« Rendez à César ce qui est à César » Mathieu 22, 21 (Crédits photo : Bernadette Lopez, alias Berna dans Évangile et peinture)
La scène racontée dans ce passage de l’évangile selon saint Mathieu se situe à Jérusalem où Jésus est arrivé sous les acclamations des habitants et des pèlerins qui y sont montés pour la fête de la Pâque. Il y a fait une entrée remarquée que nous célébrons le Dimanche des Rameaux. Ses adversaires, pharisiens, scribes et membres du grand conseil appelé le Sanhédrin le poursuivent insidieusement. La scène que nous venons d’entendre fait partie de cette guerre. D’autres épisodes suivront. Arrêtons-nous à celui-ci puisqu’on l’a choisi comme évangile de ce dimanche.
I – Un portrait flatteur de Jésus
La scène commence avec des préliminaires doucereux et flatteurs de la part des pharisiens. J’ai été fasciné par le portrait qu’ils font de Jésus. Malgré leur désir de le voir se laisser monter la tête par leurs éloges, ceux-ci ne sonnent pas faux. Au contraire, ils tracent un portrait de Jésus qui m’apparaît refléter ce que ses contemporains voyaient en lui : un homme vrai qui ne se laisse influencer par personne et qui ne considère pas les gens selon l’apparence.
C’est un beau portrait que j’ai aimé entendre parce qu’il va en profondeur et ne se s’attarde pas seulement à sa renommée et à ses miracles.
Ce portrait hélas! fait partie d’une stratégie que Jésus va dégonfler avec un aplomb et une sagesse remarquables par une réponse qui est devenue si célèbre qu’elle fait partie de ces phrases qui ont traversé les siècles. Après les éloges des pharisiens et leur demande pour savoir s’il est permis de payer ou non l’impôt à César, l’empereur romain, Jésus les dénonce : « Hypocrites! Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?» Il leur demande une pièce de monnaie et regardant l’effigie de l’empereur romain, il dit « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
II – Le piège déjoué
Pour mieux comprendre cette réponse célèbre, permettez-moi d’entrer avec vous dans le contexte particulier de ce piège préparé pour Jésus.
La question est très liée aux mouvements de résistance contre les Romains qui se manifestaient à cette époque. Dans ce cadre on voit bien le piège. Si Jésus répond oui, il se dissocie de ces mouvements et prend le parti des Romains qui occupent la Palestine. S’il répond non, il est classé comme membre ou associé des mouvements qui luttent contre les Romains qu’on appelle alors les Zélotes. L’un de ses apôtres d’ailleurs porte ce surnom : Simon le Zélote. Il vient probablement de ces milieux de la résistance juive à l’occupation romaine.
Jésus est bien conscient du piège et il trouve une façon habile de ne pas se prononcer par un oui ou par un non. Sa réponse se fait dans un contexte bien précis et Jésus refuse de se laisser coincer dans un camp ou l’autre, pour ou contre les Romains. Sa réponse « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est demeurée célèbre.
III – Application
Les générations chrétiennes au fil des ans ont reçu cette réponse de diverses façons.
Aujourd’hui, nous pouvons l’appliquer facilement à notre contexte politique. C’est ce que le pape Jean-Paul II faisait dans une lettre aux évêques de France en 2005 lors du centième anniversaire de la Loi de séparation des Églises et de l’État lorsqu’il leur écrivait que le principe de laïcité, bien compris, « rappelle la nécessité d’une juste séparation des pouvoirs qui fait écho à l’invitation du Christ à ses disciples : “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu” » (Lettre du 11 février 2005).
Il y plus cependant. Un message spirituel se dégage pour nous aujourd’hui, comme pour le juif du temps de Jésus : il ne faut pas laisser les aménagements politiques et sociaux prendre toute la place et tuer celle de Dieu. C’est pourquoi après avoir dit « Rendez à César ce qui est à César », Jésus ajoute « Et à Dieu ce qui est à Dieu ».
« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu » tourne le chrétien vers Celui de qui vient tout don, par qui nous avons la vie, le mouvement et l’être (Actes des Apôtres 17, 28). Cette attitude lui fait mettre en pratique le premier commandement « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » sans laisser de côté le second « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mathieu 22, 36-40).
Conclusion
Des textes de l’évangile comme celui-ci ont donné lieu à nombreuses interprétations et même des abus au cours de l’histoire. C’est l’illustration des limites et des pauvretés de ceux et celles qui croient en Jésus-Christ. Leur foi ne les garantit pas des écarts et des dérives.
