Peinture de Rubens
Dans son message du Carême 2007, le pape Benoît XVI nous invite à porter notre regard «sur Celui qu’ils ont transpercé » (Jn 19, 37). Vivre le chemin du carême avec un tel regard, pourquoi, me suis-je demandé? À la lecture de son texte le thème m’a fasciné au point où je me permets de nous lancer cette invitation en ce Mercredi des cendres Elle surprend, mais elle m’apparaît tout à fait indiquée. Pourquoi?
I- Pas de glorification sans anéantissement (kénose)
Il me semble que cette invitation a le mérite de nous faire entrer de plein fouet dans le cœur du mystère du Salut, de l’amour fou de Dieu qui n’a pas hésité à donner son Fils, son Fils qui s’est anéanti jusqu’à prendre la forme d’esclave, son Fils qui est devenu le Serviteur défiguré par le poids de nos péchés, son Fils qui a obtenu du Père le salut pour nous tous.
Tous ceux qui Lui remettent leurs péchés et qui acceptent de se laisser aimer comme Lui d’un amour inconditionnel deviennent fils de Dieu en Lui qui réunit ce qui avait été séparé, qui refait ce qui avait été brisé et qui glorifie ce qui paraissait anéanti. « Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu » (2e lecture - 2 Co, 5, 22).
Avec cet horizon notre carême ne peut être autre chose qu’un chemin de transformation personnelle et communautaire. Et au soir de la Vigile pascale éclatera la joie d’être avec le Christ passé de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. Et avec saint Paul nous pourrons chanter l’hymne célèbre de la lettre aux Philippiens « C’est pourquoi, Dieu l’a exalté et lui a donné le Nom au-dessus de tout nom et il l’a fait Seigneur ».
Les textes de la liturgie du Carême de cette année peuvent nous aider admirablement dans ce chemin. En effet, la liturgie de l’année C tout au long des semaines du Carême nous présente la figure de Serviteur « Celui qu’ils ont transpercé » sous ses différentes facettes. Ce Serviteur c’est Jésus dans sa vie de prophète et de messager de Dieu. C’est Jésus qui affronte les ténèbres dans un combat dont les récits de miracles révèlent la profondeur. C’est Jésus qui par la main de Dieu est vainqueur et victorieux. Tout autant de facettes que la liturgie nous invitera à méditer cette année.
II - Le sens des exhortations des textes liturgiques du Mercredi des cendres
Pourquoi, me direz-vous, centrer autant notre attention sur Jésus lui-même en ce Mercredi des cendres alors que les textes d’aujourd’hui sont pleins d’exhortations à la prière, à la pénitence et au partage? La réponse est obvie.
Les exhortations à l’effort renouvelé, à une ardeur plus grande dans la vie chrétienne n’auront nulle prise et nul effet si nous ne prenons pas le temps d’aller vers la source où puiser sans se lasser et sans se tromper. Cette source est Jésus lui-même regardé, contemplé et aimé. La liturgie du temps du Carême viendra soutenir ainsi nos efforts si nous prenons la peine de méditer et intérioriser les textes de la Parole de Dieu qui nous accompagneront tout au long de cette sainte Quarantaine.
Le chemin du Carême nous invite à vivre une liberté plus grande vis à vis les biens qui peuvent nous enfermer dans leurs limites. C’est à cet « effort de libération résultant immédiatement de la foi, libération de ce monde pour le monde qui vient » (Bouyer) que nous convie la liturgie du Mercredi des cendres dans le « souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière » si souvent décrié, mais si réaliste et si riche de profondeur humaine.
Cette formule laissée à elle seule serait une condamnation insoutenable si elle ne s’accompagnait de la certitude que l’être spirituel surgit là où l’insensé ne voit que finitude et néant, un être spirituel restauré dans la plénitude de la vie de Dieu par Celui qui le premier y est arrivé, Jésus, Seigneur vivant pour Dieu.
