Le décès de l’abbé Gaston Savard a sonné l’appel de se regrouper pour vivre ensemble un dernier adieu près de son corps. Notre amitié et notre affection nous rassemblent dans ce temps de prière. Notre foi en la mort et la résurrection de Jésus nous apporte la consolation dans l’attente de la réalisation de cette pro- messe de Jésus : « La volonté de mon Père…c’est que je les ressuscite tous au dernier jour. »(Jn6, 39) Ce matin, cette célébration est un acte de foi en la vie que Dieu nous partage. Cette vie qui ne meurt pas.
Le 12 juin 1949, l’abbé Savard a été ordonné prêtre du Christ. Il a répondu à l’appel de mettre sa vie à la disposition du Christ pour distribuer la vie de Dieu. L’abbé Savard a exercé ce don de la vie de Dieu comme éducateur dans l’œuvre du Séminaire de Québec. L’évangéliste Saint Matthieu nous fait entrer dans ce secret du don de la vie de Dieu avec cet avertissement de Jésus: « Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. »(Mt18, 3) La psychologie actuelle voit comme une régression malsaine de vouloir jouer à l’enfant alors que nous sommes des adultes. Nicodème s’est retrouvé dans le même embarras lorsque Jésus lui a partagé : « En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu. »(Jn3, 3) Le pauvre Nicodème se demandait si nous devions entrer une deuxième fois dans le sein de notre mère. Jésus insiste devenir « comme » les petits enfants et non devenir un enfant. La particularité de l’enfant, c’est de se recevoir. L’enfant est soutenu pour faire ses premiers pas, il est nourri par son entourage, il est enseigné, il est formé dans ses habiletés. L’enfant ne pourra donner que ce qu’il a reçu. L’enfant doit rester en interrelation avec son milieu dans un lien de don et d’accueil.
Comme prêtre, notre interrelation avec le milieu se fait à travers le don de l’Eucharistie. Comme le Congrès Eucharistique nous l’a rappelé, c’est le don de Dieu pour la vie du monde. Si l’Eucharistie est un don, le problème n’est pas d’abord de l’expliquer, mais de le recevoir. Ce n’est pas nous qui donnons son sens à l’Eucharistie. C’est Jésus-Christ. Alors c’est peut-être l’Eucharistie qui nous expliquera ce que nous sommes et non pas l’inverse. Les Pères de l’Église n’ont pas proposé d’explication. Ils ont simplement essayé d’aider à adorer et à rencontrer. Dans l’Eucharistie, on ne peut pas penser la présence du Christ sans la penser à partir du « don » de Dieu. Et il n’est à nous que dans la mesure où il reste un don. Il ne vient pas de nous.
Je crois important de se donner une image du mot « présence » pour mieux l’accueillir. Pensons aux otages de différents enlèvements. Les femmes qui attendent des nouvelles de leur mari enlevé. Ces épouses ont connu cinq à sept étages de présence. D’abord les nouvelles, les on-dit venus des journalistes, des ambassadeurs ou des services de renseignements. Il y avait un premier degré d’espoir : « On dit que mon mari est vivant. » Premier degré de présence. Encore fragile. – Puis une lettre est reçue. C’est bien son écriture. – Puis une photo. Il a maigri. – Puis une vidéo. Il a l’air abattu, mais espérance. – Puis une dépêche : il va être libéré. – Puis la confirmation de cette dépêche. –Puis l’arrivée de l’avion. Il va apparaître. C’est lui vraiment lui en haut de l’échelle. Enfin la présence réelle : je le serre dans mes bras. Nous pleurons. Il me parle. C’est tout différent de la vidéo ou de la photo. Il y a donc des degrés dans la présence. Le bouleversement des épouses prouvent bien que toutes les formes de présence ne sont pas du même ordre et que nous avons des degrés d’intensités divers. Il y en a une seule qui peut finalement être dite totalement présence réelle. A l’Eucharistie, Dieu ne nous donne pas du pain et du vin, il nous donne le corps du Christ, son Fils unique, sa présence réelle.
Saint Paul insiste en Corinthiens sur la nécessaire annonce de l’Évangile pour l’envoyé de Dieu. « Annoncer l’Évangile » (1Cor9, 16) « je m’acquitte de la charge que Dieu m’a confié » (1Cor9, 17) Saint Paul a dû subir bien des épreuves dans son corps. « Je le fais à cause de l’Évangile, pour bénéficier, moi aussi, du salut. »(1Cor9, 23) L’abbé Savard a porté cette annonce de l’Évangile dans son corps également. Depuis quinze ans, son état de santé a nécessité des traitements d’hémodialyse trois fois par semaine. Avec patience, il a accepté cette perte d’autonomie comme sa part à vivre en lien avec l’humanité souffrante.
La maladie et la mort de l’abbé Savard nous place devant notre incapacité à donner la vie. Nous devons la recevoir. L’abbé Savard a vécu dans cette conscience de devenir comme un enfant pour rester ouvert à l’accueil du don de la vie de Dieu. Il est resté centrer sur l’essentiel pour être porteur de vie et de lumière. Il a complété sa course de la vie pour gagner la couronne qui ne se flétrit pas mais qui est précieuse aux yeux de Dieu.
