Le pape François, alors archevêque de Buenos Aires, lors du lavement des pieds le Jeudi Saint
Faites cela en mémoire de moi. … Je vous ai lavé les pieds, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns les autres. Deux appels du Seigneur que la Parole de Dieu nous faire entendre en cette fête du Jeudi Saint !
Nous sommes entrés dans cette semaine sainte en écoutant ou en lisant le récit de la passion de Jésus, récit toujours dérangeant. Une question peut alors être venue à notre esprit : Pourquoi Jésus est-il passé par ce chemin de souffrance et de mort ? Pourquoi a-t-il fallu qu’il connaisse la torture et l’humiliation de la croix ?
La réponse à cette question nous est donnée par les évangiles, à travers ce qu’ils nous rapportent de ce qui s’est passé à Jérusalem en ces jours de la pâque de l’an 30. Pour que ses disciples, ceux et celles qui l’avaient accompagné sur la route de la Palestine, et aussi ceux et celles qui viendraient par la suite, comprennent bien qu’il entrait dans la passion sans y être contraint, en toute liberté, Jésus annonce, anticipe dans un geste symbolique ce qui va lui arriver.
C’est dans la liberté que Jésus accepte que sa vie se termine ainsi. Il aurait pu éviter ce qui s’annonçait à lui, ce qu’il était en mesure de prévoir. Les évangiles nous racontent que les apôtres, qui eux aussi voyaient ce qui s’en venait et en étaient effrayés, ont essayé de l’en détourner. Ils nous disent aussi que Jésus dans sa prière a demandé à son Père, si cela était possible, que cette épreuve lui soit épargnée, et cette épreuve n’était pas sans l’angoisser jusqu’à produire une sueur de sang.
Jésus a voulu être fidèle à la mission reçue de Dieu, quoi qu’il puisse lui arriver. C’était là une exigence de sa décision de se faire solidaire des justes, ces hommes et ces femmes qui, dans un monde de l’injustice, rencontrent inévitablement l’opposition et la persécution. Tout au long de l’année, la liturgie nous parle de ces hommes, ces femmes qui à la suite de Jésus et à son exemple donneront librement leur vie par fidélité, et beaucoup iront jusqu’au martyre.
Si Jésus voulait être et rester du côté des victimes, il devait accepter ce qui s’annonçait, la condamnation et la mort. Il accomplirait ainsi la volonté de Dieu son Père. Ce n’est pas que le Père voulait sa mort, il n’est pas possible que Dieu ait voulu, souhaité pour son Fils bien-aimé une telle souffrance.
Ce que Dieu voulait, c’est que Jésus soit cet homme capable de persister, de durer dans la justice, dans la charité, dans la solidarité avec les humbles, les pauvres, les victimes d’un monde où règne trop souvent l’injustice, qu’il ouvre une route sur laquelle s’engageront tous ceux, toutes celles qui voudront changer le monde.
Jésus a été capable de s’engager en toute liberté sur cette voie de la souffrance parce que son cœur d’homme était habité par un amour sans limite : son amour pour Dieu son Père, son amour de la vérité et de la justice, sans compromis, son amour pour ses frères et ses sœurs, les hommes et les femmes de partout et de toujours, son amour pour nous ici rassemblés cet après-midi.
Pour que ses disciples comprennent bien que c’est librement qu’il donne sa vie, Jésus leur annonce ce qui va lui arriver, anticipe ce qu’il va vivre. Au cours du repas pascal qu’il prenait avec eux, Jésus fait sur le pain et le vin des gestes qu’il accompagne de paroles. Par ces gestes et ces paroles, il dit que son corps sera rompu et donné au monde, que son sang sera versé et donné pour tous.
Ce signe qui annonce sa mort imminente devient sacrement, l’Eucharistie, que ses disciples ne cesseront pas de célébrer en mémoire de lui pour qu’ils soient se reconnaissent eux aussi compromis dans ce geste du don qu’il fait de sa vie. En terminant, Jésus dit : Faites ceci en mémoire de moi ! En reprenant ces gestes et ces paroles, les chrétiens et chrétiennes sauront reconnaître la présence avec eux de leur Maître et Sauveur.
Dans cette liturgie du Jeudi Saint, un autre geste de Jésus est rappelé, le lavement des pieds de ses disciples. Pourquoi cette autre action de Jésus, cet autre signe ? On peut penser que ce choix que saint Jean a fait de raconter le lavement des pieds plutôt que l’institution de l’eucharistie était motivé par ce qui lui apparaissait important de dire aux chrétiens et chrétiennes de son époque, et de toutes les époques, de nous dire à nous aussi.