Adam, comme le dit saint Paul aux Corinthiens, pétri de terre appartient à la terre et comme lui l’humanité appartient à la terre. Mais le Christ venu du ciel vit pour Dieu. « Et de même que nous sommes à l’image de celui qui est pétri de terre, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel » (1 Co, 15,49).
Le Christ Jésus réconcilie en lui la terre et le ciel. Fils de Dieu incarné, il assume totalement la terre et en dépasse les limites en ouvrant les portes à l’être spirituel que nous sommes. Pleinement humain, il est devenu par sa résurrection la Premier-né d’un multitude de frères et de sœurs.
Ainsi nos efforts de carême si minimes soient-ils nous ouvrent un chemin où nous cheminons avec Celui en qui nous croyons, Celui « qu’ils ont transpercé ».
« Pendant le chemin du Carême, écrit le pape Benoît XVI, mémoire de notre Baptême, nous sommes exhortés à sortir de nous-mêmes pour nous ouvrir, dans un abandon confiant, à l’étreinte miséricordieuse du Père (cf. Saint Jean Chrysostome, Catéchèses, 3,14) »…
« Contempler ‘celui qu’ils ont transpercé’, continue-t-il nous poussera de manière telle à ouvrir notre cœur aux autres en reconnaissant les blessures infligées à la dignité de l’être humain : cela nous poussera, en particulier, à combattre chaque forme de mépris de la vie, d’exploitation des personnes, et à soulager les drames de la solitude et de l’abandon de tant de personnes. Le Carême est pour chaque chrétien une expérience renouvelée de l’amour de Dieu qui se donne à nous dans le Christ, amour que chaque jour nous devons à notre tour ‘ redonner ’ au prochain, surtout à ceux qui souffrent le plus et sont dans le besoin. De cette façon seulement nous pourrons participer pleinement à joie de Pâques. »
Conclusion
Ces réflexions inspirées en partie, comme je le disais au début, des paroles du pape Benoît XVI dans son message du Carême vont se prolonger maintenant dans le geste de l’imposition des cendres. Que ce geste sobre et beau vienne mettre notre cœur en attente et le dispose à accueillir dans cette Eucharistie « Celui qu’ils ont transpercé », qui est toujours le même hier, aujourd’hui et demain.
Amen!
Hermann Giguère, prêtre
Le 21 février 2007.
Il me semble que cette invitation a le mérite de nous faire entrer de plein fouet dans le cœur du mystère du Salut, de l’amour fou de Dieu qui n’a pas hésité à donner son Fils, son Fils qui s’est anéanti jusqu’à prendre la forme d’esclave, son Fils qui est devenu le Serviteur défiguré par le poids de nos péchés, son Fils qui a obtenu du Père le salut pour nous tous.
Tous ceux qui Lui remettent leurs péchés et qui acceptent de se laisser aimer comme Lui d’un amour inconditionnel deviennent fils de Dieu en Lui qui réunit ce qui avait été séparé, qui refait ce qui avait été brisé et qui glorifie ce qui paraissait anéanti. « Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu » (2e lecture - 2 Co, 5, 22).
Avec cet horizon notre carême ne peut être autre chose qu’un chemin de transformation personnelle et communautaire. Et au soir de la Vigile pascale éclatera la joie d’être avec le Christ passé de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. Et avec saint Paul nous pourrons chanter l’hymne célèbre de la lettre aux Philippiens « C’est pourquoi, Dieu l’a exalté et lui a donné le Nom au-dessus de tout nom et il l’a fait Seigneur ».
Les textes de la liturgie du Carême de cette année peuvent nous aider admirablement dans ce chemin. En effet, la liturgie de l’année C tout au long des semaines du Carême nous présente la figure de Serviteur « Celui qu’ils ont transpercé » sous ses différentes facettes. Ce Serviteur c’est Jésus dans sa vie de prophète et de messager de Dieu. C’est Jésus qui affronte les ténèbres dans un combat dont les récits de miracles révèlent la profondeur. C’est Jésus qui par la main de Dieu est vainqueur et victorieux. Tout autant de facettes que la liturgie nous invitera à méditer cette année.