Amen.
+Jean-Pierre Blais
Évêque élu de Baie-Comeau
7 février 2009
Le 12 juin 1949, l’abbé Savard a été ordonné prêtre du Christ. Il a répondu à l’appel de mettre sa vie à la disposition du Christ pour distribuer la vie de Dieu. L’abbé Savard a exercé ce don de la vie de Dieu comme éducateur dans l’œuvre du Séminaire de Québec. L’évangéliste Saint Matthieu nous fait entrer dans ce secret du don de la vie de Dieu avec cet avertissement de Jésus: « Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. »(Mt18, 3) La psychologie actuelle voit comme une régression malsaine de vouloir jouer à l’enfant alors que nous sommes des adultes. Nicodème s’est retrouvé dans le même embarras lorsque Jésus lui a partagé : « En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu. »(Jn3, 3) Le pauvre Nicodème se demandait si nous devions entrer une deuxième fois dans le sein de notre mère. Jésus insiste devenir « comme » les petits enfants et non devenir un enfant. La particularité de l’enfant, c’est de se recevoir. L’enfant est soutenu pour faire ses premiers pas, il est nourri par son entourage, il est enseigné, il est formé dans ses habiletés. L’enfant ne pourra donner que ce qu’il a reçu. L’enfant doit rester en interrelation avec son milieu dans un lien de don et d’accueil.
Comme prêtre, notre interrelation avec le milieu se fait à travers le don de l’Eucharistie. Comme le Congrès Eucharistique nous l’a rappelé, c’est le don de Dieu pour la vie du monde. Si l’Eucharistie est un don, le problème n’est pas d’abord de l’expliquer, mais de le recevoir. Ce n’est pas nous qui donnons son sens à l’Eucharistie. C’est Jésus-Christ. Alors c’est peut-être l’Eucharistie qui nous expliquera ce que nous sommes et non pas l’inverse. Les Pères de l’Église n’ont pas proposé d’explication. Ils ont simplement essayé d’aider à adorer et à rencontrer. Dans l’Eucharistie, on ne peut pas penser la présence du Christ sans la penser à partir du « don » de Dieu. Et il n’est à nous que dans la mesure où il reste un don. Il ne vient pas de nous.
Je crois important de se donner une image du mot « présence » pour mieux l’accueillir. Pensons aux otages de différents enlèvements. Les femmes qui attendent des nouvelles de leur mari enlevé. Ces épouses ont connu cinq à sept étages de présence. D’abord les nouvelles, les on-dit venus des journalistes, des ambassadeurs ou des services de renseignements. Il y avait un premier degré d’espoir : « On dit que mon mari est vivant. » Premier degré de présence. Encore fragile. – Puis une lettre est reçue. C’est bien son écriture. – Puis une photo. Il a maigri. – Puis une vidéo. Il a l’air abattu, mais espérance. – Puis une dépêche : il va être libéré. – Puis la confirmation de cette dépêche. –Puis l’arrivée de l’avion. Il va apparaître. C’est lui vraiment lui en haut de l’échelle. Enfin la présence réelle : je le serre dans mes bras. Nous pleurons. Il me parle. C’est tout différent de la vidéo ou de la photo. Il y a donc des degrés dans la présence. Le bouleversement des épouses prouvent bien que toutes les formes de présence ne sont pas du même ordre et que nous avons des degrés d’intensités divers. Il y en a une seule qui peut finalement être dite totalement présence réelle. A l’Eucharistie, Dieu ne nous donne pas du pain et du vin, il nous donne le corps du Christ, son Fils unique, sa présence réelle.
Saint Paul insiste en Corinthiens sur la nécessaire annonce de l’Évangile pour l’envoyé de Dieu. « Annoncer l’Évangile » (1Cor9, 16) « je m’acquitte de la charge que Dieu m’a confié » (1Cor9, 17) Saint Paul a dû subir bien des épreuves dans son corps. « Je le fais à cause de l’Évangile, pour bénéficier, moi aussi, du salut. »(1Cor9, 23) L’abbé Savard a porté cette annonce de l’Évangile dans son corps également. Depuis quinze ans, son état de santé a nécessité des traitements d’hémodialyse trois fois par semaine. Avec patience, il a accepté cette perte d’autonomie comme sa part à vivre en lien avec l’humanité souffrante.
La maladie et la mort de l’abbé Savard nous place devant notre incapacité à donner la vie. Nous devons la recevoir. L’abbé Savard a vécu dans cette conscience de devenir comme un enfant pour rester ouvert à l’accueil du don de la vie de Dieu. Il est resté centrer sur l’essentiel pour être porteur de vie et de lumière. Il a complété sa course de la vie pour gagner la couronne qui ne se flétrit pas mais qui est précieuse aux yeux de Dieu.
Amen.
+Jean-Pierre Blais
Évêque élu de Baie-Comeau
7 février 2009