Retable de l'Agneau mystique achevé par Jan Van Eyck en 1432, Gand, cathédrale Saint-Bavon
La mémoire de la Cène du Seigneur ne peut se dissocier de celle de sa Passion. Ces deux événements sont réunis par un lien indissociable. Sans la Passion la Cène reste un repas festif, une louange et une bénédiction pour les actions de Dieu, un « berakha ». Et sans la Cène la mort de Jésus au terme de sa Passion est un geste d’amour incroyable mais sans lendemain. Sans la Cène pas de mémorial, sans la Passion une Cène vide.
Essayons ce soir d’entrer plus à fond dans cette dynamique essentielle du salut révélé en Jésus et laissons-nous porter par les textes que la liturgie du Jeudi Saint propose et qui nous l'exprime bien.
I – Dieu sauve
C’est le texte de l’Exode qu’il faut garder comme portail pour entrer dans notre réflexion sur le salut qui nous est offert par le Père des miséricordes. Ce salut a une histoire à laquelle le livre de l’Exode nous sensibilise en décrivant le geste fondateur de la mémoire de son peuple : celui du passage de la Mer Rouge. Cette intervention est celle d’un Dieu proche qui protège, éduque, nourrit son peuple, d’un Dieu qui l’arrache à l’ennemi et le libère.
Tel est le sens du passage de l’Ange de Dieu qui évite les portes marquées du sceau de l’agneau. Cet agneau associé ensuite au passage de la Mer Rouge et à la délivrance d’Israël deviendra pour les chrétiens le symbole du nouvel Agneau qu’est le Christ qui permet par son obéissance le salut de tous. Son sacrifice n’est pas une fin de vie, il est un don suréminent à la hauteur des attentes de son Père.
Ainsi, Jésus a-t-il voulu laisser non seulement la coupe partagée et le pain rompu comme symboles de ce sacrifice, mais aussi le geste du lavement des pieds retenu par l’évangéliste Jean que nous lisons dans l’évangile de ce jour.
Ces gestes sont porteurs d’un symbolisme et d’une grâce à nuls autres pareils. Ils nous révèlent chacun à leur façon comment Dieu nous aime d’un amour qui lui fait offrir son Fils pour notre salut. On lit dans l’évangile de saint Jean que le Grand prêtre Caïphe disait à ses compatriotes : « Il vaut mieux qu’un seul meurt pour le salut de tous » (Jean 11, 50). Hé bien! C’est ce qui arrivera, le nouvel Agneau sera porté sur la croix qui deviendra l’autel de son sacrifice et c’est là que notre salut s’accomplira une fois pour toutes.
II– Jésus sauve
Saint Paul dans la deuxième lecture nous met devant nos yeux cette réalité du salut de façon réelle mais aussi symbolique et sacramentelle lorsqu’il reprend pour le Corinthiens le récit de la Cène du Jeudi Saint. En effet, il dégage le sacrifice de Jésus sur la Croix d’une mémoire rétrécie qui ne consisterait qu’à le photographier dans nos souvenirs. Il en montre plutôt toute l’ampleur en proclamant sa vivante actualité toujours créatrice à travers les paroles de Jésus lui-même qui a voulu ainsi que son sacrifice sur la croix deviennent une offrande spirituelle pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Cette offrande spirituelle est mystérieuse et c’est le but de la Cène du Jeudi Saint de nous en révéler la grandeur. En effet, les murs du temps et de l’espace tombent au moment où Jésus dit « Ceci est mon corps » et « Ceci est mon sang ». Le mémorial de son amour rédempteur devient une réalité pérenne, toujours présente jusqu’à la fin des temps et jusque dans la gloire du ciel où le Christ est devant le Père toujours vivant « l’interpellant pour nous » (Hébreux 7, 25) et lui présentant ses plaies de Ressuscité.
Voilà ce que saint Paul nous rappelle. Jésus sauve et il continue de la faire aujourd’hui comme hier « jusqu’à ce qu’il vienne ».
III – Sauvés en union avec Jésus
Comment recevoir cette bonne nouvelle, si ce n’est en nous unissant à Jésus lui-même dans son acte d’amour suprême pour toute l’humanité qu’il a portée sur la croix? Cet acte lui a valu une exaltation qui est couronnée le matin de Pâques dans la résurrection.
