La parabole du gérant malhonnête dans Luc 16, 1-13 (Crédits photo : Bernadette Lopez, alias Berna dans Évangile et peinture )
« Il n'y a qu'un seul Dieu, il n'a qu'un seul médiateur entre Dieu et les hommes. » (I Timothée 2, 5). Cette phrase de la deuxième lecture nous servira de clé de lecture.
C’est avec cette clé de lecture que nous pouvons méditer le texte de l’évangile de saint Luc que nous venons d'entendre.
I - Le parcours de l'Argent trompeur
Dans ce texte, saint Luc aujourd’hui nous livre des recommandations de Jésus qui sont des plus percutantes et même mystifiantes surtout la première où Jésus semble louer les détours malhonnêtes du gérant de la parabole.
Ces recommandations n'y vont pas par quatre chemins et incitent avec force le disciple à la transparence, à mettre ses priorités à la bonne place. L’appel de Jésus est clair et il est radical : « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres…vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent ». Les recommandations de Jésus ne veulent pas empêcher les disciples, l’Église, de se donner les moyens de répandre la Bonne Nouvelle, mais elles lui indiquent que c’est en choisissant ce qui dure tout le temps et non en se laissant fasciner par ce qui dure un temps, la « mondanité » dont parle souvent le pape François, que le disciple suit son Maître qui s’est anéanti totalement en se dépouillant de tout et qui s’est livré pour nous.
II - Le chemin de la « mondanité »
« Le chemin de la mondanité, disait le pape François dans une homélie sur le gérant malhonnête, des ennemis de la Croix du Christ est ainsi : il te porte à la corruption! Cela arrive aux personnes qui n’ont de chrétien que le vernis, des chrétiens mondains, des païens recouverts de deux coups de pinceau de christianisme, habitués à la médiocrité ». Ces chrétiens-là, continue le Pape, ont une mentalité mondaine au lieu « d’être des chrétiens des cieux », ils sont attachés à l’argent. Ils ressemblent à ces pharisiens que dénonce Jésus à la fin de l’évangile. (Voir aussi La joie de l’Évangile nos 93-97).
« Non à la mondanité spirituelle », écrit le pape François dans son Exhortation apostolique « La joie de l'Évangile ». Et il continue « La mondanité spirituelle, qui se cache derrière des apparences de religiosité et même d’amour de l’Église, consiste à rechercher, au lieu de la gloire du Seigneur, la gloire humaine et le bien-être personnel. C’est ce que le Seigneur reprochait aux pharisiens : 'Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez la gloire les uns des autres, et ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ?" (Jn 5, 44). Il s’agit d’une manière subtile de rechercher 'ses propres intérêts, non ceux de Jésus-Christ ' (Ph 2, 21). Elle prend de nombreuses formes, suivant le type de personne et la circonstance dans laquelle elle s’insinue. Du moment qu’elle est liée à la recherche de l’apparence, elle ne s’accompagne pas toujours de péchés publics, et, extérieurement, tout semble correct. Mais si elle envahissait l’Église, 'elle serait infiniment plus désastreuse qu’une quelconque autre mondanité simplement morale '. »
Et le pape de conclure « Celui qui est tombé dans cette mondanité regarde de haut et de loin, il refuse la prophétie des frères, il élimine celui qui lui fait une demande, il fait ressortir continuellement les erreurs des autres et est obsédé par l’apparence. Il a réduit la référence du cœur à l’horizon fermé de son immanence et de ses intérêts et, en conséquence, il n’apprend rien de ses propres péchés et n’est pas authentiquement ouvert au pardon. C’est une terrible corruption sous l’apparence du bien. Il faut l’éviter en mettant l’Église en mouvement de sortie de soi, de mission centrée en Jésus Christ, d’engagement envers les pauvres. Que Dieu nous libère d’une Église mondaine sous des drapés spirituels et pastoraux ! Cette mondanité asphyxiante se guérit en savourant l’air pur du Saint Esprit, qui nous libère de rester centrés sur nous-mêmes, cachés derrière une apparence religieuse vide de Dieu. Ne nous laissons pas voler l’Évangile ! »
III- Application
Nous sommes donc invités aujourd’hui à un examen de conscience comme individus et comme groupes. Quel est notre rapport à l’argent et aux biens matériels? Comment nous préserver de l’esprit de mondanité dénoncé par le pape François? Comment mesurer avec sagesse l’utilisation de ces biens?
Il n’y a pas de réponse toute faite. C’est à nous de prendre les voies concrètes adaptées tout en donnant la priorité aux biens qui ne passent pas plutôt qu’aux choses qui ne durent qu’un temps et qui nous enferment dans une étroitesse et un horizon sans ouverture.
Conclusion
Que cette célébration soit l’occasion de renouveler notre attachement à Jésus Sauveur, le Seigneur de notre vie, le seul médiateur entre Dieu et les hommes, comme le dit saint Paul à Timothée dans la deuxième lecture, et qu’elle nous donne la force d’aller toujours plus loin sur le chemin du dépouillement nécessaire qui nous prépare au dépouillement suprême, celui du passage de ce monde à celui de l’éternité bienheureuse.
C’est ce que dit cette belle prière avec laquelle je termine ce mot : « Dieu, qui peux mettre au cœur de tes fidèles un unique désir, donne à ton peuple d’aimer ce que tu commandes et d’attendre ce que tu promets; pour qu’au milieu des changements de ce monde, nos cœurs s’établissent fermement à où se trouvent les vraies joies. ».