Demandons au Seigneur dans cette Eucharistie, que notre foi s’enracine de plus en plus dans le roc solide qu’est la personne de Jésus-Christ auquel nous remettons nos vies. C’est avec lui que nous cheminons sur les routes du monde en cherchant à mieux le connaître et à mieux le suivre.
En ce Dimanche missionnaire mondial confions au Seigneur toutes les nations du monde afin qu’elles croient et parviennent à la connaissance de la vérité.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l'Université Laval
Séminaire de Québec
17 octobre 2017
I – Un portrait flatteur de Jésus
La scène commence avec des préliminaires doucereux et flatteurs de la part des pharisiens. J’ai été fasciné par le portrait qu’ils font de Jésus. Malgré leur désir de le voir se laisser monter la tête par leurs éloges, ceux-ci ne sonnent pas faux. Au contraire, ils tracent un portrait de Jésus qui m’apparaît refléter ce que ses contemporains voyaient en lui : un homme vrai qui ne se laisse influencer par personne et qui ne considère pas les gens selon l’apparence.
C’est un beau portrait que j’ai aimé entendre parce qu’il va en profondeur et ne se s’attarde pas seulement à sa renommée et à ses miracles.
Ce portrait hélas! fait partie d’une stratégie que Jésus va dégonfler avec un aplomb et une sagesse remarquables par une réponse qui est devenue si célèbre qu’elle fait partie de ces phrases qui ont traversé les siècles. Après les éloges des pharisiens et leur demande pour savoir s’il est permis de payer ou non l’impôt à César, l’empereur romain, Jésus les dénonce : « Hypocrites! Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?» Il leur demande une pièce de monnaie et regardant l’effigie de l’empereur romain, il dit « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
II – Le piège déjoué
Pour mieux comprendre cette réponse célèbre, permettez-moi d’entrer avec vous dans le contexte particulier de ce piège préparé pour Jésus.
La question est très liée aux mouvements de résistance contre les Romains qui se manifestaient à cette époque. Dans ce cadre on voit bien le piège. Si Jésus répond oui, il se dissocie de ces mouvements et prend le parti des Romains qui occupent la Palestine. S’il répond non, il est classé comme membre ou associé des mouvements qui luttent contre les Romains qu’on appelle alors les Zélotes. L’un de ses apôtres d’ailleurs porte ce surnom : Simon le Zélote. Il vient probablement de ces milieux de la résistance juive à l’occupation romaine.
Jésus est bien conscient du piège et il trouve une façon habile de ne pas se prononcer par un oui ou par un non. Sa réponse se fait dans un contexte bien précis et Jésus refuse de se laisser coincer dans un camp ou l’autre, pour ou contre les Romains. Sa réponse « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est demeurée célèbre.
III – Application
Les générations chrétiennes au fil des ans ont reçu cette réponse de diverses façons.
Aujourd’hui, nous pouvons l’appliquer facilement à notre contexte politique. C’est ce que le pape Jean-Paul II faisait dans une lettre aux évêques de France en 2005 lors du centième anniversaire de la Loi de séparation des Églises et de l’État lorsqu’il leur écrivait que le principe de laïcité, bien compris, « rappelle la nécessité d’une juste séparation des pouvoirs qui fait écho à l’invitation du Christ à ses disciples : “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu” » (Lettre du 11 février 2005).
Il y plus cependant. Un message spirituel se dégage pour nous aujourd’hui, comme pour le juif du temps de Jésus : il ne faut pas laisser les aménagements politiques et sociaux prendre toute la place et tuer celle de Dieu. C’est pourquoi après avoir dit « Rendez à César ce qui est à César », Jésus ajoute « Et à Dieu ce qui est à Dieu ».
« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu » tourne le chrétien vers Celui de qui vient tout don, par qui nous avons la vie, le mouvement et l’être (Actes des Apôtres 17, 28). Cette attitude lui fait mettre en pratique le premier commandement « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » sans laisser de côté le second « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mathieu 22, 36-40).
Conclusion
Des textes de l’évangile comme celui-ci ont donné lieu à nombreuses interprétations et même des abus au cours de l’histoire. C’est l’illustration des limites et des pauvretés de ceux et celles qui croient en Jésus-Christ. Leur foi ne les garantit pas des écarts et des dérives.
Demandons au Seigneur dans cette Eucharistie, que notre foi s’enracine de plus en plus dans le roc solide qu’est la personne de Jésus-Christ auquel nous remettons nos vies. C’est avec lui que nous cheminons sur les routes du monde en cherchant à mieux le connaître et à mieux le suivre.
En ce Dimanche missionnaire mondial confions au Seigneur toutes les nations du monde afin qu’elles croient et parviennent à la connaissance de la vérité.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l'Université Laval
Séminaire de Québec
17 octobre 2017