Ce soir nous recevons le moyen principal pour entrer dans l’union avec Jésus : le sacrement de l'Eucharistie. Notre vie comme la sienne est un sacrifice spirituel offert à Dieu de qui l’avons reçue. Elle se déroule toute entière en une histoire du salut à l’image de celle du peuple d’Israël faite de passages, de nuits, de lumières, de peines, de joies, d’action de grâces, de demandes de pardon. Notre sacrifice spirituel ne nous appartient pas, il est lié à celui de nos frères et sœurs de la communauté qui fait Église et, par-dessus tout, au sacrifice du Christ le seul qui a pu plaire à Dieu totalement.
C’est pourquoi, nous reprenons souvent la célébration de l'Eucharistie, de la Cène du Seigneur dans la célébration eucharistique. Celle-ci est le moyen par excellence d’union au Christ et le sommet de toute vie chrétienne comme le dit le Concile Vatican II dans le Décret sur le ministère et la vie des prêtres : « …c’est par le ministère des prêtres que se consomme le sacrifice spirituel des chrétiens, en union avec le sacrifice du Christ, unique médiateur, offert au nom de toute l’Église dans l’Eucharistie par les mains des prêtres, de manière sacramentelle et non sanglante, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même. C’est là qu’aboutit leur ministère, c’est là qu’il trouve son accomplissement : commençant par l’annonce de l’Évangile, il tire sa force et sa puissance du Sacrifice du Christ et il aboutit à ce que ‘la Cité rachetée tout entière, c’est-à-dire la société et l’assemblée des saints, soit offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le Grand Prêtre qui est allé jusqu’à s’offrir pour nous dans sa Passion, pour faire de nous le Corps d’une si grande Tête' » (numéro 2).
Conclusion
En ce Jeudi Saint, la mémoire de la Cène du Seigneur nous a plongés dans le mouvement et la réalité du salut reçu de Dieu et Jésus. Chaque fois que nous le faisons nous annonçons le Christ « jusqu’à ce qu’il vienne ». Qu’il nous garde dans l’attente joyeuse et dans le service généreux comme il nous le montre ce soir dans le lavement des pieds de ses disciples et de chacune et chacun de nous qu’il désire entraîner avec lui dans une offrande totale au Père.
Amen!
Mgr Hermann Giguère, P.H.
Séminaire de Québec
2 avril 2015.
Essayons ce soir d’entrer plus à fond dans cette dynamique essentielle du salut révélé en Jésus et laissons-nous porter par les textes que la liturgie du Jeudi Saint propose et qui nous l'exprime bien.
I – Dieu sauve
C’est le texte de l’Exode qu’il faut garder comme portail pour entrer dans notre réflexion sur le salut qui nous est offert par le Père des miséricordes. Ce salut a une histoire à laquelle le livre de l’Exode nous sensibilise en décrivant le geste fondateur de la mémoire de son peuple : celui du passage de la Mer Rouge. Cette intervention est celle d’un Dieu proche qui protège, éduque, nourrit son peuple, d’un Dieu qui l’arrache à l’ennemi et le libère.
Tel est le sens du passage de l’Ange de Dieu qui évite les portes marquées du sceau de l’agneau. Cet agneau associé ensuite au passage de la Mer Rouge et à la délivrance d’Israël deviendra pour les chrétiens le symbole du nouvel Agneau qu’est le Christ qui permet par son obéissance le salut de tous. Son sacrifice n’est pas une fin de vie, il est un don suréminent à la hauteur des attentes de son Père.
Ainsi, Jésus a-t-il voulu laisser non seulement la coupe partagée et le pain rompu comme symboles de ce sacrifice, mais aussi le geste du lavement des pieds retenu par l’évangéliste Jean que nous lisons dans l’évangile de ce jour.
Ces gestes sont porteurs d’un symbolisme et d’une grâce à nuls autres pareils. Ils nous révèlent chacun à leur façon comment Dieu nous aime d’un amour qui lui fait offrir son Fils pour notre salut. On lit dans l’évangile de saint Jean que le Grand prêtre Caïphe disait à ses compatriotes : « Il vaut mieux qu’un seul meurt pour le salut de tous » (Jean 11, 50). Hé bien! C’est ce qui arrivera, le nouvel Agneau sera porté sur la croix qui deviendra l’autel de son sacrifice et c’est là que notre salut s’accomplira une fois pour toutes.
