Photo du cardinal Danneels
Cette cathédrale se dresse au cœur de Bruxelles. Au-dehors s’étend la ville, lieu de vie bouillonnante, de beaucoup de souffrance cachée aussi, lieu de vie et de mort. Un mélange de gens de toutes races, langues, cultures et religions. Est-il bien une langue qui ne soit pas parlée à Bruxelles, est-il un pays de la planète dont personne ne séjourne ici ?
Et au sein de cette ville habitent les chrétiens de Bruxelles comme ‘étincelles dans les chaumes’ dirait la Bible. Mais les chrétiens de cette ville tiennent-ils vraiment à elle ? Parfois on répond que non : la ville est païenne et pécheresse. Que sont donc devenus le calme, la paix et la foi autour des clochers familiers des communes rurales ? Pourtant le christianisme n’est-il pas né en ville ? A Jérusalem, Corinthe et Rome ? C’est dans des villes que l’Eglise a été fondée. Ne sera-t-il pas vrai également que ce sera dans les villes qu’elle sera re-fondée, qu’elle re-vivra ? Les chrétiens aiment la ville : elle est leur biotope. Et c’est précisément pourquoi a été organisé ce congrès à Bruxelles-Toussaint.
Les chrétiens aiment le multiculturalisme. Dieu d’ailleurs, lui aussi. La première alliance qu’il a conclue avec les hommes en la personne de Noë, ne fut-elle pas justement une alliance avec tous les peuples de par la terre, et n’a-t-il pas mis son arc-en-ciel dans les nuées afin que tous s’en souviennent ? Or cette alliance avec toute l’humanité, Dieu ne l’a jamais retirée. La confusion des langages de Babel - confusion qui caractérise d’ailleurs trop souvent nos sociétés -, ce n’est pas Dieu qui l’a voulue : elle provient de nous. C’est nous qui n’avons pas écouté Dieu et qui du même coup ne nous sommes plus compris les uns les autres. Cependant le rêve divin d’une seule cité pour tous les hommes subsiste. Nous venons de le réentendre lire dans le livre de l’Apocalypse : ‘Après cela, je vu : C’était une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes les nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs avec des palmes à la main. Et ils proclamaient d’une voix forte : « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau ! »’ (Ap 7, 9-10).
Elle vient, la Cité de Dieu. La Jérusalem Nouvelle nous pouvons déjà la voir à l’avance aujourd’hui dans la foi. Et dans cette vision, Bruxelles est incluse. Ce n’est qu’une ‘vision’, objectera bien quelqu’un, ‘et encore, je ne la vois que de loin, sinon pas du tout ‘. Mais la Bible refuse de reléguer les visions du royaume de l’imaginaire. Les visions ne sont pas le produit d’une imagination débridée, elles sont le fruit des promesses divines, elles sont fondées sur l’espérance théologale, qui jamais n’est déçue. Aussi sommes-nous tenus, nous chrétiens, de vivre ces visions, sachant d’ailleurs que ‘lorsqu’il n’y a plus de vision, le peuple retourne à l’état sauvage’ (Pr 29, 18).
Cela ne veut pas dire que nous pourrons réaliser la vision par nos propres moyens. Dans la nouvelle Cité de Jérusalem, ne se trouve aucun monument témoignant du savoir-faire humain. Au centre se dressent le trône de Dieu et l’Agneau. Au reste, ‘si le Seigneur ne bâtit la maison, ses bâtisseurs travaillent pour rien’ (Ps 127, 1).
Mais Dieu ne le fait pas sans nous : nous apportons notre concours. Oui, dans la ville, nous contribuons, chrétiens, à plus de justice, à l’attention aux malades et aux pauvres, aux réfugiés et demandeurs d’asile, à la paix publique et au respect mutuel. Il est incroyable, le nombre de services que l’Eglise rend à la société à Bruxelles. Elle tient ‘Porte Ouverte’ à quiconque se présente. Mais ce qu’elle réalise dans les paroisses et associations, reste souvent trop caché. Et sans doute est-ce mieux ainsi, puisque Jésus nous a dit que notre main gauche ne devait pas savoir ce que fait la droite. Cependant, pour une fois, nous pouvons rappeler aussi cette autre parole du Seigneur : ‘Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux’ (Mt 5, 14-16).
Eglise de Bruxelles, oui, pour une fois, montre-toi telle que tu es, afin que tous puissent voir tes œuvres et surtout rendent gloire au Père qui est aux cieux. Car la religion n’est pas affaire privée : elle a sa place dans la vie publique, au cœur de la société.
Mais peut-être direz-vous : ‘Tous les gens de bonne composition rendent service ; nous n’avons pas, nous chrétiens, le monopole de la chose !’ Assurément non. Pourtant nous avons bien quelque chose de particulier, comme un surplus. Et ce surplus, nous l’avons entendu évoqué dans l’évangile de ce jour : jusqu’à huit fois, Jésus dit ce qui est propre aux chrétiens… Qu’ils sont pauvres de cœur et ne le prennent donc pas de haut… Qu’ils pleurent parce que le bien progresse si lentement que le mal semble l’emporter… Qu’ils sont doux et adhèrent aux valeurs douces dans la société… Qu’ils ont faim et soif de justice, qu’ils sont miséricordieux et savent pardonner, qu’ils ont le cœur pur, qu’ils font œuvre de paix et supportent d’être persécutés, accusés de toute sorte de mal à cause du Christ… Que par-dessus tout cela, ils sont encore heureux et réjouis. Car Jésus termine par ces mots : ‘Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux’ (Mt 5, 12).
Eh bien, chrétiens de Bruxelles et d’ailleurs, ‘n’ayez donc pas peur !’. Montrez sans complexe et sans arrogance qui vous êtes ! Avec le psalmiste, je puis vous dire : ‘Heureux le peuple qui a le Seigneur pour Dieu !’ (Ps 33, 12).