La célébration de l’Eucharistie ne peut pas être sans lien avec l’amour et le service du prochain. La célébration eucharistique et le service concret, quotidien de son frère, de sa sœur sont unis comme deux aspects nécessaires de la participation au mystère pascal du Christ. L’Eucharistie et le lavement des pieds, deux actions différentes, mais qui disent la même réalité : Jésus offre sa vie librement et par amour. Comme pour le geste eucharistique, Vous ferez cela en mémoire de moi, un commandement fait suite au geste du lavement des pieds : Comme je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres.
Si l’Église veut être l’Église du Seigneur, ce doit être là l’essentiel de sa vie, ce que semble vouloir lui rappeler celui qui vient de lui être donné comme pasteur : partager le pain et la parole de vie, être au service du monde. Si notre communauté sacerdotale a pu marquer 350 années de présence, c’est que telle a été sa vie. Cette longue et belle histoire que nous nous plaisons à commémorer et à faire connaître va-t-elle se poursuivre.
J’ai relu le texte de la conférence donnée par Gilles Routhier, prêtre associé à notre communauté, saurons-nous nous laisser interroger par ce qu’il nous dit de François de Laval, un homme de l’Eucharistie et un homme du service, pleinement engagé dans la vie de son peuple, artisan d’une nouvelle évangélisation pour un nouveau pays ?
Chanoine Marc Bouchard
Membre agrégé de la communauté des prêtres du
Séminaire de Québec
le 28 mars 2013
_________________________________________________________
Mot d'accueil
La tradition veut que cette messe du Jeudi Saint soit vue comme le rappel de l’institution de l’Eucharistie et du Sacerdoce : c’est ce que nous célébrons, comme communauté de prêtres, dans la joie et l’action de grâce. Mais cette célébration ne serait-elle pas d’abord ce qu’indique bien le titre que la liturgie lui donne : Messe en mémoire de la Cène du Seigneur. Nous rappelons ce dernier repas que Jésus a pris avec les siens. Repas pascal, tout orienté vers la passion et la résurrection. Repas que les communautés chrétiennes n’ont pas cessé de revivre, comme va nous le rappeler la deuxième lecture, repas qui est appel à servir comme va nous y inviter le récit évangélique du lavement des pieds.
Nous sommes entrés dans cette semaine sainte en écoutant ou en lisant le récit de la passion de Jésus, récit toujours dérangeant. Une question peut alors être venue à notre esprit : Pourquoi Jésus est-il passé par ce chemin de souffrance et de mort ? Pourquoi a-t-il fallu qu’il connaisse la torture et l’humiliation de la croix ?
La réponse à cette question nous est donnée par les évangiles, à travers ce qu’ils nous rapportent de ce qui s’est passé à Jérusalem en ces jours de la pâque de l’an 30. Pour que ses disciples, ceux et celles qui l’avaient accompagné sur la route de la Palestine, et aussi ceux et celles qui viendraient par la suite, comprennent bien qu’il entrait dans la passion sans y être contraint, en toute liberté, Jésus annonce, anticipe dans un geste symbolique ce qui va lui arriver.
C’est dans la liberté que Jésus accepte que sa vie se termine ainsi. Il aurait pu éviter ce qui s’annonçait à lui, ce qu’il était en mesure de prévoir. Les évangiles nous racontent que les apôtres, qui eux aussi voyaient ce qui s’en venait et en étaient effrayés, ont essayé de l’en détourner. Ils nous disent aussi que Jésus dans sa prière a demandé à son Père, si cela était possible, que cette épreuve lui soit épargnée, et cette épreuve n’était pas sans l’angoisser jusqu’à produire une sueur de sang.
Jésus a voulu être fidèle à la mission reçue de Dieu, quoi qu’il puisse lui arriver. C’était là une exigence de sa décision de se faire solidaire des justes, ces hommes et ces femmes qui, dans un monde de l’injustice, rencontrent inévitablement l’opposition et la persécution. Tout au long de l’année, la liturgie nous parle de ces hommes, ces femmes qui à la suite de Jésus et à son exemple donneront librement leur vie par fidélité, et beaucoup iront jusqu’au martyre.