II– Jésus sauve
Saint Paul dans la deuxième lecture nous met devant nos yeux cette réalité du salut de façon réelle mais aussi symbolique et sacramentelle lorsqu’il reprend pour le Corinthiens le récit de la Cène du Jeudi Saint. En effet, il dégage le sacrifice de Jésus sur la Croix d’une mémoire rétrécie qui ne consisterait qu’à le photographier dans nos souvenirs. Il en montre plutôt toute l’ampleur en proclamant sa vivante actualité toujours créatrice à travers les paroles de Jésus lui-même qui a voulu ainsi que son sacrifice sur la croix deviennent une offrande spirituelle pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Cette offrande spirituelle est mystérieuse et c’est le but de la Cène du Jeudi Saint de nous en révéler la grandeur. En effet, les murs du temps et de l’espace tombent au moment où Jésus dit « Ceci est mon corps » et « Ceci est mon sang ». Le mémorial de son amour rédempteur devient une réalité pérenne, toujours présente jusqu’à la fin des temps et jusque dans la gloire du ciel où le Christ est devant le Père toujours vivant « l’interpellant pour nous » (Hébreux 7, 25) et lui présentant ses plaies de Ressuscité.
Voilà ce que saint Paul nous rappelle. Jésus sauve et il continue de la faire aujourd’hui comme hier « jusqu’à ce qu’il vienne ».
III – Sauvés en union avec Jésus
Comment recevoir cette bonne nouvelle, si ce n’est en nous unissant à Jésus lui-même dans son acte d’amour suprême pour toute l’humanité qu’il a portée sur la croix? Cet acte lui a valu une exaltation qui est couronnée le matin de Pâques dans la résurrection.
Ce soir nous recevons le moyen principal pour entrer dans l’union avec Jésus : le sacrement de l'Eucharistie. Notre vie comme la sienne est un sacrifice spirituel offert à Dieu de qui l’avons reçue. Elle se déroule toute entière en une histoire du salut à l’image de celle du peuple d’Israël faite de passages, de nuits, de lumières, de peines, de joies, d’action de grâces, de demandes de pardon. Notre sacrifice spirituel ne nous appartient pas, il est lié à celui de nos frères et sœurs de la communauté qui fait Église et, par-dessus tout, au sacrifice du Christ le seul qui a pu plaire à Dieu totalement.
C’est pourquoi, nous reprenons souvent la célébration de l'Eucharistie, de la Cène du Seigneur dans la célébration eucharistique. Celle-ci est le moyen par excellence d’union au Christ et le sommet de toute vie chrétienne comme le dit le Concile Vatican II dans le Décret sur le ministère et la vie des prêtres : « …c’est par le ministère des prêtres que se consomme le sacrifice spirituel des chrétiens, en union avec le sacrifice du Christ, unique médiateur, offert au nom de toute l’Église dans l’Eucharistie par les mains des prêtres, de manière sacramentelle et non sanglante, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même. C’est là qu’aboutit leur ministère, c’est là qu’il trouve son accomplissement : commençant par l’annonce de l’Évangile, il tire sa force et sa puissance du Sacrifice du Christ et il aboutit à ce que ‘la Cité rachetée tout entière, c’est-à-dire la société et l’assemblée des saints, soit offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le Grand Prêtre qui est allé jusqu’à s’offrir pour nous dans sa Passion, pour faire de nous le Corps d’une si grande Tête' » (numéro 2).
Conclusion
En ce Jeudi Saint, la mémoire de la Cène du Seigneur nous a plongés dans le mouvement et la réalité du salut reçu de Dieu et Jésus. Chaque fois que nous le faisons nous annonçons le Christ « jusqu’à ce qu’il vienne ». Qu’il nous garde dans l’attente joyeuse et dans le service généreux comme il nous le montre ce soir dans le lavement des pieds de ses disciples et de chacune et chacun de nous qu’il désire entraîner avec lui dans une offrande totale au Père.
Amen!
Mgr Hermann Giguère, P.H.
Séminaire de Québec
2 avril 2015.