sg 2, 2-3)

Ne peut-on pas prendre le risque d’aller plus loin que cette lecture sans espérance? Pourquoi ne pas reconnaître que si la vie nous est donnée, elle l’est « pour le temps et l’éternité »? Avouons que nous ne connaissons pas encore toute la richesse du don reçu. Pourquoi ce don devrait-il disparaître? N’est-il pas plus juste de reconnaître, comme nous le faisons dans la foi, que nous n’avons pas pris encore toute la mesure du don reçu?

III- Un don « pour le temps et l’éternité »

Bien sûr l’expérience commune ne peut être mise de côté et rejetée du revers de la main : notre vie change et par la mort elle échappe à nos certitudes et à nos sensations. Le croyant n’évite ni ne fuit l’angoisse du « devoir mourir ».

La foi, cependant, nous dit que la vie après la mort existe. « Vita mutatur, non tollitur.» La vie est changée, elle n’est pas détruite. Le don de la vie est un don « pour le temps et l’éternité ». Après le passage de la mort physique, il continue de se déployer encore, de se livrer, dans une beauté que nous ne pouvons imaginer et dans une plénitude inouïe. C’est l’ « amour total » dont parle le Père Cantalamessa.

Saint Paul n’écrivait-il pas aux Corinthiens : « L’amour ne passera pas » (I Co 13,8), car, voyez-vous, la transformation est déjà commencée. Comme l’expérimente saint Jean de la Croix (1543-1591), le grand docteur mystique espagnol, nous sommes sur le chemin d’une « union transformante », une « union d’amour » (cf. La Montée du Carmel, livre 2, chapitre 4) avec Celui que l’œil ne peut voir et que les mains ne peuvent toucher, une union vécue ici-bas dans le mystère de la nuit bien souvent, derrière le voile qui atténue sa souveraine splendeur, dans la foi en Celui qui est passé par la mort et que le Père a relevé le rendant puissant pour nous sauver et le faisant le Premier-Né d’une multitude.

Ces nuits terribles comme celles que nous découvrons dans les écrits intimes de Mère Teresa de Calcutta (Viens soit ma lumière. Les écrits intimes de la "Sainte de Calcutta", textes édités et commentés par Brian Kolodiejchuk MC - traduit de l'anglais par Cécile Deniard et Delphine Rivet, Éditions Lethielleux, Paris, 2008, 444 pages) sont le signe d’une transformation « totale » que nous attentons dans la foi et l’espérance, attente qui faisait répéter aux premiers chrétiens le célèbre « Maranatha » (Viens, Seigneur, viens).

Ce qui s’ouvre à nos frères et sœurs défunts au moment du passage par la mort c’est l’ « union transformante » totale. Une plénitude de vie. Une relation d’amour qui les fait dire comme le ferait un nouveau-né : « voilà que j’arrive à la pleine lumière », « c’est donc cela que je vivais déjà sans pouvoir en mesurer toute la beauté ».

Il arrivera que certains devront encore progresser dans leur marche vers cette union à nulle autre pareille. Ils sont rendus, mais encore éloignés de quelque façon. Ce sont nos frères et sœurs de l’Église « souffrante », « ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, mais imparfaitement purifiés » comme le dit Catéchisme de l’Église catholique (numéro 1030). Nous offrons pour eux et pour elles la sainte Eucharistie et nous les portons dans notre prière.

Conclusion

L’ « amour total », l’ « union transformante » : voilà, mes frères, ce que le croyant expérimente lorsqu’il attend son maître; voilà ce que le croyant confesse quand il dit : « Je crois à la résurrection des morts et à la vie du monde à venir »; voilà ce que le croyant incarne dans les gestes envers le pauvre, l’affamé, le prisonnier, le malade comme le dit l’évangile de Mathieu au chapitre 25. Le croyant que nous sommes, comme disciple de Jésus, entrevoit un monde autre, transformé. Il espère le retour du Maître et il l’attend.

Le Maître lui aussi l’attend. Il a revêtu la tenue de service, il lave les pieds de ses serviteurs. Il est là à la porte. « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai, je prendrai le repas avec lui et lui avec moi. » (Apocalypse 3, 20).

Chers frères, c’est déjà ce que nous pouvons vivre dans cette Eucharistie. À travers le signe du Pain et du Vin partagés, laissons nos cœurs s’approcher de celui qui a dit : « Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie, qu’on l’ait en plénitude. » (Jn 10,10).

Amen !

Mgr Hermann Giguère P.H.
Supérieur général du Séminaire de Québec
le 3 novembre 2008


Lundi 3 Novembre 2008
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