Godfried Cardinal DANNEELS, Archevêque de Malines-Bruxelles.
Et au sein de cette ville habitent les chrétiens de Bruxelles comme ‘étincelles dans les chaumes’ dirait la Bible. Mais les chrétiens de cette ville tiennent-ils vraiment à elle ? Parfois on répond que non : la ville est païenne et pécheresse. Que sont donc devenus le calme, la paix et la foi autour des clochers familiers des communes rurales ? Pourtant le christianisme n’est-il pas né en ville ? A Jérusalem, Corinthe et Rome ? C’est dans des villes que l’Eglise a été fondée. Ne sera-t-il pas vrai également que ce sera dans les villes qu’elle sera re-fondée, qu’elle re-vivra ? Les chrétiens aiment la ville : elle est leur biotope. Et c’est précisément pourquoi a été organisé ce congrès à Bruxelles-Toussaint.
Les chrétiens aiment le multiculturalisme. Dieu d’ailleurs, lui aussi. La première alliance qu’il a conclue avec les hommes en la personne de Noë, ne fut-elle pas justement une alliance avec tous les peuples de par la terre, et n’a-t-il pas mis son arc-en-ciel dans les nuées afin que tous s’en souviennent ? Or cette alliance avec toute l’humanité, Dieu ne l’a jamais retirée. La confusion des langages de Babel - confusion qui caractérise d’ailleurs trop souvent nos sociétés -, ce n’est pas Dieu qui l’a voulue : elle provient de nous. C’est nous qui n’avons pas écouté Dieu et qui du même coup ne nous sommes plus compris les uns les autres. Cependant le rêve divin d’une seule cité pour tous les hommes subsiste. Nous venons de le réentendre lire dans le livre de l’Apocalypse : ‘Après cela, je vu : C’était une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes les nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs avec des palmes à la main. Et ils proclamaient d’une voix forte : « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau ! »’ (Ap 7, 9-10).
Elle vient, la Cité de Dieu. La Jérusalem Nouvelle nous pouvons déjà la voir à l’avance aujourd’hui dans la foi. Et dans cette vision, Bruxelles est incluse. Ce n’est qu’une ‘vision’, objectera bien quelqu’un, ‘et encore, je ne la vois que de loin, sinon pas du tout ‘. Mais la Bible refuse de reléguer les visions du royaume de l’imaginaire. Les visions ne sont pas le produit d’une imagination débridée, elles sont le fruit des promesses divines, elles sont fondées sur l’espérance théologale, qui jamais n’est déçue. Aussi sommes-nous tenus, nous chrétiens, de vivre ces visions, sachant d’ailleurs que ‘lorsqu’il n’y a plus de vision, le peuple retourne à l’état sauvage’ (Pr 29, 18).
Cela ne veut pas dire que nous pourrons réaliser la vision par nos propres moyens. Dans la nouvelle Cité de Jérusalem, ne se trouve aucun monument témoignant du savoir-faire humain. Au centre se dressent le trône de Dieu et l’Agneau. Au reste, ‘si le Seigneur ne bâtit la maison, ses bâtisseurs travaillent pour rien’ (Ps 127, 1).
Mais Dieu ne le fait pas sans nous : nous apportons notre concours. Oui, dans la ville, nous contribuons, chrétiens, à plus de justice, à l’attention aux malades et aux pauvres, aux réfugiés et demandeurs d’asile, à la paix publique et au respect mutuel. Il est incroyable, le nombre de services que l’Eglise rend à la société à Bruxelles. Elle tient ‘Porte Ouverte’ à quiconque se présente. Mais ce qu’elle réalise dans les paroisses et associations, reste souvent trop caché. Et sans doute est-ce mieux ainsi, puisque Jésus nous a dit que notre main gauche ne devait pas savoir ce que fait la droite. Cependant, pour une fois, nous pouvons rappeler aussi cette autre parole du Seigneur : ‘Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux’ (Mt 5, 14-16).
Eglise de Bruxelles, oui, pour une fois, montre-toi telle que tu es, afin que tous puissent voir tes œuvres et surtout rendent gloire au Père qui est aux cieux. Car la religion n’est pas affaire privée : elle a sa place dans la vie publique, au cœur de la société.
Mais peut-être direz-vous : ‘Tous les gens de bonne composition rendent service ; nous n’avons pas, nous chrétiens, le monopole de la chose !’ Assurément non. Pourtant nous avons bien quelque chose de particulier, comme un surplus. Et ce surplus, nous l’avons entendu évoqué dans l’évangile de ce jour : jusqu’à huit fois, Jésus dit ce qui est propre aux chrétiens… Qu’ils sont pauvres de cœur et ne le prennent donc pas de haut… Qu’ils pleurent parce que le bien progresse si lentement que le mal semble l’emporter… Qu’ils sont doux et adhèrent aux valeurs douces dans la société… Qu’ils ont faim et soif de justice, qu’ils sont miséricordieux et savent pardonner, qu’ils ont le cœur pur, qu’ils font œuvre de paix et supportent d’être persécutés, accusés de toute sorte de mal à cause du Christ… Que par-dessus tout cela, ils sont encore heureux et réjouis. Car Jésus termine par ces mots : ‘Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux’ (Mt 5, 12).
Eh bien, chrétiens de Bruxelles et d’ailleurs, ‘n’ayez donc pas peur !’. Montrez sans complexe et sans arrogance qui vous êtes ! Avec le psalmiste, je puis vous dire : ‘Heureux le peuple qui a le Seigneur pour Dieu !’ (Ps 33, 12).
Godfried Cardinal DANNEELS, Archevêque de Malines-Bruxelles.