C’est la grâce que je vous souhaite de tout cœur.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l'Université Laval
Séminaire de Québec
13 septembre 2016
C’est avec cette clé de lecture que nous pouvons méditer le texte de l’évangile de saint Luc que nous venons d'entendre.
I - Le parcours de l'Argent trompeur
Dans ce texte, saint Luc aujourd’hui nous livre des recommandations de Jésus qui sont des plus percutantes et même mystifiantes surtout la première où Jésus semble louer les détours malhonnêtes du gérant de la parabole.
Ces recommandations n'y vont pas par quatre chemins et incitent avec force le disciple à la transparence, à mettre ses priorités à la bonne place. L’appel de Jésus est clair et il est radical : « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres…vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent ». Les recommandations de Jésus ne veulent pas empêcher les disciples, l’Église, de se donner les moyens de répandre la Bonne Nouvelle, mais elles lui indiquent que c’est en choisissant ce qui dure tout le temps et non en se laissant fasciner par ce qui dure un temps, la « mondanité » dont parle souvent le pape François, que le disciple suit son Maître qui s’est anéanti totalement en se dépouillant de tout et qui s’est livré pour nous.
II - Le chemin de la « mondanité »
« Le chemin de la mondanité, disait le pape François dans une homélie sur le gérant malhonnête, des ennemis de la Croix du Christ est ainsi : il te porte à la corruption! Cela arrive aux personnes qui n’ont de chrétien que le vernis, des chrétiens mondains, des païens recouverts de deux coups de pinceau de christianisme, habitués à la médiocrité ». Ces chrétiens-là, continue le Pape, ont une mentalité mondaine au lieu « d’être des chrétiens des cieux », ils sont attachés à l’argent. Ils ressemblent à ces pharisiens que dénonce Jésus à la fin de l’évangile. (Voir aussi La joie de l’Évangile nos 93-97).
« Non à la mondanité spirituelle », écrit le pape François dans son Exhortation apostolique « La joie de l'Évangile ». Et il continue « La mondanité spirituelle, qui se cache derrière des apparences de religiosité et même d’amour de l’Église, consiste à rechercher, au lieu de la gloire du Seigneur, la gloire humaine et le bien-être personnel. C’est ce que le Seigneur reprochait aux pharisiens : 'Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez la gloire les uns des autres, et ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ?" (Jn 5, 44). Il s’agit d’une manière subtile de rechercher 'ses propres intérêts, non ceux de Jésus-Christ ' (Ph 2, 21). Elle prend de nombreuses formes, suivant le type de personne et la circonstance dans laquelle elle s’insinue. Du moment qu’elle est liée à la recherche de l’apparence, elle ne s’accompagne pas toujours de péchés publics, et, extérieurement, tout semble correct. Mais si elle envahissait l’Église, 'elle serait infiniment plus désastreuse qu’une quelconque autre mondanité simplement morale '. »
Et le pape de conclure « Celui qui est tombé dans cette mondanité regarde de haut et de loin, il refuse la prophétie des frères, il élimine celui qui lui fait une demande, il fait ressortir continuellement les erreurs des autres et est obsédé par l’apparence. Il a réduit la référence du cœur à l’horizon fermé de son immanence et de ses intérêts et, en conséquence, il n’apprend rien de ses propres péchés et n’est pas authentiquement ouvert au pardon. C’est une terrible corruption sous l’apparence du bien. Il faut l’éviter en mettant l’Église en mouvement de sortie de soi, de mission centrée en Jésus Christ, d’engagement envers les pauvres. Que Dieu nous libère d’une Église mondaine sous des drapés spirituels et pastoraux ! Cette mondanité asphyxiante se guérit en savourant l’air pur du Saint Esprit, qui nous libère de rester centrés sur nous-mêmes, cachés derrière une apparence religieuse vide de Dieu. Ne nous laissons pas voler l’Évangile ! »
III- Application
Nous sommes donc invités aujourd’hui à un examen de conscience comme individus et comme groupes. Quel est notre rapport à l’argent et aux biens matériels? Comment nous préserver de l’esprit de mondanité dénoncé par le pape François? Comment mesurer avec sagesse l’utilisation de ces biens?
Il n’y a pas de réponse toute faite. C’est à nous de prendre les voies concrètes adaptées tout en donnant la priorité aux biens qui ne passent pas plutôt qu’aux choses qui ne durent qu’un temps et qui nous enferment dans une étroitesse et un horizon sans ouverture.
Conclusion
Que cette célébration soit l’occasion de renouveler notre attachement à Jésus Sauveur, le Seigneur de notre vie, le seul médiateur entre Dieu et les hommes, comme le dit saint Paul à Timothée dans la deuxième lecture, et qu’elle nous donne la force d’aller toujours plus loin sur le chemin du dépouillement nécessaire qui nous prépare au dépouillement suprême, celui du passage de ce monde à celui de l’éternité bienheureuse.
C’est ce que dit cette belle prière avec laquelle je termine ce mot : « Dieu, qui peux mettre au cœur de tes fidèles un unique désir, donne à ton peuple d’aimer ce que tu commandes et d’attendre ce que tu promets; pour qu’au milieu des changements de ce monde, nos cœurs s’établissent fermement à où se trouvent les vraies joies. ».
C’est la grâce que je vous souhaite de tout cœur.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l'Université Laval
Séminaire de Québec
13 septembre 2016