Si Jésus voulait être et rester du côté des victimes, il devait accepter ce qui s’annonçait, la condamnation et la mort. Il accomplirait ainsi la volonté de Dieu son Père. Ce n’est pas que le Père voulait sa mort, il n’est pas possible que Dieu ait voulu, souhaité pour son Fils bien-aimé une telle souffrance.
Ce que Dieu voulait, c’est que Jésus soit cet homme capable de persister, de durer dans la justice, dans la charité, dans la solidarité avec les humbles, les pauvres, les victimes d’un monde où règne trop souvent l’injustice, qu’il ouvre une route sur laquelle s’engageront tous ceux, toutes celles qui voudront changer le monde.
Jésus a été capable de s’engager en toute liberté sur cette voie de la souffrance parce que son cœur d’homme était habité par un amour sans limite : son amour pour Dieu son Père, son amour de la vérité et de la justice, sans compromis, son amour pour ses frères et ses sœurs, les hommes et les femmes de partout et de toujours, son amour pour nous ici rassemblés cet après-midi.
Pour que ses disciples comprennent bien que c’est librement qu’il donne sa vie, Jésus leur annonce ce qui va lui arriver, anticipe ce qu’il va vivre. Au cours du repas pascal qu’il prenait avec eux, Jésus fait sur le pain et le vin des gestes qu’il accompagne de paroles. Par ces gestes et ces paroles, il dit que son corps sera rompu et donné au monde, que son sang sera versé et donné pour tous.
Ce signe qui annonce sa mort imminente devient sacrement, l’Eucharistie, que ses disciples ne cesseront pas de célébrer en mémoire de lui pour qu’ils soient se reconnaissent eux aussi compromis dans ce geste du don qu’il fait de sa vie. En terminant, Jésus dit : Faites ceci en mémoire de moi ! En reprenant ces gestes et ces paroles, les chrétiens et chrétiennes sauront reconnaître la présence avec eux de leur Maître et Sauveur.
Dans cette liturgie du Jeudi Saint, un autre geste de Jésus est rappelé, le lavement des pieds de ses disciples. Pourquoi cette autre action de Jésus, cet autre signe ? On peut penser que ce choix que saint Jean a fait de raconter le lavement des pieds plutôt que l’institution de l’eucharistie était motivé par ce qui lui apparaissait important de dire aux chrétiens et chrétiennes de son époque, et de toutes les époques, de nous dire à nous aussi.
La célébration de l’Eucharistie ne peut pas être sans lien avec l’amour et le service du prochain. La célébration eucharistique et le service concret, quotidien de son frère, de sa sœur sont unis comme deux aspects nécessaires de la participation au mystère pascal du Christ. L’Eucharistie et le lavement des pieds, deux actions différentes, mais qui disent la même réalité : Jésus offre sa vie librement et par amour. Comme pour le geste eucharistique, Vous ferez cela en mémoire de moi, un commandement fait suite au geste du lavement des pieds : Comme je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres.
Si l’Église veut être l’Église du Seigneur, ce doit être là l’essentiel de sa vie, ce que semble vouloir lui rappeler celui qui vient de lui être donné comme pasteur : partager le pain et la parole de vie, être au service du monde. Si notre communauté sacerdotale a pu marquer 350 années de présence, c’est que telle a été sa vie. Cette longue et belle histoire que nous nous plaisons à commémorer et à faire connaître va-t-elle se poursuivre.
J’ai relu le texte de la conférence donnée par Gilles Routhier, prêtre associé à notre communauté, saurons-nous nous laisser interroger par ce qu’il nous dit de François de Laval, un homme de l’Eucharistie et un homme du service, pleinement engagé dans la vie de son peuple, artisan d’une nouvelle évangélisation pour un nouveau pays ?
Chanoine Marc Bouchard
Membre agrégé de la communauté des prêtres du
Séminaire de Québec
le 28 mars 2013
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Mot d'accueil
La tradition veut que cette messe du Jeudi Saint soit vue comme le rappel de l’institution de l’Eucharistie et du Sacerdoce : c’est ce que nous célébrons, comme communauté de prêtres, dans la joie et l’action de grâce. Mais cette célébration ne serait-elle pas d’abord ce qu’indique bien le titre que la liturgie lui donne : Messe en mémoire de la Cène du Seigneur. Nous rappelons ce dernier repas que Jésus a pris avec les siens. Repas pascal, tout orienté vers la passion et la résurrection. Repas que les communautés chrétiennes n’ont pas cessé de revivre, comme va nous le rappeler la deuxième lecture, repas qui est appel à servir comme va nous y inviter le récit évangélique du lavement des pieds.