II - Le sens des exhortations des textes liturgiques du Mercredi des cendres
Pourquoi, me direz-vous, centrer autant notre attention sur Jésus lui-même en ce Mercredi des cendres alors que les textes d’aujourd’hui sont pleins d’exhortations à la prière, à la pénitence et au partage? La réponse est obvie.
Les exhortations à l’effort renouvelé, à une ardeur plus grande dans la vie chrétienne n’auront nulle prise et nul effet si nous ne prenons pas le temps d’aller vers la source où puiser sans se lasser et sans se tromper. Cette source est Jésus lui-même regardé, contemplé et aimé. La liturgie du temps du Carême viendra soutenir ainsi nos efforts si nous prenons la peine de méditer et intérioriser les textes de la Parole de Dieu qui nous accompagneront tout au long de cette sainte Quarantaine.
Le chemin du Carême nous invite à vivre une liberté plus grande vis à vis les biens qui peuvent nous enfermer dans leurs limites. C’est à cet « effort de libération résultant immédiatement de la foi, libération de ce monde pour le monde qui vient » (Bouyer) que nous convie la liturgie du Mercredi des cendres dans le « souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière » si souvent décrié, mais si réaliste et si riche de profondeur humaine.
Cette formule laissée à elle seule serait une condamnation insoutenable si elle ne s’accompagnait de la certitude que l’être spirituel surgit là où l’insensé ne voit que finitude et néant, un être spirituel restauré dans la plénitude de la vie de Dieu par Celui qui le premier y est arrivé, Jésus, Seigneur vivant pour Dieu.
Adam, comme le dit saint Paul aux Corinthiens, pétri de terre appartient à la terre et comme lui l’humanité appartient à la terre. Mais le Christ venu du ciel vit pour Dieu. « Et de même que nous sommes à l’image de celui qui est pétri de terre, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel » (1 Co, 15,49).
Le Christ Jésus réconcilie en lui la terre et le ciel. Fils de Dieu incarné, il assume totalement la terre et en dépasse les limites en ouvrant les portes à l’être spirituel que nous sommes. Pleinement humain, il est devenu par sa résurrection la Premier-né d’un multitude de frères et de sœurs.
Ainsi nos efforts de carême si minimes soient-ils nous ouvrent un chemin où nous cheminons avec Celui en qui nous croyons, Celui « qu’ils ont transpercé ».
« Pendant le chemin du Carême, écrit le pape Benoît XVI, mémoire de notre Baptême, nous sommes exhortés à sortir de nous-mêmes pour nous ouvrir, dans un abandon confiant, à l’étreinte miséricordieuse du Père (cf. Saint Jean Chrysostome, Catéchèses, 3,14) »…
« Contempler ‘celui qu’ils ont transpercé’, continue-t-il nous poussera de manière telle à ouvrir notre cœur aux autres en reconnaissant les blessures infligées à la dignité de l’être humain : cela nous poussera, en particulier, à combattre chaque forme de mépris de la vie, d’exploitation des personnes, et à soulager les drames de la solitude et de l’abandon de tant de personnes. Le Carême est pour chaque chrétien une expérience renouvelée de l’amour de Dieu qui se donne à nous dans le Christ, amour que chaque jour nous devons à notre tour ‘ redonner ’ au prochain, surtout à ceux qui souffrent le plus et sont dans le besoin. De cette façon seulement nous pourrons participer pleinement à joie de Pâques. »
Conclusion
Ces réflexions inspirées en partie, comme je le disais au début, des paroles du pape Benoît XVI dans son message du Carême vont se prolonger maintenant dans le geste de l’imposition des cendres. Que ce geste sobre et beau vienne mettre notre cœur en attente et le dispose à accueillir dans cette Eucharistie « Celui qu’ils ont transpercé », qui est toujours le même hier, aujourd’hui et demain.
Amen!
Hermann Giguère, prêtre
Le 21 février 2007.